Le Trochiscanthe nodiflore [TN]

n°955 (2025-02)

mardi 14 janvier 2025

"Lettre hebdomadaire" du site "Rencontres Sauvages"
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John DOWLAND - Lachrimae Gementes

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Moineau domestique, Pinsons (du Nord et des Arbres),
Grosbec cassenoyaux et Verdier d'Europe

Courvières (Haut-Doubs), Champ-Margot
fin-octobre - novembre 2024



Moineau domestique mâle
Courvières (Haut-Doubs), Champ-Margot
dimanche 20 octobre 2024



Moineau domestique femelle
Courvières (Haut-Doubs), Champ-Margot
dimanche 20 octobre 2024

Moineau domestique mâle
Courvières (Haut-Doubs), Champ-Margot
dimanche 27 octobre 2024




Pinson des arbres mâle
Courvières (Haut-Doubs), Champ-Margot
mardi 29 octobre 2024



Pinson du nord femelle
Courvières (Haut-Doubs), Champ-Margot
vendredi 1er novembre 2024

Grosbec cassenoyaux
Courvières (Haut-Doubs), Champ-Margot
vendredi 1er novembre 2024

Pinson des arbres mâle
Courvières (Haut-Doubs), Champ-Margot
samedi 2 novembre 2024

Pinson du nord femelle et Mésange bleue
Courvières (Haut-Doubs), Champ-Margot
samedi 2 novembre 2024

Pinson du nord mâle
Courvières (Haut-Doubs), Champ-Margot
dimanche 3 novembre 2024




Moineau domestique mâle
Courvières (Haut-Doubs), Champ-Margot
dimanche 3 novembre 2024


Moineau domestique femelle
Courvières (Haut-Doubs), Champ-Margot
dimanche 3 novembre 2024

Grosbec cassenoyaux
Courvières (Haut-Doubs), Champ-Margot
dimanche 3 novembre 2024

Grosbec cassenoyaux
Courvières (Haut-Doubs), Champ-Margot
dimanche 3 novembre 2024



Pinson du nord femelle
Courvières (Haut-Doubs), Champ-Margot
dimanche 3 novembre 2024



Pinson des arbres femelle
Courvières (Haut-Doubs), Champ-Margot
dimanche 3 novembre 2024



Verdier d'Europe mâle
Courvières (Haut-Doubs), Champ-Margot
dimanche 3 novembre 2024



Verdier d'Europe femelle
Courvières (Haut-Doubs), Champ-Margot
dimanche 3 novembre 2024



Pinson des arbres femelle
Courvières (Haut-Doubs), Champ-Margot
dimanche 10 novembre 2024

 

Pinson des arbres mâle
Courvières (Haut-Doubs), Champ-Margot
dimanche 10 novembre 2024



Pinson du nord mâle, de dos
Courvières (Haut-Doubs), Champ-Margot
dimanche 10 novembre 2024



Pinson des arbres mâle, de dos
Courvières (Haut-Doubs), Champ-Margot
dimanche 10 novembre 2024



Pinson des arbres mâle, le soir
Courvières (Haut-Doubs), Champ-Margot
dimanche 10 novembre 2024



Pinson des arbres mâle
Courvières (Haut-Doubs), Champ-Margot
lundi 11 novembre 2024



Moineau domestique femelle
Courvières (Haut-Doubs), Champ-Margot
samedi 16 novembre 2024



Courvières (Haut-Doubs), Champ-Margot
samedi 16 novembre 2024



Moineau domestique femelle
Courvières (Haut-Doubs), Champ-Margot
samedi 23 novembre 2024



Pinson du nord mâle
Courvières (Haut-Doubs), Champ-Margot
dimanche 24 novembre 2024



Pinson du nord femelle
Courvières (Haut-Doubs), Champ-Margot
dimanche 24 novembre 2024



Pinson des arbres mâle
Courvières (Haut-Doubs), Champ-Margot
mercredi 27 novembre 2024



Moineau domestique femelle

Courvières (Haut-Doubs), Champ-Margot
vendredi 29 novembre 2024



Pinson des arbres femelle
Courvières (Haut-Doubs), Champ-Margot
samedi 30 novembre 2024







Moineau domestique femelle
Courvières (Haut-Doubs), Champ-Margot
samedi 30 novembre 2024





Moineau domestique : deux mâles
Courvières (Haut-Doubs), Champ-Margot
samedi 30 novembre 2024









Moineau domestique femelle
Courvières (Haut-Doubs), Champ-Margot
samedi 30 novembre 2024




Suggestion de lecture :

"Apparemment, j’ai huit pattes, je mesure un millimètre et je suis âgé de cent trente mille ans. Ça ne m’évoque pas grand-chose, je viens à peine de refaire surface, mais je commence à me familiariser avec les repères de ces bipèdes inconnus qui se réjouissent de m’avoir découvert.

Autant que je puisse en juger, leur espèce est dotée d’une forme d’intelligence – beaucoup moins claire que celle des végétaux et des insectes que j’ai côtoyés précédemment, mais tellement plus vaste… Moi dont la conscience intermittente se limitait jusqu’alors à la perception des conditions extérieures, à l’analyse des présences alentour et aux décisions dictées par l’instinct de survie, il m’a fallu du temps pour m’adapter à cette pensée qui part dans tous les sens, à déchiffrer ce langage mêlant odeurs, images et sonorités, comme chez les plantes et les abeilles, mais truffé d’interférences qu’ils appellent des émotions. Des ressentis comme ceux que je captais chez mes contemporains de la dernière fois – la peur, la faim, la douleur, l’agressivité, le bien-être –, sauf que là, ces ressentis se déclenchent souvent indépendamment des circonstances.

Je m’y suis fait, à présent. Il n’y a pas de mérite : j’ai toujours fonctionné comme une éponge, l’une de mes premières voisines sur Terre, que je prenais pour une mousse comestible et qui s’est révélée être un animal comme moi. J’absorbe, je traite et je restitue, que ce soit au niveau des informations, des objectifs ou de la manière de communiquer. Du coup, à mesure que j’apprends à me repérer dans votre brouillard mental, mes capacités d’apprentissage et ma sensibilité se développent de façon considérable. Je ne fais pas qu’assimiler votre intelligence et vos émotions, je les partage. Car la grande nouveauté pour moi est que je suscite l’intérêt. Et même l’admiration, cette forme de perception nouvelle qui me permet non seulement de faire connaissance avec votre espèce sous son meilleur jour, mais d’en apprendre davantage sur moi.

Hier encore, j’étais lyophilisé. Comme vos soupes en sachet ou votre café soluble. C’est l’image employée dans la première description dont j’ai fait l’objet à mon réveil, de la part de l’explorateur qui m’a extrait de la paroi d’une faille gelée, à deux cents mètres de profondeur. Il a déposé mon fragment de glace au milieu d’un plateau, sous la grande tente orange chauffée au gaz qu’il occupe avec d’autres savants. Et il est resté bouche bée quand, ramené à température ambiante au bout d’un moment, je me suis mis à remuer les pattes dans ma petite flaque. Il m’avait cru mort. Mais non, je m’étais simplement déshydraté, comme je fais toujours quand les conditions extérieures cessent d’être propices à ma survie. C’est ce que nous avons appris ensemble, dès lors que, sur l’appareil qu’il appelle son « Mac », il m’a identifié dans une banque d’images. Entre-temps, après avoir prélevé tout ce que mon bloc de glace contenait d’important pour eux autour de moi – poussières d’étoiles et bactéries non répertoriées –, ses congénères s’étaient envolés dans un engin en forme de libellule. Alors il a donné l’alerte à distance :

À première vue, ça ressemble à un tardigrade. Huit pattes, un millimètre. D’après la profondeur, il était piégé dans la glace depuis cent trente mille ans, et il vient de revenir à la vie sous mon nez. Qu’est-ce que je fais ?

On lui a envoyé une spécialiste. Ma spécialiste, paraît-il. Sans me vanter, je suis plutôt bien tombé. Ça s’appelle une femme. Vu l’effet qu’elle produit sur mon découvreur, je ne tarde pas à comprendre la notion de trait d’union à laquelle il m’associe désormais. Avant de se mettre en route, elle lui a demandé de me nourrir avec, si possible, un fragment de salade en sachet. Je me suis régalé et j’ai dormi jusqu’à son arrivée, épuisé par toutes ces émotions.

Lorsque, dans la touffeur de la tente, elle a retiré son équipement antigel, il est resté scotché, comme il l’a dit intérieurement, sans que je puisse savoir si, dans son champ lexical, cet état s’apparentait aux effets de la colle ou de l’alcool. Dans la foulée, il s’est formulé qu’il était tombé sur une bombe, et ça paraissait être un compliment. De son côté, la créature brune aux yeux vert salade ne semblait pas indifférente à ce grand corps musculeux aux cheveux couleur miel.

Wendy Lane, département de biologie de l’université d’Oxford.

Frank Debert, glacionaute.

 Vous êtes français ? s’est-elle enquise dans un mélange de méfiance et d’admiration.

Belge, a-t-il nuancé avec une moue de modestie.

Il n’y a pas de mal, l’a-t-elle rassuré d’un ton modulé – ce code social propre à votre espèce auquel je commence à m’habituer, et que vous appelez l’humour.

Bienvenue au Groenland.

Je ne vous remercierai jamais assez de m’avoir prévenue. D’autres personnes savent que ce tardigrade est en vie ?

Non. Quand j’ai tapé le mot, c’est votre nom qui est apparu en premier.

Cool. Il va bien ?

Il a l’air.

Il s’est remis en cryptobiose ?

Pardon ?

En mode pause.

Je ne crois pas. J’ai suivi à la lettre le protocole indiqué dans votre mail.

Elle l’en a remercié. Puis, au moyen d’un petit instrument à mâchoires, elle m’a sorti avec d’infinies précautions de ma résidence surveillée – ce récipient de matière inconnue, transparent et percé de trous, où m’avait enfermé le glacionaute. Après quoi elle s’est mise à m’étudier avec cet appareil grossissant qu’ils nomment un microscope.

Extraordinaire, murmure-t-elle. A priori, je ne vois aucune différence avec un tardigrade actuel. Il est beau, non ? Regardez. Il ressemble à un ourson.

Je dirais plutôt à une saucisse cocktail.

Chacun ses références.

Vexée pour moi, elle le repousse et reprend ses observations. Plus elle agrandit mon image, concentrée sur mes caractéristiques, mieux je pénètre sa conscience, ses émotions, sa familiarité avec mon espèce. Ça me plaît bien. Si le premier humain de ma vie ne m’a identifié qu’en faisant des recherches sur une banque d’images, son pendant féminin me connaît par cœur. Elle consacre son temps à étudier mes descendants, et c’est assez flatteur. Ma précédente relation de voisinage n’avait été qu’une connexion à sens unique : n’étant ni butineur ni butinable, je n’avais pas plus d’utilité pour les fleurs que pour les abeilles. Quant à la seule créature carnivore qui un jour s’était intéressée à moi, une libellule, elle m’avait recraché tout de suite. Lorsque, me retrouvant à court de nourriture, je me suis lyophilisé pour ne pas mourir de faim, je n’ai manqué à personne et les millénaires ont passé sans moi. Je n’étais plus qu’une conscience en suspens, congelée dans quelques souvenirs de solitude forestière, et voilà que je me réaccorde à la mémoire des miens tout en l’enrichissant par votre point de vue.

Je m’appelle Ramazzottius varieornatus – vulgairement surnommé tardigrade. Ça vient d’un de vos langages disparus et ça signifie « marcheur lent ». Je ne vois pas trop le rapport. Lorsque je suis en activité, je me déplace à une vitesse tout à fait respectable. C’est quand je me vide de mon eau, quand je me mets en mode pause, comme vous dites, que je prends mon temps. À charge pour moi de le rattraper ensuite, le plus rapidement possible, comme je m’y emploie en ce moment.

Chaque fois que je reviens à la vie, je me réactualise. Je pompe les informations locales de la même manière que je me réhydrate à partir de l’humidité ambiante – mais là, franchement, il y a du boulot. La capacité de stockage de ma mémoire sera-t-elle suffisante pour enregistrer tous les bouleversements qui se sont produits sur Terre depuis ma dernière phase consciente ? J’en étais resté, en termes d’innovation, aux insectes pollinisateurs. Apparus en même temps que les plantes à fleurs, ils se nourrissaient de leur nectar tout en les aidant à se reproduire par le transport de leur pollen. Cette merveilleuse relation fondée sur l’échange dure depuis cent quarante millions d’années, si je me réfère à vos connaissances. La manière dont vous avez découpé le temps est assez pratique. Ça me change des cycles de la lune, du rythme solaire et du régime des saisons qui jusqu’alors me servaient de repères. En fait, votre arrivée sur Terre a tout bouleversé, semble-t-il. Je n’étais pas en mesure d’y assister, congelé comme j’étais, alors j’ai du mal à me représenter la manière dont vous avez pris le contrôle d’une planète appartenant à des animaux cent fois plus forts que vous, tels qu’ils figurent encore dans vos images mentales quand vous comparez mon âge au leur.

Et puis, la conception même que vous avez de vos origines est assez floue. On y trouve pêle-mêle du singe, des météorites, un jardin potager, un serpent qui conseille de manger des fruits et légumes. Il est aussi question d’une histoire de boue dans laquelle un vieux barbu habitant les nuages vous aurait façonnés, et d’une côte première qu’il aurait arrachée à l’homme pour en faire une femme. Distrayant. C’est dans l’esprit de Wendy, toutes ces choses ; elle appelle ça des croyances et elle en change d’une minute à l’autre.

Dans la tête de Frank, en revanche, on trouve simplement du vide qui explose pour créer de la vie par hasard. Original, aussi. Autrement dit, vous avez construit le développement de votre pensée non pas sur l’observation et l’empathie, comme moi, mais sur l’imaginaire – pour le meilleur et surtout pour le pire, d’après ce que j’entrevois. Et vous vous massacrez au nom de mythes incompatibles qui vous ont coupés de vos racines réelles. Curieuse conception du progrès. Ça marchait mieux chez les abeilles.

En fait, vous ne me paraissez plus reliés comme elles l’étaient à la conscience universelle, que vous avez remplacée par une notion d’inconscient collectif que j’ai un peu de mal à comprendre, pour l’instant. J’en étais resté à l’intelligence individuelle au service du groupe qui la suscite et s’en nourrit. Quoi qu’il en soit, depuis que vous avez pris le pouvoir sur toutes les formes de vie qui étaient là avant vous, il semble que vous ayez privilégié la destruction à l’harmonie, le conflit à la symbiose, le conformisme à la diversité. Vous appelez ça l’évolution..."


Didier VAN CAUWELAERT - Le pouvoir des animaux


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