Le Trochiscanthe nodiflore [TN]

n°953 (2024 - 53)

mardi 31 décembre 2024

"Lettre hebdomadaire" du site "Rencontres Sauvages"
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Je viens de mettre en ligne un calendrier pour

cette nouvelle année 2025.

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(puis imprimer-le sur du papier cartonné)

Les images ci-dessous en constituent les illustrations.

Meilleurs voeux

à toutes et tous.



  Courvières (Haut-Doubs)
Frasne (Haut-Doubs)
Vallée de la Loue (Doubs)

Entête

L'aventure, elle est, pour celui qui sait l'apprécier, dans le risque quotidien de la vie humble et laborieuse ; elle est dans la possibilité qui est donnée à chacun de créer, à la force du poignet, le milieu de prédilection dans lequel il peut s'épanouir d'une façon optimale ; elle est dans la recherche permanente de la minute rare qui, comme une perle, gît dans la coquille de chaque journée ; elle est même dans les émotions imprévues, parfois minuscules, d'une promenade le long d'un ruisseau...

Marc-Antoine CARPENTIER - Te Deum

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Janvier


Lorsque je m'éveillai, c'est le petit jour, les oiseaux commençaient à chanter. Tout ce qu'ont pu dire les écrivains sur l'aurore et ses splendeurs était dépassé en beauté par le spectacle qu j'avais sous les yeux. Il me semblait avoir dix-sept ans, j'étais léger, heureux, et j'étais décidé à errer à l'infini sans jamais revenir dans cette ville ni dans cette maison.

Je marchai encore pendant une journée, en admirant toutes choses. Je fus étonné qu'il fût si facile d'obtenir la paix. A midi, je pris mon repas dans une ferme. Le soir, je dînai dans une autre. Je dormis dans un fenil. Au bout de trois jours de ce régime, mon complet était si laid, mon chapeau si poussiéreux, mon pantalon si effrangé, mes chaussures basses si fatiguées, que je pris le parti de rejoindre une ville afin de m'équiper plus convenablement. L'agglomération la plus proche était Montceau-les-Mines. Je m'y achetai une bonne paire de brodequins, un complet de velours côtelé, un béret basque et des chemises de travail. J'eus de la peine à trouver un sac tyrolien, dans lequel je plaçai quelques vêtements de réserve. Dans une coutellerie, je me choisis un bon couteau de poche avec alêne, scie, tournevis, ouvre-boîte et deux lames. A l'aide de ce couteau, je coupai un solide gourdin dans le premier hallier que je rencontrai, puis je partis.

Henri VINCENOT – Toute la terre est au seigneur

 
Jean-Philippe RAMEAU - Le rappel des oiseaux 

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Février

Ce qu'il vit là, et qu'il n'avait jamais vu, n'ayant jamais feuilleté un livre d'art depuis les pèlerinages de sa petite enfance, l'intimida tellement qu'il ne put dormir les trois première nuits.
Ces tourbillons de plis enchaînés les uns aux autres donnaient au Christ central un mouvement tellement majestueux que jamais Gilbert n'aurait osé les imiter. Il resta confondu devant ce rythme éblouissant de spirales. Toute une journée, il resta immobile dans le narthex et lorsqu'il ressentit véritablement un vertige, il ne put s'empêcher de penser à la Gazette. Oui, tous ces personnages dansaient ! Ils dansaient sous la conduite du plus grand d'entre eux, celui qui jaillissait de la mandorle. Les autres sautillaient, comme impatients de le suivre, mais lui tournait, dansant littéralement, sans qu'aucun doute fût possible.
Et tout à coup, à force de le regarder fixement, Gilbert le vit tourbillonner. Il lui avait suffit pour cela de fixer simultanément les deux spirales de plis : celle du genou et celle de la hanche. Les spirales secondaires, celle du coude gauche et celle de l'épaule droite, se mirent en mouvement à leur tour, comme des remous, dans une eau profonde, entrainant d'autres remous en sens inverse, créant de larges et lentes interférences, frangées de clapotis.
Oui, cette danse de pierre évoquait l'eau, le tourbillon de la vie. Ou plutôt elle était la vie et le mouvement du monde.

Henri VINCENOT – Le Pape des Escargots


 
Marin MARAIS - Folies d'Espagne

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Mars

En réalité, il se produit ici plusieurs dégels successifs. Nous n'avons pas ce froid régulier et persistant auquel on s'habitue et dans lequel on s'installe sans espoir. Plusieurs fois, on croit que les neiges vont fondre, on suit le progrès des taches noires de terre libre sur le sol, on dit  : «  ça sent le printemps  ». Puis, un beau matin, on se réveille étonné d'être transi dans la pièce sans feu, on jette un coup d'oeil au thermomètre  : moins 3°C dans la pièce. La porte est à nouveau blanche de givre. On étouffe un juron. Au moment d'ouvrir les contrevents, on s'aperçoit que l'hiver est encore là, le printemps recule. Pendant la nuit, la neige a raccommodé son manteau, plus de trous, plus de déchirures. Quel beau stoppage  !

Sous cette neige, on sent les ruisseaux naissant immobilisés par le gel. Les neiges mouillées d'hier sont amoncelées en croûte, et il faut prendre de grandes précautions pour ne pas tomber. Le ciel d'ardoise promet de la neige fraîche et on fait un nouveau plongeon dans l'hiver. Ce ne fut, entre la terre et le soleil, qu'une brève idylle, une amourette d'enfants, un espoir prématuré.

Le premier mouvement est un geste d'impatience puis, à la réflexion, on s'aperçoit qu'on accueille cette renaissance de l'hiver avec une sourde jubilation  ; on a senti qu'on n'avait pas extrait toutes les joies qu'il contenait. On n'est pas encore saturé de cette lumière blanche et translucide, on n'est pas encore las de ce froid.

Henri VINCENOT – Prélude à l'aventure


Jean-Baptiste LULLY - Passacaille

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Avril

Dans ce temps-là, la nuit pénétrait dans les maisons et ne restait pas à la porte, car on ne la rejetait pas durement dehors comme maintenant. On n'avait à lui opposer que la clarté dansante des flammes du foyer et celle de la lampe Pigeon que l'on appelait, chez nous, une «  lusote  ».
L'obscurité arrivait, lente, digne et fière. On la voyait monter au flanc du mont Roger, elle hésitait, puis gagnait la combe, lentement, avec ses voiles sombres flottants. Elle s'étendait doucement sur les prés du bas de la montagne et repliait son écharpe sur le village pour se glisser dans les chambres et dans la grande salle. Enfant, je la regardais venir avec un frisson d'inquiétude et de plaisir.
Lorsqu'elle régnait partout, sur les bois, les friches, les forêts, aussi bien que dans la maison, je me blottissais près du haut poêle de faïence et je regardais ma grand-mère aller et venir avec, sur le visage et sur les mains, seuls visibles, les couleurs de La Tour et de Rembrandt. Alors, j'écoutais les bruit du dehors et j'essayais de reconstituer la vie terrible des sauvagines, l'agitation des lièvres et des chevreuils, les noires errances du sanglier et du blaireau. Mon grand-père me parlait si souvent de tout cela que, sans avoir jamais osé dépasser, après le crépuscule, le mur du petit jardin, je pouvais l'imaginer avec délices en toute liberté.

Henri VINCENOT – La Billebaude

Henry du Mont -
Magnificat

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Mai

Continuez, berger, oh continuez  !

- Voici l’aboutissement de toutes tes études, reprit-il, et de tous tes efforts. Voici le résultat des activités les plus diverses de ton esprit  : le rêve. C’est pour y atteindre que tu as vécu, pensé, lu, souffert, c’est pour en arriver à cette ivresse que tu t’es fait berger. Sois simple, à cet instant, et laisse-toi bercer comme un petit enfant, savoure cette joie intime qui n’est donnée, comme une grâce, qu’à ceux, très rares, qui la méritent et prolonge cette ivresse jusqu’au soir, si tu peux, sans bouger, suspendu entre ciel et terre. Par toi, c’est le village entier qui rêve. Sens-tu comme ton corps est mort, immobile  ?  »

Je faisais oui de la tête, mais le vieux mage continuait  : «  Déjà, les fourmis le confondent avec le sol et s’y promènent, chez elles, comme sur la tiède terre où serpentent leurs sentiers, comme sur un cadavre. Déjà, les scarabées s’affairent et les petites sauterelles des friches y viennent en promenade, par bonds, projetées dans le ciel pur par leurs grandes pattes jaunes. Tous tes muscles sont mous, ta tête s’alourdit, ton âme, évadée, plane au-dessus du paysage comme les brouillards des matins de mai.  »

Ayant ainsi parlé, cet extraordinaire bonhomme se renversa sur le talus et, la chemise largement ouverte sur sa poitrine velue, il chantonna  : «  C’est la douceur de vivre…  »

Il me sembla dès lors qu’il ne pouvait pas y avoir de plus beau métier sur terre que celui où le rêve avait une si large part et je me sentis prêt à renoncer à tout pour devenir berger, tant est grande l’influence, sur une âme d’enfant, des discours de ces vieux mages auxquels est dévolu l’honneur de conduire les moutons.

Henri VINCENOT – Récits des friches et des bois

JJC MONDONVILLE - In Exitu Jerusalem

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Juin

Le ban des vendanges avait été publié très tôt cette année-là.
A Saint-Romain, au pied des falaises qui réverbéraient la chaleur du jour, le branle-bas était déjà commencé. On avait sorti toutes les futailles devant les celliers, dans les ruelles, à l'ombre bleue des murets de pierre sèche. On entendait résonner les maillets depuis les rues basses jusqu'en haut des murgers, où les vipères, inquiètes, remontaient prudemment vers le pied des roches.
Tout le jour, on avait vu les hommes aller chercher l'eau glacée de la douix pour abreuver quarteaux et feuillettes, cuves et sapines, ballonges et cuveaux. Le long des murs dorés, un fort parfum de fruit sec et de tanin montait, percé, comme par une lance, par le cri des derniers martinets.
Le soleil était bas, pourpre comme une grume. Il n'avait pas plu depuis la Saint-Jean sur le petit sentier que la montagne rejetait à la vallée d'un voluptueux mouvement de la croupe, aussi l'homme, qui pour lors trottinait, soulevait un nuage de poussière.
Cet homme s'appuyait sur un long bâton de coudrier rouge, recourbé à son faîte en une sorte de crosse un peu semblable à celle des évêques, ou encore à celle que tiennent, sur les bas-reliefs, certains dieux de l'ancienne Egypte. La tige était gravée d'entailles bizarres, faites au fil d'un couteau de poche.
Et cet homme chantait.
Il chantait en latin les premiers répons des Complies : Jube domne, benedicere...
Puis, contemplant le Revermont, par-dessus la plaine bressane, déjà violette de nuit, il s'écriait : Dieu que c'est beau Seigneur  !

Henri VINCENOT – Le Pape des Escargots


François COUPERIN - La Sultanne

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Juillet

Vint le temps de la grande miellée.

Le ciel était rempli d'éclairs sonores qui semblaient venir du zénith et retourner se perdre dans l'immensité.

Balthazar et Loulou passaient leur temps, nuit et jour, à surveiller leurs ruches expérimentales. La nuit, ils montaient au grenier, avec leurs lampes d'écurie et se postaient derrière une ruche, immobiles, regardant aller et venir les ouvrières dans les rayons alors que les butineuses, fortement agrippées à la table de vol, agitaient sans cesse leurs ailes pour provoquer inlassablement la ventilation afin d'assurer l'évaporation du nectar et d'éviter la moisissure.

Les ouvrières semblaient venir encore verser leur dernière goutte de nectar une à une, bien régulièrement, ou bien vérifier l'étanchéité de la fermeture. Les autres semblaient travailler au nettoyage, notamment à l'élimination des mâles, morts d'amour et de faim, et qu'elles poussaient patiemment vers le trou de vol. Et, au fur et à mesure que les alvéoles étaient pleins, elles y déversaient, d'un geste peu élégant, une goutte de cet aldéhyde formique dont elles se servent pour se défendre et pour désinfecter, puis recouvraient le tout d'une mince pellicule de cire vierge, comme une bonne vieille grand-mère occulte avec une cuillerée de paraffine ses pots de confitures.

Henri VINCENOT – Le maître des abeilles


Louis-Nicolas CLERAMBAULT - Motet de Saint-Sulpice

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Août

Ce matin-là, comme Loulou Châgniot surgissait de son lit de plume, haut comme un bahut et profond comme une baignoire, il trouva le Mage penché sur un appareil fort inattendu dans le capharnaüm qu'était la salle du Tribunal : un microscope.
Un microscope optique élémentaire, certes, le bon vieux microscope de Hudde que l'on trouvait jadis dans le laboratoire du collège des frères Quatre-bras où il avait fait ses études secondaires et où il avait dû le subtiliser quelque quarante-quatre ans plus tôt. Pendant qu'une poule rouge, la favorite du seigneur des lieux, pondait gravement sur l'édredon, le Mage, immobile et crispé, lorgnait, impassible, quelques grains de pollen qu'il avait recueillis la veille, par un procédé personnel, à la rentrée d'une abeille. C'était une espèce de tamis fixé au trou de vol, qu'il avait modifié dans ce but : il l'avait fabriqué en tendant sur un léger cadre de bois des crins de cheval entrecroisés. C'était tout simplement des poils qu'il avait arrachés à la queue des juments du Bénigne Beurchillot, en lançant à l'adresse de tout le bas pays qu'on entrevoyait entre les croupes contrariés : «  C'est pas vos tracteurs qui me donneraient des crins comme ça ! Hein ? Il a beau avoir trois cents chevaux, allez donc chercher des crins comme ça à la queue de votre tracteur, bande de gnaulus !  »
Il avait fixé ces crins en une sorte de canevas à la finesse très étudiée, chaîne sur trame de sorte que, pour entrer dans la ruche, les abeilles devaient s'y frotter énergiquement et à chaque entrée, elles abandonnaient ainsi une partie de leur butin qui tombait en poussière d'or vert dans un auget où on le récoltait. Cela donnait une matière granuleuse dont la consistance se situait entre la fleur de soufre et le cérumen, d'une odeur étrange, très forte et qui commandait le respect. C'était un piège dont il était très fier.

Henri VINCENOT – Le maître des abeilles


Michel Richard DELALANDE - De Profondis

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Septembre

Un jour, beaucoup plus tard, c'était la veille de l'Assomption, le maître d'oeuvre était derrière Jehan, occupé à jouer du compas et à tracer des lignes entrecroisées sur le terre-plein. Jehan le Tonnerre, sans en avoir l'air le regardait par-dessus son épaule et il l'écoutait donner des instructions aux Compagnons Tailleurs de pierre, Enfants de Maître Jacques.

Le Maître, tout à coup, s'adressa à Jehan :

O mon lapin, laisse tomber ton bédane et viens un peu me tendre la corde !

La corde était cette corde magique qui vous partageait l'espace en trois, en quatre, en cinq, en six et en sept, pourvu que vous sachiez convenablement en distribuer les douze intervalles. Jamais Jehan le Tonnerre n'avait osé toucher cette corde magique. Il se contentait de la regarder, sans trop s'en approcher tant elle lui en imposait. Pourtant les Compagnons en faisaient un usage constant.

Le maître d'oeuvre montrait donc à ses initiés la façon dont il entendait qu'ils organisassent la taille de leurs pierres. Il manipulait aussi l'équerre, la règle et le compas, ses seules armes, et il était clair qu'il commençait là le tracé, au sol et à plat, à grandeur réelle, de chacune des pierres des arcs formerets, ce qui ne pourrait probablement plus être compris aujourd'hui que par les très rares esprits qui auraient, par chance, échappé à la dictature de la mathématique et fui l'ahurissante facilité de l'ordinateur.

Henri VINCENOT – Les Etoiles de Compostelle


Jean GILLES - Motet à Saint Jean-Baptiste

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Octobre

C'était la pleine vendange. Le bleu des sarraus et le blanc des capelines jouaient dans le doré des vignes et les raisins, dans les benatons, saignaient un jus pourpre.

Les ouvriers étrangers, la bouche pleine des grumes qu'ils mendiaient aux balonges, s'émerveillaient de cette terre rouge et rare, retenue par la rocaille au flanc des brefs éboulis, qui trouve par miracle une sève si fraîche et si sucrée.
Dans Plombières, les celliers étaient ouverts, tout résonnants des bruits de tonnellerie ; les cuves, dans les rues étroites, s'abreuvaient à l'ombre. Une armée de vieux bareuzais moustachus, les mains brunies par le tanin, transvasaient des liquides mystérieux et lavaient au chiendent les pressoirs et les sapines.
La caravane arrivant dans ce remue-ménage mit les chiens en joie. Les ouvriers, tout ragaillardis à ce spectacle, sentaient venir d'autres régions, pleines d'humanité, si vivantes à côté de ces plateaux et de ces monts boisés qu'on venait de franchir.
On eut vite fait de monter le campement et, sur le soir, alors que les terrains chauffés vibraient de tous leurs grillons, les compagnons se dispersèrent dans la bourgade et y firent quelque peu scandale.
Mais les hommes de la vigne ont tant peiné et tant ripaillé, tant réfléchi et tant dépensé leur coeur et leurs forces, tant aimé aussi, dans la générosité de leur bonne humeur, que rien de grave ne se produisit.
La Bourgogne vinicole, dont c'était le fin commencement ici, a vu passer, depuis les siècles les plus reculés, tant de sauvages qu'elle a colonisés, conquis et amadoués, qu'elle absorba avec indulgence toute cette troupe de jeunes fous, leur ouvrit les portes de ses celliers et se referma sur eux.

Henri VINCENOT – La pie saoule

Gautier de MARSEILLE - La Simphonie du Marais

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Novembre

L'enfant qui voit faire une belle armoire veut devenir ébéniste. Celui qui entend un concert admirable veut devenir musicien. Et celui qui, un soir de mai, voit évoluer sur la place du village des bohémiens qui font des tours de force et d'adresse veut partir avec eux dès le lendemain et devenir baladin. La vie se trouve changée pour lui à partir de ce moment-là. C'est ainsi que je suis devenu ce que je suis...

Mes parents auraient souhaité me voir devenir fonctionnaire (les parents ont de ces goûts incompréhensibles) ! Ni ma mère, noire paysanne, ni mon père, jovial braconnier, n'eussent accepté pour eux-mêmes la vie de fonctionnaire qui les épouvantait, mais, par amour parental, ils me vouèrent à cet «  enfer  ».

Et pourtant je ne suis pas fonctionnaire, Dieu merci ! Je suis berger. Oh, pas de ces bergers qui ne font que garder les moutons, qui arrivent un soir pour se louer, pendant la belle saison, et qui repartent de la même façon pour se placer ailleurs. Non, je suis un vrai berger, un berger de vocation, imbu de sa valeur professionnelle, jaloux de ses prérogatives, fier de sa condition, heureux de son sort et enivré par sa mystérieuse destinée.

Mes parents, eux, en sont morts de chagrin.

Aussi, pourquoi s'entêtaient-ils à vouloir faire de moi un fonctionnaire alors qu'ils n'eussent pas voulu le devenir eux-mêmes ?

Quoi qu'il en soit, au lieu d'être commis de perception ou surnuméraire des Postes, je suis berger, berger d'un beau troupeau dans mon pays natal.

Henri VINCENOT – Récits des friches et des bois


Charles TESSIER - Quand le flambeau du monde

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Décembre

Le maître venait de sortir son équerre et son compas. Il traça dans la poussière du chemin trois circonférences concentriques dont chacune avait un diamètre triple du précédent  :
- Le premier cercle, le plus grand, de diamètre 81, est le cercle de Keugant, dit-il. C’est le chaos où rien n’existe que Dieu. Bon  ! c’est de Keugant que le Dieu unique fait sortir les âmes, ces âmes passent alors dans le second cercle qui est celui d’Abred, de diamètre 27. C’est le cercle de la vie terrestre, où les âmes jouent leur destinée entre le Bien et le Mal, et alors, selon le choix qu’elles auront fait, elles retourneront dans le premier cercle du néant, celui de Keugant, ou bien elles s’élèveront dans le troisième cercle de Gwenwed, de diamètre 9, celui de l’ascension suprême auprès de Dieu. C’est la victoire définitive sur la bestialité et les tentations rencontrées dans Abred.
Il traça alors deux diamètres perpendiculaires qui formèrent une croix linéaires et parallèlement de part et d’autre de chacun de ces diamètres, il traça deux droites, distantes de 8,5 unités du diamètre correspondant et détermina ainsi, une croix dont les branches égales (il insista bien sur égales) avaient dix-huit unités de largeur et délimitaient un carré central de dix-huit unités de côté.
De chaque angle de ce carré pris comme centre, le Gallo traça un cercle de 4,5 unités de rayon. Ces quatre cercles mordant à leur base les branches de la croix. Il se releva et dit non sans emphase  :
- Et voilà la croix druidique.

Henri VINCENOT – Les Etoiles de Compostelle


Jean-Philippe RAMEAU - Les Indes Galantes - Air des Sauvages

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Bonus
(pour la carte de voeux !)


- Si jamais tu es patraque, me disait le grand-père Sandrot, mets-toi le dos contre un beau chêne de futaie ou un «  moderne  » de belle venue. Colle-toi les talons, les fesses, le dos le creuteu contre le tronc, tourné vers le sud, la paume des mains bien à plat sur l’écorce, et restes-y aussi longtemps que tu pourras… Une heure, si tu en as la patience  : Guari  ! Regonflé à péter que tu seras  !

- Regonflé de quoi  ?

- Regonflé de vie, garçon  ! Et c’est facile à comprendre  : l’arbre suce la vie dans la terre, ça remonte par ses racines et par son tronc, et il la suce aussi dans le ciel par ses feuilles, et ça descend par ses branches. Ça circule dans les deux sens, tu comprends  ? Et toi, tu te requinques au passage  ! C’est comme ça qu’ils se regôgnaient nos anciens  !

Je donne la recette à tout hasard, elle m’a réussi sur toute la ligne, pas de raison pour qu’elle ne fonctionne pas pour vous qui m’entendez. On comprend que je fusse tenté de vivre parmi ces formidables captateurs cosmiques que sont les arbres et le métier de bûcheron me parût enviable…

Henri VINCENOT – La Billebaude




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Calendrier pour 2017 - L'Entonnoir de Bouverans et les Tourbières de Frasne (Haut-Doubs)

Texte :  Poussière d'homme - David Lelait

Musique : Folia de la Cantate BWV 212 - JS Bach


Calendrier
pour 2018 : Portraits d'Oiseaux (à l'affût) - Courvières (Haut-Doubs)

Texte :  Tribunal des Flagrants délires - Pierre Desproges

Musique : Oratorio de Noël - JS Bach


Calendrier
pour 2019 : Derrière la Loge n°5 - Courvières (Haut-Doubs)

Texte :  Le Rêve de Ryôsuke - Durian Sukegawa

Musique : Rodrigo's Concerto - Aranjuez



Calendrier
pour 2020

Texte :  La Fin de l'Histoire - Luis SEPULVEDA

Musique : L'Oratorio de la Création - Joseph HAYDN


Calendrier
pour 2021

Textes :  de Victor HUGO

Musique : Vespri per l'Assunzione di Maria Vergine - Antonio VIVALDI


Calendrier 2022

Textes :  Christian BOBIN

Musique :  JS BACH - Glenn GOULD

[numéro 852]
(2023 - 01)

Calendrier 2023

Textes :  Rainer Maria RILKE

Musique :  WA MOZART - La Flute enchantée
[numéro 901]
(2024 - 01)

Calendrier 2024

Textes :  Louis PERGAUD

Musique :  Nuria RIAL






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