Le Trochiscanthe nodiflore [TN]

n°947 (2024-47)

mardi 19 novembre 2024

"Lettre hebdomadaire" du site "Rencontres Sauvages"
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Leonardo VINCI - Gismondo, Re di Polonia

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Bergeronnette grise
 
Printemps et été 2024





Dans la brume...

Automne

Creux du Van (Vaud, Suisse)
La Cluse et Mijoux (Haut-Doubs)
septembre, octobre et novembre 2024



Etagne dans la brume
Creux du Van (Vaud, Suisse)
samedi 29 septembre 2024




Etagne et son cabri (à l'arrière)
Creux du Van (Vaud, Suisse)
samedi 29 septembre 2024



Cabri de Bouquetin
Creux du Van (Vaud, Suisse)
samedi 29 septembre 2024



Géranium des bois
La Cluse et Mijoux (Haut-Doubs)
samedi 5 octobre 2024



Géranium herbe-à-robert
La Cluse et Mijoux (Haut-Doubs)
samedi 5 octobre 2024

Erable sycomore
La Cluse et Mijoux (Haut-Doubs)
samedi 5 octobre 2024

Noisetier
La Cluse et Mijoux (Haut-Doubs)
samedi 5 octobre 2024

Hélianthème nummulaire
La Cluse et Mijoux (Haut-Doubs)
samedi 5 octobre 2024




Lézard des murailles mâle
La Cluse et Mijoux (Haut-Doubs)
samedi 5 octobre 2024



Galéopsis
La Cluse et Mijoux (Haut-Doubs)
samedi 5 octobre 2024


Feuille de Géranium herbe-à-robert
La Cluse et Mijoux (Haut-Doubs)
samedi 5 octobre 2024

Chamois femelle
(au 100 mm macro !!)

La Cluse et Mijoux (Haut-Doubs)
samedi 5 octobre 2024

Eterlou
La Cluse et Mijoux (Haut-Doubs)
samedi 5 octobre 2024




Eterlou et Château de Joux
La Cluse et Mijoux (Haut-Doubs)
samedi 5 octobre 2024



Succise et insecte
La Cluse et Mijoux (Haut-Doubs)
samedi 5 octobre 2024



Colchique
La Cluse et Mijoux (Haut-Doubs)
samedi 5 octobre 2024



Ronce
La Cluse et Mijoux (Haut-Doubs)
samedi 5 octobre 2024



Alisier blanc
La Cluse et Mijoux (Haut-Doubs)
samedi 5 octobre 2024



Spectre de Brocken
La Cluse et Mijoux (Haut-Doubs)
vendredi 8 novembre 2024

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et les explications de ce phénomène,

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Le Fort Mahler et son échauguette
La Cluse et Mijoux (Haut-Doubs)
vendredi 8 novembre 2024

Rosée sur Galéopsis
La Cluse et Mijoux (Haut-Doubs)
vendredi 8 novembre 2024



Tilleul dans la brume
La Cluse et Mijoux (Haut-Doubs)
vendredi 8 novembre 2024



Chamois femelle
La Cluse et Mijoux (Haut-Doubs)
vendredi 8 novembre 2024



Eterlou
La Cluse et Mijoux (Haut-Doubs)
vendredi 8 novembre 2024



Chamois femelle
La Cluse et Mijoux (Haut-Doubs)
vendredi 8 novembre 2024



Chamois femelle
La Cluse et Mijoux (Haut-Doubs)
vendredi 8 novembre 2024



Chamois mâle (c'est le rut !!)
La Cluse et Mijoux (Haut-Doubs)
vendredi 8 novembre 2024




Rosée et Scabieuse
La Cluse et Mijoux (Haut-Doubs)
vendredi 8 novembre 2024



Feuille de Géranium des bois
La Cluse et Mijoux (Haut-Doubs)
vendredi 8 novembre 2024












Framboisier
La Cluse et Mijoux (Haut-Doubs)
vendredi 8 novembre 2024





Erable sycomore
La Cluse et Mijoux (Haut-Doubs)
vendredi 8 novembre 2024





La Cluse et Mijoux (Haut-Doubs)
vendredi 8 novembre 2024




Suggestion de lecture :

"CHEZ TROM

Il y a, parmi une douzaine de fenêtre, celle qui en ce moment laisse entrer un matin chargé de cris d'oiseaux et de rumeurs citadines. On voit une large bande de ciel, des toits noirs, des cheminées, une girouette, des fils électriques, des arbres qui n'ont pas encore leurs feuilles et, derrière, une des rues les plus calmes du quartier. Un peu plus loin vers l'ouest, la ville murmure en sourdine. Mais ici, au plus près, un vent tenace agite les branches qui disent : as-tu vraiment regardé l'arbre qui te donne la mesure de midi ? Sais-tu être radieux quand perce le printemps ?

Il y a, sur un rayon de la haute bibliothèque, masquant à peine le dos de trois ou quatre volumes, une petite sculpture inuite finement stylisée que son ami Duve lui a apportée jadis des îles Belcher, perdues dans la baie d'Hudson, au large de l'Ungava. Elle représente, pour qui la regarde avec soin, un oiseau de proie (un gerfaut?) qui tourne la tête vers l'observateur et qui lui dit : et la vie dans votre vie ? Dans votre vie d'une seule journée, combien de minutes méritent le nom si plein, si lumineux de vie ? A moins que ce soit en secondes qu'il faille nommer ce qui peut vraiment se nommer : vivre. En secondes, en lueurs, en éclairs ?

Il y a un piano droit Mason & Risch où Minne vient parfois se réconcilier avec un des grands rêves de sa jeunesse. Les premières notes qui vivent sous ses doigts répandent dans les pièces du rez-de-chaussée un bouquet de sons qui disent que toute joie de vivre est le présent que l'on offre au soleil de sa santé. Peu à peu les airs prennent forme, les arpèges s'engouffrent dans la cage de l'escalier menant à l'étage. Là-haut Trom entend ce soir la musique lui dire : vois-tu Schubert dans le mot voyageur ? Entends-tu Mozart quand l'amour veut mûrir, quand la gravité se donne des ailes ? Quel vent, quel souffle, quel air passeront sur tes dernières minutes ? Seras-tu soulevé ? Quel air de Bach réclameras-tu pour t'aider à gravir la dernière montagne ?

Il y a une photo encadrée sur un mur de la mansarde, près de sa table de travail. Apparaît un beau visage de femme portant sur le monde la couleur noisette de ses yeux. Trom y arrête souvent son regard. Certains jours la bouche aimée lui dit : apprécie la part de soleil qui grandit ta maison. D'autres fois, elle murmure : chaque fois que tu laisses le doute douter de toi, évalue le rapetissement de ta présence au monde. Mais toujours la photo, très subtilement, pose la question : qui es-tu si tu ne peux voir les chemins secrets de l'être que tu dis aimer ?

Il y a, accroché au montant central séparant deux étroites fenêtres, un couteau inuit, un ulu, d'une forme parfaite. Qui le regarde longtemps voit apparaître un visage. Le manche horizontal rappelle les yeux du chasseur protégé par l'iggaak, le protège-yeux en ose de caribou ; la tige de métal qui relie le manche à la lame, c'est le nez ; et la lame elle-même – noire, usée, huileuse – adopte le dessin d'un franc sourire déployé. C'est le sourire de Minik, la femme inuite qui a donné l'objet à Trom quand il visita un jour la maison de Jako, le doyen des sculpteurs de Mittimatalik, à l'extrémité nord de la Terre de Baffin. La femme était à découper en cubes une pièce de viande sur la table de la cuisine, face à la porte d'entrée. Son gendre servait d'interprète. Trom lui a dit à quel point il trouvait beau l'outil qui est le couteau réservé aux femmes chez les Inuits et qui sert à tailler, gratter, couper. Quand elle eut terminé sa tâche, Minik se leva, alla à l'évier laver soigneusement son ulu et dit à Trom : « C'est un cadeau de Noël reçu il y a bien longtemps. » Et elle lui tendit. « Mais c'est un objet précieux pour vous, vous l'utilisez tous les jours, gardez-le. » - « A l'étranger qui vient, dit-elle dans sa langue, il faut donner quelque chose qui nous est cher. »

Il y a, sur la tablette d'une fenêtre, une paire de jumelle Bushnell Custom 7 x 28. Des milliers d'oiseaux, depuis vingt-cinq ans, sont passés à travers ces lentilles et ces prismes pour conduire vers le cerveau de Trom des images d'envol et d'énergie tranquille. Il peut arriver qu'un oiseau dise par sa seule présence : ce que tu observes avec humilité devient ton miroir le plus fidèle. Mais le plus souvent, dès qu'elle entre dans la tête de Trom, l'image se met à signifier qu'aucun oiseau ne traverse le paysage s'il n'a pas déserté le nid des premiers chants.

Il y a, dans l'armoire de la salle de bains, un flacon de Fiorinal 30mg C-1/2. Les supplice de la céphalée disent toujours, sur le monde lancinant : à quel âge situez-vous le milieu de votre vie ? La migraine, quant à elle, fait clairement sentir à Trom qu'au fond de toute douleur travaille une lampe de salut. De toute façon, tout corps souffrant sait que notre vrai fief se nomme Mont de Calme Tempête.

Il y a, fixé par deux aiguilles au-dessus d'une porte, un calumet sculpté dans un bois de grève par un homme que Trom a connu à l'époque où il enseignait au pénitencier. C'était un petit homme loquace, curieux, passionné de politique, habile de ses mains. Un sorte de légende le suivait dans la petite ville où il habitait, au bout de la dernière rue, une haute maison un peu délabrée, toute en pignons et en tourelles. A quarante ans, père de cinq enfants, il avait quitté son métier d'agent d'assurances, s'était laissé pousser la barbe et avait décidé de gagner sa vie comme taxidermiste et pianiste du samedi soir dans les bals populaires. Plus de voiture, plus de cravate, plus de montre. Des embarras pécuniaire l'avaient finalement contraint, à l'âge où la plupart envisagent la retraite, à accepter la responsabilité de l'atelier d'art et de taxidermie de l'établissement carcéral. Les prisonniers lui vouaient un respect qui jamais ne s'altéra. En donnant un calumet à Trom, cet homme parla d'une paix à venir avec les peuples qui sont à la racine de notre pays et qui pourtant continuent à souffrir l'opprobre de tous ceux qui pensent dollars avant justice.

Il y a, simplement scotchée sur la porte donnant accès à la mansarde, une petit photo en couleurs. On y voit un paysage immense, un glacier, des montagnes noires à la cime enneigée qui ferment l'horizon. Au premier plan, à même le sol ocré de la toundra, deux hommes assis sur des bois de caribou renversés, regardent en riant la caméra. Cette photo représente Trom en compagnie de l'écrivain Lauréat Pick. Le ciel est voilé, les deux voyageurs sont vêtus de leur parka, mais Pick est tête nue ; le vent rabat ses cheveux sur son large front. Trom aime bien cette image. Chaque fois qu'il la regarde, elle le transporte vers un moment de son séjour arctique, celui où les deux compagnons se reposent avant de reprendre leurs occupations. Trom se souvient que Pick, par jeu, avait alors improvisé une brève chanson dont le refrain disait :

Assis sur un bois de caribou
Ecoutant mon sang qui bout

Je contemple du monde le bout

Loin des miasmes et des boues...

Au cours de la conversation qui suivit, Trom, un peu à la légère, soit pour qualifier son état de bien-être, soit pour décrire le moment qu'ils vivaient, avait laissé échapper le mot paradis. Pick n'avait pas tardé à répondre : « Se connaître soi-même et par là s'approcher des autres, n'est-ce pas le seul paradis ? »

Il y a une petite pendule murale dont la sonnerie, aux quarts d'heure, rappelle celle du Big Ben de Londres. Trom avait dix-huit ans quand un de ses professeurs, qui pourtant ne lui avait jamais manifesté de sentiments particulier, la lui légua par testament. C'est surtout la nuit, dans l'oasis des insomnies, que Trom prend le temps d'écouter ce qu'elle ne cesse de répéter : le pays des tempêtes attire ceux qui aiment dormir. Ces derniers temps, elle dirait plutôt : sache reconnaître la danse qui chaque matin te met au monde. Abandonne le rêve creux pour que le rêve plein se lève.

Il y a un paysage peint sur une planchette ovale par son amie Albertine, l'année de ses quatre-vingt-cinq ans. L'oeuvre naïve représente son village qui s'étire en hémicycle entre le fleuve et le cap Maillard en Charlevoix. Qu'est-ce qu'il ne dit pas ce petit tableau ? Car Albertine porte en elle, depuis toujours on dirait, une noble sagesse qui toute sa vie s'est exprimée par ses calmes paroles, le don constant de sa personne et par son travail dans son petit atelier de sculpture sur bois, au sous-sol de sa maison. Elle serait sans doute étonnée, Albertine, d'apprendre que son bois peint dit à Trom en ce moment : tu apprendras, au bord de l'eau, à l'issue de ta nuit, la plus souple manière d'inventer un chemin vers la maison complète. Bonheur ne vient qu'au terme d'une traversée.

Il y a, posé sur une armoire, un petit bateau sculpté par son père dans l'atelier de menuiserie qu'il s'était aménagé, l'année de sa retraite, dans une cabane au fond de la cour. Là il passait toutes ses journées, seul, à polir des coques, à sculpter dans le pin tendre des mâts et des voiles, à ciseler des caps-de-mouton microscopiques, des poulies, des ancres et des treuils tout aussi minuscules. Quand il lui présenta, fier, au bout de quelques mois, sa première maquette, il dit à Trom : « C'est la goélette canadienne que pilotait ton grand-père maternel sur le Saint-Laurent et que j'ai vue, amarrée au quai du village, quand j'avais douze ans. Je l'ai toute faite de mémoire. » Tous les jours Trom regarde, ne fût-ce que quelques secondes, le petit bateau de bois verni qui le conduit là où son père semble encore lui dire qu'il faut parfois s'exiler pour trouver sa vraie musique.

Il y a, tout au fond d'un coffret aux trésors, parmi des cailloux, des tessons de poterie anciennes, des fossiles, le tronc d'un arbre qui a vécu sur cette terre au moins trois cents ans. Et pourtant il n'est pas plus gros, il est à peine plus long qu'un doigt humain. C'est un bout de bois sec, torsadé, souffreteux, de couleur bise, en forme de point d'interrogation un peu lâche. Un jour que Trom marchait sur la toundra arctique en compagnie de Scotteen, le biologiste, alors qu'il écoutait ce que son compagnon lui disait de la végétation de la terre sans arbre, il ramassa à ses pieds l'objet ligneux. Scotteen lui parla des saules nains, ces végétaux que la dureté du climat force à ramper sur le sol et qui, pour être chétifs, n'en sont pas moins des vrais arbres avec racines, bourgeons et feuilles. Cet arbre lilliputien, qui ne croît que quelques semaines chaque année, si on met sous la loupe une coupe transversale de son tronc, révélera plusieurs centaines de cercles de croissance, équivalant à autant d'années de vie. Trom, au terme de cette leçon de botanique, avait simplement mis l'objet dans sa poche. Ce qui amena Scotteen à dire, avec son humour habituel, que des chercheurs qui cherchent, on en trouve, mais des chercheurs qui trouvent, on en cherche ! Aujourd'hui, chez lui, quand il prend le saule dans sa main, Trom entend comme une voix venue de très loin lui souffler : dessine sans cesse le cercle de toute présence..."


Pierre MORENCY - A l'heure du Loup


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