Le Trochiscanthe nodiflore [TN]

n°942 (2024-42)

mardi 15 octobre 2024

"Lettre hebdomadaire" du site "Rencontres Sauvages"
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Nytt Land - Nord

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Chroniques photographiques
de la loge n°5

Courvières (Haut-Doubs), loge n° 5
fin-août 2024

été

5 matinées



Au lever du soleil...
Courvières (Haut-Doubs), loge n°5
samedi 10 août 2024


Jeune Rougequeue noir
Courvières (Haut-Doubs), loge n°5
samedi 10 août 2024



7h00
Courvières (Haut-Doubs), loge n°5
samedi 10 août 2024

Bergeronnette grise adulte
Courvières (Haut-Doubs), loge n°5
samedi 10 août 2024



Jeune Bergeronnette grise
Courvières (Haut-Doubs), loge n°5
samedi 10 août 2024

A la chasse
Courvières (Haut-Doubs), loge n°5
samedi 10 août 2024

Toilette
Courvières (Haut-Doubs), loge n°5
samedi 10 août 2024




Courvières (Haut-Doubs), loge n°5
samedi 10 août 2024



Au lever du soleil...
Courvières (Haut-Doubs), loge n°5
jeudi 15 août 2024


Autour des palombes
Courvières (Haut-Doubs), loge n°5
jeudi 15 août 2024



7h00
Courvières (Haut-Doubs), loge n°5
jeudi 15 août 2024



Abeille domestique sur Succise
Courvières (Haut-Doubs), loge n°5
jeudi 15 août 2024



Abeille domestique sur Cirse vulgaire

Courvières (Haut-Doubs), loge n°5
jeudi 15 août 2024



Au lever du soleil...
Courvières (Haut-Doubs), loge n°5
dimanche 18 août 2024



7h00
Courvières (Haut-Doubs), loge n°5
dimanche 18 août 2024



Au lever du soleil...
Courvières (Haut-Doubs), loge n°5
vendredi 23 août 2024



Rougequeue à front blanc mâle
Courvières (Haut-Doubs), loge n°5
vendredi 23 août 2024



Au lever du soleil...
Courvières (Haut-Doubs), loge n°5
samedi 24 août 2024



Gobemouche noir (en migration)
Courvières (Haut-Doubs), loge n°5
samedi 24 août 2024



Au lever du soleil...
Courvières (Haut-Doubs), loge n°5
dimanche 25 août 2024



Gobemouche noir
Courvières (Haut-Doubs), loge n°5
dimanche 25 août 2024



Mésange charbonnière
Courvières (Haut-Doubs), loge n°5
dimanche 25 août 2024



Buse variable s'ébrouant
Courvières (Haut-Doubs), loge n°5
dimanche 25 août 2024





Achillée millefeuille

Courvières (Haut-Doubs), loge n°5
dimanche 25 août 2024









Abeille domestique sur Succise
Courvières (Haut-Doubs), loge n°5
dimanche 25 août 2024









La Virgule
Courvières (Haut-Doubs), loge n°5
dimanche 25 août 2024



















Au lever du soleil...
Courvières (Haut-Doubs), loge n°5
samedi 31 août 2024







Courvières (Haut-Doubs), loge n°5
samedi 31 août 2024




Suggestion de lecture :

"Avant-propos


Que faire ?

Il avait neigé. Nous le devinions avant même de regarder par la fenêtre. Le ciel avait disparu, le monde était blanc. J’avais passé la nuit près du poêle à bois d’une cabane de montagne.

Mon ami le guide Daniel du Lac de Fugères était couché contre un tas de cordes.
J’eus envie de me lever et de pénétrer dans le silence. Le Blanc recèle ses mystères. La neige dicte la pensée du ciel à la Terre. Mais le brouillard, avec ses teintes de cadavre, décourage les explorations. À l’aube, personne n’a envie de pousser les portes d’une morgue. Il suffirait pourtant de lever le premier voile.

« Du Lac, dis-je. Pourquoi ne pas nous enfoncer dans le Blanc ? On a quelque chose à y trouver. » « Que faire ? » avait demandé Lénine sur son lit de mort. Les Russes aimaient cette question.

Plus tard, ils se poseraient une autre question :

« Qu’avons-nous fait ? »

L’Histoire nous l’avait prouvé : les lendemains ne chantent jamais. La géographie, elle, tient ses promesses. Elle nous apprend que la vie est dans le mouvement. Du Lac me dit : « Traversons les Alpes à ski ! »

Il avait son idée : nous partirions en hiver de la mer Méditerranée où sombre la montagne dans des gerbes de palmiers. Nous remonterions vers le nord-est, suivant la courbure de la chaîne, jusqu’à Trieste, ville impossible de l’Adriatique où la convention fixe la fin des Alpes. En chemin, on resterait au plus près de la crête axiale.

Nous dormirions dans les refuges, les abris. Ce serait une chevauchée, mais à ski, entre deux mers. Rien que la neige ! Il y aurait des centaines de kilomètres à arracher, mètre après mètre.

Cela sonnait comme un travail de forçat. En réalité, c’était une aubaine : la définition du bonheur est d’avoir un os à ronger.

La moindre course dans la montagne dissout le temps, dilate l’espace, refoule l’esprit au fond de soi. Dans la neige, l’éclat abolit la conscience.

Avancer importe seul. L’effort efface tout souvenirs et regrets, désirs et remords.

Mais qu’atteindrais-je, à travers cette chaîne, pendant des mois, et que gagnerais-je à m’infliger ces fatigues ? Ce matin-là, je l’ignorais encore : il ne s’agirait pas de parcourir un massif mais de se fondre dans une substance. Mon rêve, longtemps poursuivi, s’accomplirait peut-être : du voyage faire une prière.

Un an plus tard, par une matinée de mars, nous nous tenions, une paire de skis à la main, sur la plage du village de Menton, près de la frontière italienne. Entre-temps j’avais appris à du Lac la formule de Paul Morand : « Ailleurs est un mot plus beau que demain. »

Nous avions répondu à la question Que faire ? puisque nous savions où aller.


2018, première année


LA LIBERTÉ


Le premier jour, 8 mars


De Menton à Olivetta par le col du Berceau, 13 kilomètres et 1 300 mètres de montée.


Derrière nous, Menton, avec ses maisons jaunes en escalier sur des pentes de fleurs. On goûta l’eau des doigts. Je me léchai l’index car la mer est le sel de la Terre, puis du Lac marmonna « on y va, on n’est pas d’ici ». J’en connaissais moi aussi des phrases pour les départs. De Rimbaud : « Je vais acheter un cheval et m’en aller. » De Montaigne : « Il faut être toujours botté et prêt
à partir. » De Mme Despentes : « On se lève, on se casse. » De Gide : « Une des grandes règles de l’art : ne pas s’attarder. » Et la plus belle, du Christ, dans l’Évangile selon Matthieu : « Viens et suis-moi. »

Du Lac avait ses principes : ne rien demander à personne, ne jamais s’éterniser, trouver poésie dans la furtivité. « Circulez ! il y a tout à voir », une autre de ses expressions. Notre aventure allait s’étirer sur quatre hivers, à raison de trois semaines ou un mois de ski par an. Pour lutter contre une pneumonie planétaire, les gouvernements allaient bientôt assigner
les sociétés à résidence. La liberté d’aller deviendrait un enjeu politique. « Se lever et se casser » ne serait plus si simple. Un jour, en France, on serait sommé d’exhiber une autorisation par soi-même remplie pour aller cueillir des violettes sur le talus d’en face.

Les escaliers de Menton devinrent une route qui devint une piste qui devint un chemin. Les cailloux roulèrent une musique que je connaissais : celle des marches de garrigues. Le calcaire sentait la lumière. Les pins maritimes laissèrent place à leur cousin d’Alep, habitués aux luttes (contre la pente). Combien y aurait-il de cols avant l’Adriatique ? Était-il même possible que nous réussissions à les franchir tous ?

Nous passâmes le col du Berceau après 1 300 mètres de montée. De l’autre côté, au nord, l’Italie. Le chemin forestier était blanc.

Nous avions quitté la mer cinq heures plus tôt et trouvions déjà la neige. Cette année-là, elle était descendue très bas. Il y avait des traces d’écureuil italien. Cheminer de la mer à la montagne symbolisait l’effort amphibie des espèces, initié il y a des milliards d’années.

On descendit vers le village d’Olivetta à travers les ronces, les ruines et les restanques. Les « trois R » sonnaient la litanie du monde d’hier où les paysans tenaient le territoire, comme un système. On dormit dans une auberge où du Lac s’envoya un flacon de grappa. Je ne buvais plus d’alcool. Je regardais mon camarade avec nostalgie et lui révélais la manière russe de se
préparer au sommeil :

Un premier verre : pas besoin de berceuse !

Un second : pas besoin de couvertures !

Un troisième : pas besoin de lit !

Il se coucha avec ses visions et moi je m’endormis seul puisque sobre. La mer, la neige, l’écureuil : une bonne journée.


Le deuxième jour


D’Olivetta au col de Turini par le col de Brouis, 21 kilomètres et 1 800 mètres de montée.


Après avoir rejoint à pied le col de Brouis, on monta les 700 mètres d’un vallon de calcaire et de gypse. Nous chaussâmes les skis au contact de la première neige, à 1 600 mètres. Ce fut notre cérémonie de bénédiction sans prélats, sans liturgie, sans rien. Seul le claquement des fixations. La mer était encore visible, noire, là-bas, dans son trou.

Désormais, nous appartenions à la montagne.

La neige serait la totalité : la fiancée, le linceul, la promesse, la pureté sexuelle et la force cosmique, la matrice du pardon et des lavements que nous chercherions à ne pas quitter.

Nous visions la piste militaire du Mercantour, ancienne voie frontalière. Il fallut s’élever dans des pentes de neige chaude piquée de saules et de mélèzes. « C’est de la colle ! » dit du Lac. Les arbres faisaient des plumeaux. On se contorsionnait pour passer sous les branches. On atteignit la crête. L’hiver 2018 avait été neigeux. Rarement autant de fraîche ! Les corniches dégueulaient. La montagne ? Un gâteau. Les avalanches avaient emporté des skieurs. Chaque jour, à la radio : les touristes ensevelis ! Mes proches m’avaient prévenu : « Ne pars pas ! L’année est maudite. Du Lac est fou ! » Elles sont étranges les marques d’affection chez ces amis qui rêvent de vous passer les menottes...

On skiait sur la piste blanche, à 2 000 mètres.

Casernes et fortins étaient semés comme des reposoirs. Nous passions la revue des ruines noires au milieu des forêts féeriques. Autrefois, cette arête fut une ligne en feu. On s’y tua ardemment au milieu du XVIIIè siècle puis à la Révolution. Bonaparte fit ses armes à l’Authion.
On fortifia en 1930, on rempila en 1945. Dans ces sapinières pour reine des neiges, les batailles avaient servi à fixer les frontières d’une nation où vivaient aujourd’hui des citoyens tranquilles qui n’aimaient pas les frontières.

Cette année, dans le Mercantour et la Tinée, les militants accueillaient les exilés du Sahel et du Proche-Orient. Les éléphants d’Hannibal, les colporteurs et les contrebandiers italiens, les réfugiés du XXIè siècle et le loup du XXè , tous connaissaient le passage. Chaque rempart a ses
faiblesses. Les forces de l’ordre patrouillaient, traquant passeurs et passants. Hier, dans les forêts, nous avions croisé gendarmes et légionnaires.

Entre deux patrouilles, les membres des associations humanitaires prenaient en charge des hommes seuls ou des familles entières venus de Syrie, de Libye, d'Afghanistan, d'Irak ou du Mali. Les malheureux avaient traversé le désert, la mer, jusqu'à l'ultime herse. Ici, dans les Alpes-Maritimes, ils trouvaient des mains tendues. Ces migrants ne migraient pas. Ils fuyaient à jamais la guerre d'islam. Seules les rives chrétiennes leur donnaient une chance.

Du Lac et moi n'étions pas des enfants de l'exil. Nous avions une porte à pousser le soir. A ski, nous poursuivions un rêve d'enfant : l'école buissonnière géante. Nous aimions relier des lieux inaccessibles par des endroits infranchissables. Ce gymkhana était notre jeu. Et franchir une frontière à pied un exercice que nous ponctuions de « ciao bella » aux cimes blanches. Nous avions des arrières. Quelqu'un nous attendait quelque part, définition de la richesse.

A huit heures du soir, à la lueur des lampes, nous frappâmes à la porte d'un hôtel au col de Turini.

Le lendemain, nous repartirions, une fois passé le coup d'éponge sur les épuisements de la veille.

La nuit, cette remise de peine..."


Sylvain TESSON - Blanc


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