Le Trochiscanthe nodiflore [TN]
n°929 (2024-29)
mardi
16 juillet 2024
"Lettre hebdomadaire" du site "Rencontres
Sauvages"
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Au lever du jour... Courvières (Haut-Doubs), loge n° 5 samedi 25 mai 2024 Merle noir mâle Courvières (Haut-Doubs), loge n° 5 samedi 25 mai 2024 flou-filé Courvières (Haut-Doubs), loge n° 5 samedi 25 mai 2024 <image recadrée> Courvières (Haut-Doubs), loge n° 5 samedi 25 mai 2024
Bergeronnette grise
à sa toilette
Bergeronnette griseCourvières (Haut-Doubs), loge n° 5 samedi 25 mai 2024 Courvières (Haut-Doubs), loge n° 5 samedi 25 mai 2024
Les mouches...
Renard adulte Courvières (Haut-Doubs), loge n° 5 samedi 25 mai 2024 Compagnon rouge Courvières (Haut-Doubs), loge n° 5 samedi 25 mai 2024
Lune
Pissenlit Courvières (Haut-Doubs), loge n° 5 dimanche 26 mai
2024
Géranium découpé Courvières (Haut-Doubs), loge n° 5 dimanche 26 mai 2024 Luzerne lupuline Courvières
(Haut-Doubs), loge n° 5
dimanche 26 mai 2024 Paquerette Courvières (Haut-Doubs), loge n° 5 dimanche 26 mai 2024 Compagnon rouge Courvières (Haut-Doubs), loge n° 5 dimanche 26 mai 2024 Fourmis et puçerons Courvières (Haut-Doubs), loge n° 5 dimanche 26 mai 2024 Punaise à damier Courvières (Haut-Doubs), loge n° 5 dimanche 26 mai 2024
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"3 Tranquillement assise à l’accueil du commissariat, rue Hverfisgata, la vieille dame attendait que vienne son tour. Arrivée seule, en taxi, peu après midi, vêtue d’un épais manteau beige, d’une écharpe nouée autour du cou et d’un bonnet en laine islandaise qu’elle n’avait pas tardé à enlever, elle serrait son grand sac à main sur les genoux. Elle avait aussi fini par dénouer son écharpe. Elle approchait des quatre-vingts ans, ses petits yeux perçants observaient les allées et venues. Toutes sortes de gens passaient au commissariat, certains attendaient seulement quelques instants avant qu’on s’occupe d’eux. Elle n’avait parlé à aucun de ces visiteurs et aucun ne lui avait adressé la parole. En arrivant, elle avait demandé à être reçue par un policier. N’importe lequel. Mais, apparemment, il fallait attendre. Cela ne semblait pas l’inquiéter, c’était à croire qu’elle n’avait pas mieux à faire. Sa tenue était adaptée à la météo. Depuis plusieurs jours, de puissantes dépressions traversaient le pays avec leur lot de froid, de chutes de neige et de blizzard. Le manteau neigeux de plus en plus épais rendait les déplacements en ville difficiles et, à en croire les prévisions, de nouvelles dépressions s’annonçaient encore. Lorsque Marta s’engouffra dans le commissariat après sa longue pause déjeuner, elle remarqua la présence de la femme et, en allant prendre son café, presque deux heures plus tard, elle vit qu’elle était encore assise là sans que personne se soucie d’elle. – Qui est cette dame ? demanda-t-elle à l’accueil. Elle n’a quand même pas passé toute la journée ici ? Son collègue lui donna une réponse évasive. Le motif de sa visite semblait avoir été oublié. Elle avait simplement attendu son tour sans insister. Marta réprimanda les idiots chargés de l’accueil du public, puis alla voir la vieille dame en lui demandant ce qu’elle pouvait faire pour elle. – Oh, rien d’urgent ni de bien important. Vous êtes policière ? demanda-t-elle. À ses yeux, il y avait peu de chance qu’elle travaille pour l’administration, vêtue de cette tunique informe, sans la moindre trace de maquillage et le cheveu en bataille. – Suivez-moi, répondit Marta en lui faisant signe de l’accompagner dans le couloir où se trouvait son bureau. Elle l’invita à s’asseoir et lui proposa un café qu’elle refusa poliment. La dame avait surtout envie de rentrer chez elle. – En quoi pouvons-nous vous être utiles ? demanda la policière en regardant les flocons lourds et mouillés qui s’accumulaient sur la vitre. À nouveau, une violente averse de neige fondue s’abattait sur Reykjavik. On distinguait à peine les phares des voitures sur le boulevard Snorrabraut derrière l’épais rideau. – Je viens pour l’arme. – L’arme ? – Celle-ci, répondit la dame en ouvrant son sac. Elle en sortit un vieux torchon sale qu’elle déplia, et qui contenait un vieux pistolet qu’elle montra à la policière. – Qu’est-ce que c’est que ça ? – Il est possible qu’elle ait appartenu à mon mari, répondit la vieille dame en lui tendant l’objet. Il est mort il y a six mois, paix à son âme. Voyez-vous, je ne sais pas quoi faire de cette chose-là. Et mon amie, Kamilla, m’a dit qu’il fallait rapporter les armes à feu ou bien les faire à nouveau enregistrer en cas de décès de leur propriétaire, c’est son mari qui a lu ça quelque part. Comme je ne voyais pas à qui m’adresser, je suis venue ici. Elle poussa un soupir. Ç’avait été un travail de titan de trier tout ce qu’elle et son mari possédaient. Une bonne partie de ce qu’ils avaient accumulé au fil des ans avait fini à la décharge. Elle avait fait venir un container de la déchetterie, l’avait installé devant leur maison et y avait jeté une bonne partie du contenu du garage. Elle ne savait pas quoi faire de tous les livres et encore moins du monceau de disques qu’avait achetés son mari, grand amateur de jazz, de variété américaine et de symphonies russes tonitruantes. Ils avaient vécu dans cette maison depuis leur mariage et, aujourd’hui, elle s’apprêtait à emménager dans un appartement pour personnes âgées, une résidence avec ascenseur et gardien. Le container n’avait pas tardé à être rempli de meubles et d’objets dont elle pouvait se passer, sachant qu’elle n’aurait plus la place pour les garder. Elle voulait seulement emporter les plus précieux et ceux auxquels elle était le plus attachée. La découverte de ce pistolet l’avait laissée sans voix. Elle n’y connaissait rien en armes à feu et s’était demandé d’où il pouvait bien provenir. Elle l’avait trouvé au sommet d’une étagère dans le garage où son mari était le seul à aller. L’arme était enveloppée dans ce vieux torchon, caché derrière une caisse à outils. – Vous ne saviez pas qu’il possédait cet objet ? demanda Marta lorsqu’elle eut terminé son récit. – Je n’en avais aucune idée. Je ne savais pas qu’il avait ça. Il ne m’en a jamais parlé. Je suppose que ce pistolet lui appartenait, mais j’ignore sa provenance. Je suis incapable de vous en dire plus. – Et vous souhaitez qu’on l’enregistre à votre nom ? – À mon nom ? Sûrement pas ! Je ne vois pas ce que j’en ferais. Je veux que vous le preniez, répondit la dame en le lui tendant. Marta n’identifia pas immédiatement le type d’arme dont il s’agissait, même si elle lui semblait étrangement familière. C’était un vieux pistolet à canon fin, doté d’une épaisse crosse qui tenait bien dans la main. Noir, lisse au toucher et patiné, il n’avait sans doute pas servi depuis bien longtemps. Elle ne voyait pas s’il était chargé. Malgré toutes ses années passées à la Criminelle, elle n’y connaissait pas grand-chose en balistique. D’après elle, c’était un petit calibre. Elle le soupesa. Il lui semblait en avoir vu des semblables au cinéma. – Il était enregistré au nom de votre mari ? demanda-t-elle. Vous avez retrouvé le certificat ? – Non, je n’ai rien trouvé. Et mon mari n’était pas chasseur, je peux vous l’assurer. – Ce n’est pas le type d’arme qu’on utilise pour la chasse, répondit Marta. En l’examinant de plus près, elle trouva la marque presque effacée. C’était un Luger, un vieux pistolet allemand. – Vous savez, c’est moi qui l’ai trouvé, reprit la dame. J’étais partie faire quelques courses avec une amie et, quand je suis rentrée, il était couché par terre dans le salon, il avait eu une attaque. Elle eut un sourire triste. – Tout était normal sauf qu’il était mort. Il avait bu un café et lu son journal. Il épluchait toutes les nécrologies, ajouta-t-elle. Le pistolet resta quelques semaines dans le tiroir du bureau de Marta. Elle était débordée, la brigade souffrait d’une pénurie chronique de personnel et les tâches s’accumulaient. Elle reprenait le travail après son congé pour cure de désintoxication. C’était surtout Konrad qui l’avait encouragée à se faire admettre au centre de Vogur et elle avait fini par l’écouter. Désormais de retour, elle avait eu besoin d’un peu de temps pour se remettre en selle. Elle envisagea de glisser
l’arme dans sa poche sans en parler à personne et de la
garder comme pièce de collection. Comme un objet sorti
d’un vieux film. Puis un jour, alors que le train de
dépressions avait enfin ralenti, elle l’emporta sans
raison véritable alors qu’elle devait se rendre à la
Scientifique dans le quartier de Grafarvogur et la montra
à Oliver, l’expert en balistique, qui travaillait là
depuis longtemps. Marta se disait que ce pistolet avait
peut-être de la valeur, mais elle aurait refusé de le
reconnaître devant qui que ce soit. Oliver était occupé.
Il lui avait répondu d’un air absent qu’il l’examinerait
lorsqu’il aurait le temps. Il demanda à Marta de le lui
confier, ce qu’elle fit en dépit de ses réticences..."
Arnaldur INDRIDASON - Les
parias
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