Le Trochiscanthe nodiflore [TN]
n°914 (2024-14)
mardi
2 avril 2024
"Lettre hebdomadaire" du site "Rencontres
Sauvages"
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Livret de l'exposition de photographies, à la "Margotte" 2013 à 2023 10 ans de photographies à la Loge n° 5 Pour le feuilleter en ligne, cliquez [ici] L'exposition se visite,sur rendez-vous N'hésitez pas à me contacter par téléphone : 06 43 93 61 09, ou par mail : pascal.marguet0077 (at) orange.fr (remplacer (at) par @) |
Gabo Courvières (Haut-Doubs), Champ-Margot mercredi 6 mars 2024 Courvières (Haut-Doubs), Champ-Margot mercredi 6 mars 2024
Courvières (Haut-Doubs), Champ-Margot mercredi 6 mars 2024 Gabo Courvières (Haut-Doubs), Champ-Margot mercredi 6 mars 2024 Mésange bleue Courvières (Haut-Doubs), Champ-Margot vendredi 8 mars 2024
Courvières (Haut-Doubs), Champ-Margot vendredi 8 mars 2024
Courvières (Haut-Doubs), Champ-Margot vendredi 8 mars 2024
Mésange charbonnière Courvières (Haut-Doubs), Champ-Margot vendredi 8 mars 2024 Mésange bleue Courvières (Haut-Doubs), Champ-Margot dimanche 10 mars 2024
Courvières
(Haut-Doubs), Champ-Margot
Courvières (Haut-Doubs), Champ-Margot dimanche 31 mars 2024 Au soleil ! Courvières (Haut-Doubs), Champ-Margot dimanche 31 mars 2024
Au soleil ! Courvières (Haut-Doubs), Champ-Margot dimanche 31 mars 2024 Courvières
(Haut-Doubs), Champ-Margot
dimanche 31 mars 2024 |
"1 1863 Nous étions début avril, la lune du premier tonnerre, lorsque l'homme arriva. L'air était frais à l'extérieur de notre tipi, mais Mère s'était installée avec moi sous le soleil de l'après-midi, qui nous réchauffait.
Nous levâmes les yeux à l'approche d'un cheval. En découvrant l'état du cavalier, Mère me tendit le récipient contenant les perles et se leva.
Père sortit de notre hutte, portant le mousquet qu'il était en train de nettoyer.
Père semblait heureux de voir notre visiteur, jusqu'à ce que l'homme émacié essaie soudain de rattraper la couverture grise qui glissait de ses épaules. Quand elle tomba à terre, il gémit et porta la main à la profonde entaille qui lui traversait la poitrine. Père saisit les rênes.
Il se pencha en avant, luttant pour respirer, et je craignis qu'il ne chute de son cheval.
Le visage de Père se crispa et il me lança un coup d'oeil.
En entendant la nouvelle, l'homme s'effondra. Père le rattrapa et lança les rênes à l'un des jeunes garçons venus examiner notre visiteur.
Père conduisit le blessé dans notre tipi en le portant à moitié, et l'installa près du feu.
Epuisé de parler, l'homme se pencha sur le côté et Père l'aida à s'allonger.
Lorsque Père partit d'un bond, je n'avais aucun doute sur l'objectif qui l'animait. Si lui, chef de nos cinquante tipis, menait une guerre, je savais que les Sioux n'avaient plus longtemps à vivre. Mère se précipita vers l'arrière de notre hutte, où son sac de remèdes était posé sur un trépied.
Renard-Roux grimaça tandis qu'elle nettoyait la profonde blessure qu'un couteau lui avait infligée, mais lorsqu'elle répandit de la poudre de racine noire sur l'entaille, le vieil homme soupira de soulagement.
A l'extérieur, Mère délimita un cercle, puis je piétinai l'herbe séchée pendant qu'elle découvrait le tipi démantelé de Grand-mère avant de le débarrasser de la neige qui s'y était accumulée. La nouvelle de l'arrivée de Renard-Roux n'avait pas tardé à se répandre à travers le village et, avant que nous n'ayons planté toutes les perches, deux amies de ma Mère nous rejoignirent. Ensemble, les femmes soulevèrent le revêtement du tipi. Quinze peau de bison cousue ensemble pesaient lourd, mais il s'agissait d'une tâche courante pour les femmes, capables de construire ou de défaire une hutte à tout moment. J'aidai en allant chercher du petit bois et en allumant un feu et, bientôt, Mère et moi avions installé Renard-Roux dans son tipi.
Nous allâmes donc toutes les deux fendre des os de bison. Après quoi nous les couvrîmes d'eau et, tandis qu'ils mijotaient au-dessus de notre feu de camp, nous entendîmes nos braves qui commençaient à se rassembler. Les hommes montèrent une hutte à sudation près de la rivière et, alors qu'ils se préparaient à la guerre, ils fumaient, priaient, se peignaient le corps et le visage, tout en lançant des cris d'animaux pour invoquer l'aide de leurs esprits bestiaux. Leurs cris me rappelaient la bataille du jour où Grand-mère avait rejoint le Campement de l'Autre Rive et, apeurée, je ne m'éloignai pas de Mère. Lorsque le bouillon de moelle fut prêt, nous en remplîmes une tasse en corne et l'apportâmes à Renard-Roux. A deux reprises, il refusa de prendre la tasse des mains de Mère qui, frustrée, me la tendit pour s'occuper du feu. Lorsque le vieil homme jeta un coup d'oeil dans ma direction, je poussai la boisson vers lui sans un mot. Contre toute attente, il la saisit et la but d'une traite, puis me rendit la tasse avant de s'allonger et de sombrer dans un profond sommeil. Mère et moi regagnâmes notre hutte juste au moment où revenait Père, la peau recouverte de traits d'un jaune éclatant et aussi prêt à l'action qu'un cheval de guerre.
Père secoua la tête.
Mère lui donna un coup sur l'épaule et il rit en la saisissant pour l'attirer dans ses bras. C'était un sujet de dispute constant entre eux : l'attitude de séducteur de Père face à d'autres femmes. Le batifolage amoureux n'était pas rare chez les Crows de sexe masculin et, à quarante neiges, non seulement Père était le chef de notre village, mais c'était aussi un bel homme, plus grand que la moyenne. Mère était une bonne épouse et tirait une grande fierté du soin avec lequel elle s'occupait des vêtements de Père. Ses tuniques en daim et ses pagnes étaient toujours propres, et elle veillait à ce qu'aucune perle ne manque de ses jambières et de ses mocassins. J'aimais les regarder tous les deux quand, au petit matin, Mère le coiffait à l'aide de sa brosse en porc-épic, tressant ses longs cheveux noirs encore humides de sa baignade dans les eaux froides du ruisseau. Père l'embrassa, les mains sur ses joues.
Il haussa les épaules.
Ils s'embrassèrent de nouveau. Au-moment de partir, il fit un geste de la tête dans ma direction.
Une fois de plus, je fus blessée en songeant qu'il aurait voulu que je sois un garçon. Gardien-de-Chevaux poussa
un grand cri de guerre et sauta sur son cheval gris. Il cria
de nouveau, agitant son fusil où étaient attachées quatre
plumes d'aigle, visant à rappeler à tous les exploits qu'il
avait accomplis au cours des batailles précédentes. Son cri
perçant me faisait frissonner, mais pour les autres
guerriers, c'était comme une flamme brûlante venant embraser
un bûcher. Les cris qu'ils poussaient en retour firent
ressurgir dans mon esprit la bataille que j'essayais
d'oublier, aussi, quand Mère me quitta pour aller s'occuper
de Renard-Roux, je me tapis sous ma couverture en peau de
bison. Là, tremblante, je serrai ma tête entre mes mains,
tentant de chasser les souvenirs..."
Kathleen GRISSOM - C'était
notre terre
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