Le Trochiscanthe nodiflore [TN]
n°903 (2024-03)
mardi
16 janvier 2024
"Lettre hebdomadaire" du site "Rencontres
Sauvages"
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Moineau domestique mâle Courvières (Haut-Doubs), Champ-Margot dimanche 26 novembre 2023 Courvières (Haut-Doubs), Champ-Margot dimanche 26 novembre 2023
Pinson des arbres mâle Courvières (Haut-Doubs), Champ-Margot dimanche 26 novembre 2023 Moineau domestique mâle Courvières (Haut-Doubs), Champ-Margot mercredi 29 novembre 2023
Courvières (Haut-Doubs), Champ-Margot samedi 2 décembre 2023 Moineau domestique femelle Courvières (Haut-Doubs), Champ-Margot samedi 2 décembre 2023
Courvières (Haut-Doubs), Champ-Margot dimanche 3 décembre 2023
Moineau domestique
mâle
Courvières (Haut-Doubs), Champ-Margot samedi 16 décembre 2023 Moineau domestique
femelle
Courvières (Haut-Doubs), Champ-Margot lundi 25 décembre 2023 |
"Prologue 1947 – Rue du Hêtre-Pourpre, Meudon, France
Les hommes ne comprennent rien à la paix, ils préfèrent mourir pour des histoires de revanche. Sur la terrasse, face au talus en haut duquel passe le train, Haïgaz tente encore de convaincre Agop. Araxie et Haïganouch desservent la table, et Agop fait semblant de ne pas voir leurs yeux rougis par le chagrin.
Agop a décidé de répondre à l'appel de Staline, du Parti communiste français et des principales organisations arméniennes de France. Tous les arméniens du monde sont les bienvenus en URSS. Une République d'Arménie les y attend, fière et indépendante, pour reconstruire leur pays et leur histoire.
Araxie et Haïganouch font claquer la vaisselle et tirent sans ménagement les serviettes de sous les coudes des hommes. Des gestes de colère pour montrer leur peine silencieuse. Quand elle passe près de lui, Agop cherche à prendre la main d'Haïganouch dans la sienne, mais elle se dégage d'un geste brusque et s'échappe. Quand elle revient, elle pose les cafés si fort sur la nappe blanche qu'ils se renversent. Alors elle éclate en sanglots et court se réfugier dans les bras d'Araxie pour pleurer sans retenue.
Mais chacun sait ce qu'Agop ne dit pas. Deux guerres, c'est trop. Même s'il n'a pas combattu pendant la dernière, il a quand même été blessé. Dans sa fierté, dit-il, et dans son honneur aussi. Haïgaz s'en veut de s'être emporté contre son ami de toujours. Il sait qu'Agop ne part pas en Arménie : il fuit la France qui n'a pas tenu ses promesses. Sous le gouvernement de Vichy, les naturalisations ont été suspendues et elles n'ont pas repris, pas même pour les Arméniens qui étaient dans l'armée ou dans la Résistance. Les fonctionnaires qui ne justifiaient pas d'une filiation française sur trois générations, révoqués par Vichy, n'ont toujours pas été réintégrés. Et il y a eu le harcélement de la Milice et des collaborateurs. Les dénonciations calomnieuses, les arrestations arbitraires, les humiliations. Les « rastaquouères » et les « bougnoules » sur les murs. Après les Tsiganes, les Arméniens étaient les suivants sur la liste des déportations. Alors, cette France-là, Agop l'a en travers du cœur et la quitte. Et c'est ce qui chagrine Araxie, qui comprend bien que c'est un geste de mauvaise humeur plus qu'un choix.
Mais Agop est têtu. Sa
décision est prise..."
Ian MANOOK - Le chant
d'Haïganouch
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