Le Trochiscanthe nodiflore [TN]
n°883 (2023-32)
mardi
29 août 2023
"Lettre hebdomadaire" du site "Rencontres
Sauvages"
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Marguerites Courvières (Haut-Doubs), loge n° 5 vendredi 16 juin 2023 Courvières (Haut-Doubs), loge n° 5 vendredi 16 juin 2023
Face à face Courvières (Haut-Doubs), loge n° 5 vendredi 16 juin 2023
Courvières (Haut-Doubs), loge n° 5 vendredi 16 juin 2023
Courvières (Haut-Doubs), loge n° 5 vendredi 16 juin 2023
Courvières (Haut-Doubs), loge n° 5 vendredi 16 juin 2023 Raiponce orbiculaire et papillon Courvières (Haut-Doubs), loge n° 5 vendredi 16 juin 2023 Chardon défloré Courvières (Haut-Doubs), loge n° 5 vendredi 16 juin 2023
Bergeronnette grise Courvières (Haut-Doubs), loge n° 5 samedi 17 juin 2023 Bergeronnette grise Courvières (Haut-Doubs), loge n° 5 samedi 17 juin 2023
Rougequeue noir mâle
Rougequeue noir mâle Courvières (Haut-Doubs), loge n° 5 samedi 24 juin 2023 Sur une Raiponce orbiculaire... Courvières (Haut-Doubs), loge n° 5 samedi 24 juin 2023 |
"AME, subst. Fém. Musique. Ame d'un instrument à cordes. Petite pièce de bois interposée, dans le corps de l'instrument, entre la table et le fond, les maintenant à la bonne distance et assurant la qualité, la propagation comme l'uniformité des vibrations. Trésor de la langue
française Face à la musique de Schubert, les larmes coulent sans questionner l'âme auparavant, puisqu'elle se précipite sur nous avec la force même de réalité, sans le détour de l'image. Nous pleurons, sans savoir pourquoi ; parce que nous ne sommes pas encore tels que cette musique nous promet d'être, mais seulement dans le bonheur innommé de sentir qu'il suffit qu'elle soit ce qu'elle est pour nous assurer qu'un jour nous serons comme elle. THEODOR W. ADORNO, Moments musicaux RECUEILLEMENT
« Dimanche 6 novembre 1938, Tokyo. Bruit sec et tranchant des
pas de bottes, grandissant, ralentissant. Quelqu'un marche.
Il s'est arrêté... Il a repris sa marche... Il s'est arrêté
de nouveau. Il est maintenant tout près. Je crois entendre
sa respiration. Un petit bruit de quelque chose qui entre en
contact avec du bois. Il vient de poser quelque chose sur le
banc ? Je suis dans le noir,
tremblant de peur. La peur me donne froid au dos.
Silence. Tout à coup, le voile d'obscurité se déchire.
Un grand carré lumineux fait irruption devant moi.
Qu'est-ce que je vois ? Mes yeux éblouis voient un
immense corps d'homme, debout, droit, vêtu d'un
uniforme militaire kaki. Je ne vois pas la tête ni les
pieds. Je vois le devant de l'uniforme avec les
boutons bien alignés verticalement, un lourd sabre qui
lui pend à la taille, les bras, les mains qui sortent
des manches, les deux jambes jusqu'aux genoux comme
des troncs d'arbre robustes. La lumière éclaire
cruellement mes pieds chaussés de chaussettes vertes
en coton que je ne peux pas cacher davantage. À côté
de mes pieds pétrifiés, mon livre... dont la
couverture blanche est bordée de chaque côté d'une
mince raie orange. Le titre en gros caractères noirs
s'offre sans honte à la lumière vive : Dites-moi
comment
vous allez vivre.
Sous le titre est imprimé en petits caractères le nom
de l'auteur; et en bas, en caractères moyens, le nom
de la collection à laquelle le livre appartient : «
Bibliothèque des petits citoyens ». Il va le prendre ?
Dépêche-toi, il faut le devancer! Non, il vaut mieux
que je ne bouge pas... Une fraction de seconde après,
je pose ma main droite sur le livre et m'en saisis. Je
retire doucement ma main tremblotante... Plusieurs
longues secondes passent... Je ne sais ce qu'il fait,
le corps ne bouge pas d'un pouce. J'ai peur.
Instinctivement, je ferme les yeux. Le silence
persiste. Je rouvre les yeux à moitié. Il se penche
alors lentement, très lentement, comme s'il hésitait,
comme s'il n'était pas sûr de ce qu'il faisait. Une
tête d'homme, coiffée d'un képi de la même couleur que
l'uniforme, apparaît devant mes yeux. À contre-jour,
elle est voilée d'une ombre épaisse. Du bord du képi
descend par-derrière jusqu'aux épaules une pièce
d'étoffe également kaki. Les yeux seuls brillent comme
ceux d'une chatte qui guette dans les ténèbres. Mes
yeux, maintenant grands ouverts, rencontrent les
siens. Je crois pouvoir reconnaître un discret sourire
qui s'esquisse et qui se répand autour des yeux.
Qu'est-ce qu'il va faire ? Il va me faire mal? Il va
me sortir de force de cette cachette ? Je me blottis
davantage sur moi-même. Soudain, il se penche de côté
et se baisse un peu, puis il se relève aussitôt avec,
dans la main, le violon abîmé qu'il a posé sans doute,
il y a quelques instants, sur le banc juste à côté de
l'armoire où je suis réfugié. Tout à coup, se fait
entendre une voix d'homme forte et pressante, se
rapprochant rapidement : Machinalement, il tourne la tête comme s'il se demandait d'où venait exactement la voix, comme s'il cherchait à identifier l'auteur de l'appel ; tandis qu'une crispation nerveuse parcourt son visage. Il me tend sans mot dire
le violon cassé, presque aplati, qui, avec ses quatre
cordes dessinant un contour bombé, revêt dans l'obscurité
l'allure d'un petit animal agonisant. Je ne sais pas ce
qu'il faut faire... j'hésite... mais, finalement, je
prends l'instrument endommagé, craintivement, avec mes
deux mains. Pas le temps de lambiner. Dans le noir de l'armoire, j'entends distinctement une voix d'homme dure que je crois être celle qui criait tout à l'heure « Ku-rokami ! ». Je suis étonné d'entendre le nom de Kurokami, car j'étais loin d'imaginer que « noirs (kuro) cheveux (kami) » pouvait j'étais loin d'imaginer que « noirs (kuro) cheveux (kami) » pouvait être un nom de famille. L'homme articule des mots que je ne comprends pas très bien sur un ton autoritaire ou comme quelqu'un de très en colère. Il me fait peur. Une autre voix d'homme lui répond d'une manière posée, tranquille, presque douce. Est-ce la voix de celui qui m'a donné le violon ? Peu à peu les voix s'éloignent. Les pas aussi. Je reste dans le noir. Bientôt je n'entends plus rien. Ou plutôt, j'entends tout au bout du long corridor de mes oreilles comme le chant faible et obstiné des cigales qui vont mourir. C'est l'acouphène, mot que j'ai appris récemment de mon père. C'est le bruit du silence en quelque sorte. Je regarde par le trou de la serrure. La salle est sombre à cause des rideaux noirs fermés, mais suffisamment éclairée par les néons pour me persuader qu'il n'y a plus personne. Quelle heure est-il? Ça ne doit pas encore être la tombée du jour, mais je commence à avoir faim. Je tends l'oreille... et je me dis qu'il n'y a vraiment plus personne. Alors, je soulève le loquet le plus doucement possible et essaie en entrouvrant la porte de ne pas provoquer le moindre bruit. Mais ça couine... Tais-toi ! me dis-je. J’attends un peu… Rien de nouveau, c’est toujours aussi silencieux. Il n'y a plus personne. Je remets mes chaussures en toile que j'avais ôtées pour ne pas faire de bruit. Je sors de ma cachette, le violon abîmé dans les mains, mon livre dans la poche de mon pantalon. Je fais quelques pas timides, j'ai du mal à marcher : ah ! j'ai des fourmis dans les jambes ! Je m'arrête. J'attends trois secondes. Je reprends ma marche. Je traverse la grande salle et m'avance vers la sortie. Je pousse, de tout mon corps, la lourde porte d'entrée. Je suis maintenant debout devant le bâtiment du Centre culturel municipal. Je lève les yeux vers le ciel. Le jour s'en va. Il commence à faire sombre. Je me sens seul, désemparé. Des sanglots me montent à la gorge. Une force noire, énorme m'écrase, projetant sur moi des ombres informes, oppressantes. Des gens passent dans la rue. Des soldats de la Police militaire, fusil sur l'épaule, patrouillent. Je ne vois pas un seul enfant autour de moi. Où est-ce qu'il est passé, papa ? Il va revenir ici ? Ou rentrera-t-il directement ? Je prends la rue qui va vers la maison. J’accélère mes pas… portant le violon détruit comme un animal mourant sur je veux sauver à tout prix… » Je suis debout, planté devant l'autel du placard grand ouvert. J'ai les yeux fermés. Je sens derrière moi le doux parfum d'une présence féminine. Je descends lentement le sombre escalier du temps..."
Akura MISUBAYASHI - Ame
brisée
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