Le Trochiscanthe nodiflore [TN]
n°873 (2023-22)
mardi
13 juin 2023
"Lettre hebdomadaire" du site "Rencontres
Sauvages"
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Rougequeue noir mâle Courvières (Haut-Doubs), loge n° 5 lundi 10 avril 2023 Courvières (Haut-Doubs), loge n° 5 lundi 10 avril 2023
Courvières (Haut-Doubs), loge n° 5 lundi 10 avril 2023
Petite araignée sur un pétale de Crocus Courvières (Haut-Doubs), loge n° 5 lundi 10 avril 2023 <image recadrée>
Violette sp. Courvières (Haut-Doubs), loge n° 5 lundi 10 avril 2023
Courvières (Haut-Doubs), loge n° 5 dimanche 23 avril 2023
Pinson des arbres
mâle
Tussilage
Courvières (Haut-Doubs), loge n° 5 dimanche 23 avril 2023 |
" 1 Jeudi 22 avril. Lever du soleil : 3h31. Coucher du soleil : 21h15. 17h44 d'ensoleillement.
Détroit du Loup, Laponie norvégienne. 10H45.
Depuis plus d'une heure, la plupart des hommes demeuraient invisibles. Certains se cachaient depuis bien plus longtemps. Il patientaient, placés stratégiquement sur les deux rives distantes de cinq cents mètres. Ceux en embuscade sur Kvaloya, l'île de la Baleine, occupaient leur poste depuis la veille au soir. Loin là-haut, le soleil dominait la scène depuis un long moment. Difficile de somnoler. Difficile de bouger sans être vu. En cette mi-avril, la lumière imposait sa présence même en pleine nuit. Mais
personne
ne parlait encore de nuit. Ils veillaient, attendant
patiemment le signal. Allongé dans la barque, Erik Steggo observait le ciel. Le jeune homme commençait à sentir la chaleur, signe qu'elle allait bientôt devenir pénible. La température atteignait pourtant à peine 3 ou 4 degrés, mais ses couches de vêtements le maintenaient au chaud. La neige couvrait encore la rive, même si la fonte s'amorçait. La blancheur dominait aussi les montagnes aplanies. Il les apercevait en se tournant un peu, lentement. Erik reconnaissait les sentiers courus si souvent. Il songea à enlever une épaisseur de vêtements, mais renonça, cédant à la torpeur agréable dans laquelle il baignait. Le simple clapotis de l'eau suffisait à le rafraîchir, le bruissement des vagues à le tenir éveillé. La barque attendait du côté terre ferme, vers le sud.
Par le passé, des générations d'hommes s'y étaient recueillis avant l'opération qu'Erik et les siens allaient entreprendre. Ils connaissaient les risques. Ils savaient comment les éviter. Quand le destin se montrait clément. Le
jeune
homme dans l'embarcation n'avait pas eu le temps d'y
déposer une pièce d'offrande. Il avait demandé à Juva
de s'en occuper. Juva avait promis. Une promesse,
c'était important. Anneli, elle seule avait pu lui ouvrir les yeux et l'âme sur ces beautés cachées. Anneli. C'est pour elle aussi, pour eux, qu'il fallait réussir. Il essaya de se concentrer à nouveau. Il ne pouvait se relever pour regarder, mais la tension qui allait grandissant indiquait que le moment approchait. Tout près de lui, quelque
cinq cents rennes s'entassaient sur les galets de la
berge, broutant ce qu'ils pouvaient, cherchant des algues
gavées de sel, relevant parfois nerveusement la tête vers
la berge opposée, sur l'île de Kvaloya. Depuis la grande
île qui était leur destination finale, le vent du nord de
la mer de Barents leur apportait des effluves d'herbe. Ce
n'était pas encore l'herbe grasse de juin. Mais, pour ce
troupeau-ci, un appel irrésistible après six mois d'un
régime sec constitué de lichen enfoui sous la neige. Les
bêtes étaient nerveuses, impatientes. Trop impatientes.
Les femelles ne mettaient bas qu'une fois de l'autre côté.
Cela ferait encore des tensions avec la ville, comme
chaque année. Mais les rennes de tête savaient ce qui les
attendait de l'autre côté. Le renne blanc de Juva était le
plus expérimenté. Il lancerait sans doute le mouvement.
Etait-ce signe de vieillesse qu'il engage ainsi cette
avant-garde du troupeau avec plusieurs semaines
d'avance ? Mais il est vrai que les pâturages, sur la
route de la transhumance, n'avaient pas été bons, poussant
le renne blanc et les autres toujours plus vers l'avant.
Ils sentaient instinctivement qu'il allait se passer
quelque chose. Et les bergers n'avaient qu'à suivre. Telle
était la loi du vidda, des hauts-plateaux désertiques de
Laponie..."
Olivier TRUC - Le
détroit du Loup
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