Le Trochiscanthe nodiflore [TN]
n°866 (2023-15)
mardi
18 avril 2023
"Lettre hebdomadaire" du site "Rencontres
Sauvages"
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Mouette atricille Parc animalier des Pyrénées - Argelès-Gazost (Hautes-Pyrénées) mercredi 5 avril 2023 Parc animalier des Pyrénées - Argelès-Gazost (Hautes-Pyrénées) mercredi 5 avril 2023 Parc animalier des Pyrénées - Argelès-Gazost (Hautes-Pyrénées) mercredi 5 avril 2023
Parc animalier des Pyrénées - Argelès-Gazost (Hautes-Pyrénées) mercredi 5 avril 2023
Parc animalier des Pyrénées - Argelès-Gazost (Hautes-Pyrénées) mercredi 5 avril 2023
Parc animalier des Pyrénées - Argelès-Gazost (Hautes-Pyrénées) mercredi 5 avril 2023 Marmotte Parc animalier des Pyrénées - Argelès-Gazost (Hautes-Pyrénées) mercredi 5 avril 2023
Parc animalier des Pyrénées - Argelès-Gazost (Hautes-Pyrénées) mercredi 5 avril 2023 Surricate Parc animalier des Pyrénées - Argelès-Gazost (Hautes-Pyrénées) mercredi 5 avril 2023 Panda roux Parc animalier des Pyrénées - Argelès-Gazost (Hautes-Pyrénées) mercredi 5 avril 2023
Conure soleil Parc animalier des Pyrénées - Argelès-Gazost (Hautes-Pyrénées) mercredi 5 avril 2023
Perchée sur le portable de Malaa... Parc animalier des Pyrénées - Argelès-Gazost (Hautes-Pyrénées) mercredi 5 avril 2023
Saki à face blanche
(mâle)
Parc animalier d'Asson (Pyrénées Atlantiques) mercredi 5 avril 2023
Paon bleu mâle
Parc animalier d'Asson (Pyrénées Atlantiques) mercredi 5 avril 2023 |
" 1 C'est la troisième lune depuis que le soleil a disparu derrière la ligne d'horizon – et la première fois de ma vie que j'ai si mal au ventre. Me décoller du corps chaud de ma sœur et de mon frère, me dégager des peux qui nous recouvrent, descendre de la plate-forme de glace. Sous son dôme, ma famille ressemble à une grosse bête roulée sur elle-même. D'ordinaire, je respire comme tous du même grognement que mon père, mais cette nuit une douleur me déchire et m'extrait. Enfiler un pantalon, des bottes, une veste – me glisser hors de la maison de neige. L’air
glacé
entre dans mes poumons, descend le long de ma
colonne vertébrale, vient apaiser la brûlure de mes
entrailles. Au-dessus de moi, la nuit est claire
comme une aurore. La lune brille comme deux couteaux
de femme assemblés, tranchants sur les bords. Tout
autour court un vaste troupeau d’étoiles. 2 Penchée
sur
la flaque, je n’ai pas entendu le grondement au
loin. Lorsque je sens la vibration dans mes jambes,
il est trop tard : la banquise est en train de se
fendre à quelques pas de moi. L’igloo est de l’autre
côté de la faille, ainsi que le traîneau et les
chiens. Je pourrais crier, mais cela ne servirait à
rien. 3 Avant que le brouillard n'engloutisse tout, je ramasse l'amulette et la passe autour de mon cou. A quelques pas de la gît la peau roulée – c'est celle d'un ours. Par chance, mon couteau en demi-lune est resté dans la poche de ma parka. J'utilise son manche en ivoire pour dénouer les liens. Le harpon va me manquer cruellement. Mon père devait être ému pour rater un tel lancer. Le brouillard qui sort de la faille s'épaissit à présent. La lumière de la lune n'est plus qu'un halos diffus. Je dois me diriger à l'oreille, en me fiant au bruit de l'eau et des glaçons. Le manche du harpon me sert à sonder la glace devant moi, et ne pas passer au travers. Soudain, un crissement attire mon attention. Craignant un nouvel effondrement, je m'allonge et j'attends. Si une crevasse se forme sous moi, elle ne fera pas tout de suite la taille de mes membres écartés. Bizarrement, le bruit se prolonge, mais ne se déplace pas. On dirait que quelque chose remue quelque part. Ça grogne, ça souffle, ça fouit. Mon cœur se serre : et s'il s'agissait d'un esprit lancé à ma poursuite ? Et si la faille était l'oeuvre de Torngarsuk ? Et si cet être maléfique abattait sur moi son énorme bras pour m'écraser comme un moustique ? Tout en sachant que c'est dérisoire, je rabats la peau d'ours sur ma tête. Et continue de guetter par en dessous ce qui se passe. A quelques pas, la neige se soulève comme une vague. Un frisson d'épouvante me parcourt l'échine... pour finir en sursaut de joie ; c'est Ikasuk qui se dresse devant moi ! La meilleure chienne de mon père. Elle et quatre jeunes chiens devaient être enfouis là, sous un monticule de neige, lorsque la banquise s'est fendue. Ils aboient. Le reste de la meute répond au loin, mais le vent couvre bientôt ces voix fantomatiques, je suis seule – avec cinq chiens fraîchement sortis du néant. Me relevant, j'observe les jeunes mâles. Ils ont une envie furieuse de sauter à l'eau. Je m'approche d'eux, je ne bouge pas, je ne dis rien. Ils me regardent d'un air sournois. Ils ont l'air de penser que j'y suis pour quelque chose, que cette situation est ma faute. Je m'avance pour leur faire face. Soudain, l'un d'eux bondit vers moi. Je me jette sur un tas de neige pour lui échapper. Les autres grognent, les babines retroussées. Passé par-dessus ma tête, le chien a atteint l'endroit où je me tenais lorsque la banquise s'est fendue. Il est comme fou. Il grogne, il gratte, se déchire la gueule sur la glace. Il est en train de dévorer le sang coagulé qui s'est échappé de mon ventre. Les
trois
autres mâles me scrutent désormais comme une proie. Je me
lève brusquement et crie le nom d'Ikasuk. D'un bond, la
chienne se place entre eux et moi. Le premier mâle, qui
est de l'autre côté, me saute sur le dos. Ikasuk fait
volte-face. Il y a des jappements, des grognements, des
coups de dents. Enfin, un hurlement strident : la
chienne a saisi la gorge de son adversaire entre ses
mâchoires, du sang frais coule sur la neige. Sans relâcher
son étreinte, elle fixe les trois autres d'un œil vif.
C'est elle qui domine, prête à me défendre. Les jeunes
mâles se rendent sans insister. Ils la regardent
maintenant comme s'ils venaient simplement de jouer avec
elle une bonne partie autour d'un os..."
Bérangère COURNUT - De
pierre et d'os
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