Le Trochiscanthe nodiflore [TN]

n°829 (2022-29)

mardi 26 juillet 2022

"Lettre hebdomadaire" du site "Rencontres Sauvages"
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Leo DELIBES - Lakmé
Air des clochettes

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Regards croisés :

Dans l'intimité des hermines...


Boujailles (Haut-Doubs)
juin et juillet 2022



Hermine, dans les foins
Boujailles (Haut-Doubs)
vendredi 17 juin 2022


Hermine, en chasse
Boujailles (Haut-Doubs)
vendredi 17 juin 2022




Famille d'Hermines
Boujailles (Haut-Doubs)
vendredi 17 juin 2022



Hermine
Boujailles (Haut-Doubs)
samedi 18 juin 2022



Milan royal
Boujailles (Haut-Doubs)
dimanche 19 juin 2022



Les foins
Boujailles (Haut-Doubs)
dimanche 19 juin 2022



Hermine et sa proie
Boujailles (Haut-Doubs)
dimanche 19 juin 2022




Boujailles (Haut-Doubs)
dimanche 19 juin 2022



Dressée
Boujailles (Haut-Doubs)
samedi 25 juin 2022


Dressée, sur la route
Boujailles (Haut-Doubs)
samedi 25 juin 2022



Dressée
Boujailles (Haut-Doubs)
samedi 2 juillet 2022



Boujailles (Haut-Doubs)
samedi 2 juillet 2022



<image recadrée>



<image recadrée>



<image recadrée>



Dans les regains
Boujailles (Haut-Doubs)
mercredi 20 juillet 2022



Boujailles (Haut-Doubs)
mercredi 20 juillet 2022



Les foins
Au loin le village et l'église de :

Boujailles (Haut-Doubs)
dimanche 19 juin 2022
<image prise au Samsung A50 - 16/9ème>

Les foins : site sur lequel nous avons observé les Hermines...
Boujailles (Haut-Doubs)
dimanche 19 juin 2022
<image prise au Samsung A50 - 16/9ème>



Pour revoir d'autres images d'Hermine, en hiver
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[numéro 811]
(2022 - 11)


Hermine du Champ-Margot, Courvières, Haut-Doubs - février et mars 2022

Texte : A vol d'oiseau - Craig JOHNSON

et un article sur la Margotte

Musique :  The relics of Nihlux - The Wise Man's Fear

mardi 15
mars
2022



Suggestion de lecture :

" 1

Dans le cercle flou de la lentille, la silhouette bougeait à peine, sans tête.

Une portion de peau zoomée à contre-jour.

Ce corps, d’une année sur l’autre, avait changé, peu à peu, sous les vêtements. Et maintenant il explosait, dans les jumelles, dans l’été.

De loin, l’œil grignotait les détails: la bride du maillot, le triangle du bas, un filament d’algue sur la hanche. Les muscles tendus au-dessus du genou, la courbe du mollet, la cheville où le sable colle. L’œil s’ouvrait plus grand, devenait rouge, à sonder cette lentille.

Le corps adolescent bondit hors champ et se jeta dans l’eau.

Un instant après, objectif repositionné, mise au point faite, il reparut, avec cette chevelure blonde magnifique. Et ce rire si violent que même à cette distance, même juste à le voir, ça t’électrisait. Comme si tu y pénétrais réellement, entre ces dents blanches. Et les fossettes sur les joues, et la cavité entre les omoplates, et le creux du nombril et tout le reste.

Elle s’amusait comme à son âge, ignorant qu’on l’observait. Sa bouche était ouverte. Qu’est-ce qu’elle peut bien dire? Et à qui? Elle piqua une tête dans une vague, émergea de l’eau, le soutien-gorge tout de travers. Une piqûre de moustique sur l’épaule. La pupille de l’homme se rétrécissait, se dilatait, comme sous l’effet d’une drogue.

Enrico regardait sa fille, tellement plus forte que lui. Du balcon, après le déjeuner, quand il n’était pas d’équipe chez Lucchini, il espionnait Francesca. Il la suivait, l’observait, à travers les lentilles de ses jumelles de pêche. Francesca trottinait avec sa copine Anna sur le sable mouillé, elles se poursuivaient, se touchaient, s’attrapaient par les cheveux, et lui, là-haut, figé, il transpirait, son cigare toscan à la main. Lui, le géant, en débardeur ruisselant de sueur, l’œil écarquillé, planté là dans la chaleur effroyable.

Il la surveillait, comme il disait, depuis qu’elle s’était mise à aller à la plage avec certains individus, des garçons plus âgés qui ne lui inspiraient aucune confiance. Ils fumaient, et des pétards aussi, sûrement. Quand il en parlait à sa femme, de ces marginaux que fréquentait sa fille, il se mettait à crier comme un malade. Ils fument des pétards, ils prennent de la cocaïne, ils revendent des médocs, sûrement qu’ils veulent s’envoyer ma fille! Ça, il ne le disait pas explicitement. Il tapait du poing sur la table ou dans le mur.

Mais l’habitude d’espionner Francesca, il l’avait prise avant: depuis que le corps de sa petite s’était comme débarrassé de ses écailles pour acquérir peu à peu une peau et une odeur précises, nouvelles, primitives peut-être. Tout à coup, de la petite Francesca, avaient jailli un petit cul et une paire de nichons insolents. Le bassin s’était cambré, dessinant les galbes du buste et du ventre. De tout ça, il était le père.

En ce moment il regardait sa fille se démener au bout de ses jumelles, se jeter en avant de toutes ses forces pour attraper un ballon. Ses cheveux trempés qui collaient à son dos et ses hanches, sa peau incrustée de sel.

Les ados jouaient au volley en cercle, autour d’elle. Elle, Francesca, tout élan et mouvement, dans un même et unique tumulte de cris et d’éclaboussures à la lisière de l’eau. Mais Enrico ne s’intéressait pas au jeu. Enrico pensait au maillot de sa fille: nom de Dieu, on voit tout. Ça devrait être interdit, des maillots pareils. Si un seul de ces salauds se hasarde à me la tripoter, je descends sur la plage avec ma matraque.

«Qu’est-ce que tu fais?»

Enrico se retourna vers sa femme qui, debout au milieu de la cuisine, le regardait avec une expression mortifiée. Oui, Rosa se sentait mortifiée, diminuée, de voir son mari ainsi, les jumelles à la main à trois heures de l’après-midi.

«Je surveille ma fille, si tu permets.»

Ça n’était pas toujours facile non plus de soutenir le regard de cette femme. L’accusation constante, plantée là, dans les yeux de son épouse.

Enrico fronça les sourcils, avala sa salive.

«C’est le minimum quand même…

Tu es ridicule», siffla-t-elle.

Il regarda Rosa, comme un objet qui vous encombre et vous met en rogne, pas plus.

«Tu trouves ridicule de garder un œil sur ma fille, par les temps qui courent ? Tu vois pas avec qui elle traîne à la plage? C’est qui, ces types, hein ?»

Cet homme-là, quand il sortait de ses gonds – et c’était souvent –, son visage se congestionnait, les veines de son cou gonflaient à faire peur.

Il n’avait pas autant de colère en lui, à vingt ans, avant de se laisser pousser la barbe et de prendre tous ces kilos. C’était un beau garçon, qui venait d’être engagé chez Lucchini, et qui depuis l’enfance s’était forgé les muscles à travailler la terre. Il s’était transformé en géant dans les champs de tomates, et plus tard à pelleter le charbon. Un homme comme tant d’autres, monté de la campagne à la ville, son baluchon sur l’épaule.

« Tu vois pas ce qu’elle fait, à son âge… Et comment elle est fagotée, merde ! »

Ensuite, avec les années, il avait changé. Jour après jour, imperceptiblement. Ce géant qui n’avait jamais franchi les limites du Val di Cornia, qui n’avait jamais vu le moindre bout d’Italie, s’était comme gelé de l’intérieur.

« Réponds! Tu vois pas comment elle se promène, ta fille ? »

Rosa se contenta de serrer plus fort le torchon avec lequel elle venait d’essuyer les assiettes. Elle avait trente-trois ans, des mains abîmées, elle s’était laissée aller après son mariage. Sa beauté méridionale s’était noyée dans les lessives, sur le périmètre de ce carrelage frotté jour après jour depuis dix ans. Dans son silence, il y avait une dureté. Un de ces silences immobiles, prêts à l’attaque.

« C’est qui, ces types, hein ? Tu les connais ?

- Des braves garçons…

- Ah, alors tu les connais ! Et pourquoi tu me dis rien? Pourquoi dans cette maison on me dit jamais rien, hein ? Elle te cause à toi, Francesca ? Oui, évidemment, elle reste des heures à causer avec toi…»

Rosa jeta le torchon sur la table.

« Demande-toi donc plutôt, lâcha-t-elle, pourquoi elle te cause pas, à toi. »

Mais déjà il n’écoutait plus.
«
On me dit rien, à moi! On me dit jamais rien, nom de Dieu de merde ! »

Rosa se pencha sur la bassine d’eau sale. Il y avait des femmes de son âge, l’été, qui allaient encore dans les boîtes de nuit. Elle, elle n’y avait jamais mis les pieds.

« Et moi, je suis quoi ? Un con ? Tu me prends pour un con ? Elle se balade attifée comme une pute ! C’est comme ça que tu l’élèves, hein ? Bravo ! Mais moi, un de ces quatre…» Elle souleva la bassine et la vida dans l’évier du balcon, les yeux sur les grumeaux de crasse dans le tourbillon du siphon. Elle aurait voulu le voir crever là, écroulé par terre, agonisant.

« Et puis je vous emmerde, toi comme elle ! C’est pour quoi que je travaille ? Pour toi ? Pour cette traînée ? »

Après, lui rouler dessus avec la voiture, l’écrabouiller sur la chaussée, le réduire en bouillie, comme le ver de terre qu’il était. Francesca comprendrait. Le tuer. Si je n’étais pas tombée amoureuse, si j’avais cherché du travail, si j’étais partie il y a dix ans.

Enrico lui tourna le dos et appuya son corps gigantesque à la balustrade dans le soleil qui, à trois heures de l’après-midi, pèse comme l’acier et qui écrase tout. La plage, de l’autre côté de la rue, s’emplissait de parasols et de cris. Ça grouille de monde, se dit-il. Et il ralluma le mégot de cigare, éteint entre ses doigts. Des doigts rouges, trapus, calleux. Les doigts d’un ouvrier qui ne met jamais de gants, même pour jauger la température de la fonte.

D’un côté, il y avait la mer, envahie par les ados en cette heure étouffante. De l’autre, le museau plat des barres d’immeubles. Et tous les stores baissés le long de la rue déserte. Les scooters encombraient les trottoirs, garés n’importe comment, chacun avec son autocollant, et des inscriptions au marqueur : Francesca, je t’aime.

La mer et le mur des barres d’immeubles, le soleil brûlant de juin, c’était comme la vie et la mort qui s’insultent. Pas de doute : vue de l’extérieur, pour ceux qui n’y habitaient pas, la via Stalingrado c’était une désolation. Pire : la misère..."

Silvia AVALLONE - D'Acier



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