Le Trochiscanthe nodiflore [TN]

n°827 (2022-27)

mardi 5 juillet 2022

"Lettre hebdomadaire" du site "Rencontres Sauvages"
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GF Haendel - Radamisto HWV 12
Ombra cara di mia sposa

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Regards croisés :
Lièvre et Renard

Courvières (Haut-Doubs)
juin 2022



Lièvre assis
Courvières (Haut-Doubs)
samedi 4 juin 2022


Lièvre assis
Courvières (Haut-Doubs)
samedi 4 juin 2022



Le renard passe...
Courvières (Haut-Doubs)
samedi 4 juin 2022



Renardeau couché (une petite femelle)
Courvières (Haut-Doubs)
lundi 6 juin 2022

Renardeau couché
Courvières (Haut-Doubs)
lundi 6 juin 2022

Renardeau assis
Courvières (Haut-Doubs)
lundi 6 juin 2022

Courvières (Haut-Doubs)
lundi 6 juin 2022

Courvières (Haut-Doubs)
lundi 6 juin 2022




Renardeau se grattant
Courvières (Haut-Doubs)
lundi 6 juin 2022

Sieste
Courvières (Haut-Doubs)
lundi 6 juin 2022



Vue sur l'église de Courvières, à partir de l'affût.

Courvières (Haut-Doubs)
lundi 6 juin 2022



Un second Renardeau
Courvières (Haut-Doubs)
lundi 6 juin 2022



Avant de quitter l'affût...
Courvières (Haut-Doubs)
lundi 6 juin 2022



Dans l'ombre...
Courvières (Haut-Doubs)
vendredi 10 juin 2022



Au soleil...
Courvières (Haut-Doubs)
vendredi 10 juin 2022



Assis
Courvières (Haut-Doubs)
vendredi 10 juin 2022



Courvières (Haut-Doubs)
samedi 18 juin 2022



Dans les foins, un Renard adulte près d'une Grive...
Boujailles (Haut-Doubs)
samedi 11 juin 2022



Renard adulte
Boujailles (Haut-Doubs)
samedi 11 juin 2022



Renard adulte
Boujailles (Haut-Doubs)
samedi 11 juin 2022



Le "Corbeau et le Renard"
Boujailles (Haut-Doubs)
vendredi 17 juin 2022




Boujailles (Haut-Doubs)
vendredi 17 juin 2022





Sieste à l'ombre
Boujailles (Haut-Doubs)
vendredi 17 juin 2022







Lièvre au repos
Boujailles (Haut-Doubs)
vendredi 17 juin 2022




Suggestion de lecture :

"9

Dès qu'ils franchirent les portes du village shawnee, ils furent accueillis par une horde de guérisseurs. Les sorciers étaient au nombre de six, entièrement nus à l'exeption d'un diadème de plumes de geai autour de la tête. Le corps luisant de graisse d'ours, ils vibraient de tout leur être et bêlaient des chants et des prières en l'honneur des trois braves qui s'avançaient parmi eux avec l'homme blanc et, avec leurs grands cris au milieu de l'haleine fumante des chevaux, ils étaient comme des encensoirs de bronze agités dans la lumière crue, et certains jouaient d'étranges vibratos sur des flûtes façonnées à partir de baculums de ratons laveurs, de sorte que l'arrivée des guerriers fut annoncée par un tumulte sonore et strident.

Elijah, qui n'avait jamais vu ne fût-ce qu'un seul chaman, agrippa ses rênes à en faire craquer le cuir. Il espérait que cette apparition émergeait du vertige causé par le manque de laudanum, mais quand un des chamans s'avança pour lui asséner une claque sur la cuisse, il sut que ce n'était pas une vision. Il n'avait pas encore esquissé un geste que l'homme avait détalé, brandissant la main de l'offense comme un trophée en rejoignant ses compagnons, et l'audace du coup provoqua un tel raffut que les braves escortant Elijah durent aboyer à l'adresse de la foule que l'homme blanc n'était pas un prisonnier, mais porteur d'un cadeau pour le chef Black Tooth.

A ces mots, les chamans se turent. Dans le silence revenu, seul le glapissement des chiens et des enfants se fit entendre.

Les trois braves conduisirent Elijah jusqu'à un totem dégarni au centre du village où ils descendirent de selle et attachèrent leurs montures. Pour la première fois, Elijah prit la mesure de la taille des lieux. Bien plus vaste que les campements indiens qu'il avait pu voir, le village couvrait un périmètre de plus de huit hectares, clôturé par une haie de branches épineuses et de rondins de chêne entrelacés. A l'intérieur de l'enceinte, une série de huttes et de maisons longues s'étendait en enfilade et les Shawnees l'observaient depuis l'obscurité des embrasures avec des visages glabres comme des pots de terre cuite, leur souffle foisonnant dans l'air hostile. Alors que la rumeur disait la tribu du chef Black Tooth affamée, ces gens-là avaient l'air en pleine santé, robustes et bien nourris, et, s'ils souffraient, il souffraient en silence. La seule richesse à tirer de la douleur, si richesse il y avait, était une capacité à supporter une douleur plus grande. Enfin, c'était ce qu'Elijah avait entendu Otha dire un jour.

Les braves le conduisirent au seuil d'une maison longue et le poussèrent à l'intérieur. Il se baissa sous le linteau de pin pour pénétrer dans une salle sombre emplie de l'odeur d'écorce de platane et de boue de rivière, derrière laquelle pointait un relent de quartier de viande. Au centre de la pièce brûlait un petit feu encerclé de pierres lisses. Malgré la faible lumière des flammes, Elijah sentait la présence de plusieurs Shawnees juste derrière le foyer, parmi les ombres enfumées, leurs corps aspirant et recrachant l'air musqué comme un seul être fomenté par le noir fécond et gratifié d'un bref instant de vie, qu'il endurait dans une implacable et muette indignation.

Le chef Black Tooth était assis devant le feu. A l'exception d'un pagne, il était nu. Ses deux tétons étaient percés d'alênes en os, auxquelles était suspendu un trio de plumes de hibou par des lanières de peau, et il portait autour du cou, sur un fil de boyau de cerf, le croc noir incurvé qui était l'origine à la fois de son nom et, selon les Shawnees, de son pouvoir. C'eût pu être une simple dent d'ours, mais Elijah savait que de nombreux Indiens croyaient le croc arraché à une bête qui n'appartenait plus à ce monde. Longtemps auparavant, disait la légende, le chef l'avait extirpé de la face d'une montagne. Un bruit d'orage avait roulé sous ses pieds, il avait tremblé de peur, mais il s'était hâté de retourner au village où un chaman rabougri lui avait appris à quelle espèce de bête la dent appartenait et lui avait expliqué que cette prise signifiait que le chef allait diriger son peuple pendant de longues années, mais qu'il serait le dernier des grands sachems.

Elijah trouvait l'histoire ridicule. Il n'était pas possible de trouver des os et des dents de bêtes qui n'existaient plus. Le monde n'était pas si vieux que ça.

Devant le chef, sur une bande de feutre de poils de cerf, reposaient un pistolet et un couteau en silex. Quand son fils Tomjay the Song lui présenta le fusil d'Elijah, le chef lui accorda à peine un regard avant de le poster à côté de la lame et du pistolet.

Il fit signe à Elijah de s'asseoir. Puis il lui offrit une carapace de tortue remplie d'eau, à laquelle Elijah but lentement.


Le chef s'adressa à lui en wyandotte. C'était une langue qu'Elijah ne connaissait pas et, quand il s'en ouvrit au vieux sagamore dans son algonquin hésitant, le vieil homme hocha la tête.

  • Tu es un des frères qui suivent les traces, dit Black Tooth, en l'examinant par-dessus les flammes chétives. On me dit que tu cherches la mère fertile des hommes blancs.

Elijah confirma ses dires.

  • Ce n'est pas bon que vous l'ayez perdue, dit le chef. (Il secoua la tête.) Pas bon pour ton peuple. Dis-moi, pourquoi pensais-tu la trouver ici ?

Elijah but de nouveau à la carapace. L'eau avait un petit goût de sel et semblait aspirer le sang de ses gencives.

  • Je me disais que vous aviez peut-être croisé son chemin, dit-il en passant sa langue sur ses dents.

Le chef tint sa main au-dessus du feu, faisant jaillir entre ses doigts des scirpes de fumée.

  • Quand j'ai entendu que tu m'avais apporté un cadeau, dit-il, j'ai pensé qu'il s'agissait de l'enfant blanc qui m'était dû, pas de ce fusil. (Il agita la main en direction de l'arme gisant par terre.) Quel usage penses-tu que je puisse avoir de ce genre d'objet ?

  • C'est une bonne arme, dit Elijah.

  • J'ai beaucoup de bonnes armes. Qu'a-t-elle de plus ?

Elijah passa son pouce sur le bord de la carapace.

  • ça ne fait jamais de mal d'en avoir plus, dit-il.

  • Es-tu en train de dire que je suis pauvre ?

  • Non. Seulement qu'un homme ne sait jamais ce qui l'attend et que l'abondance est une bénédiction divine.

Le vieux chef l'observa un moment, puis il tendit la main à travers les flammes pour lui prendre la carapace des mains.

  • A celui qui n'a pas, dit-il, on ôtera même ce qu'il a.

Elijah sourit.

  • Tu as parlé aux prêcheurs blancs, dit-il.

  • Ils ont leurs histoires. Nous avons les nôtres. Permets que je te raconte celle-ci. Il y avait un jour une femme shawnee qui était stérile. Bien qu'elle ne pût porter d'enfant, elle en nourrissait un grand désir, un désir qui brûlait d'autant plus fort qu'il ne pouvait être comblé. Nous avions peur qu'il lui fût fatal.

Le chef versa l'eau de la carapace par terre, puis il la posa sur ses genoux.

  • Un chaman proclama que si elle immolait une grande ourse femelle et portait sa peau sur elle, son ventre deviendrait fertile. Les sages de la tribu se réunirent en conseil pour en discuter. Jamais auparavant une femme n'avait été autorisée à tuer un ours et nous redoutions les conséquences d'une telle décision, mais la femme était l'épouse d'un des sages, qui déclara devoir apaiser sa peine afin de pouvoir à nouveau dormir avec elle. Et ainsi en fut-il décidé.

« On donna à la femme des graines de stramoine, après quoi elle jeûna cinq jours jusqu'à avoir une vision de l'endroit où l'ourse avait sa tanière. C'était une clairière où les fleurs colorées poussaient en quantité. Certaines étaient rouges, d'autres bleues, et il y avait aussi des boutons d'or, car c'était un lieu d'une grande beauté. Contemplant cela dans sa vision, la femme rompit son jeûne et se mit en route, seule avec l'arc de son mari. Elle voyage bien des nuits et bien des jours aussi. Elle finit par rejoindre le lieu qu'elle avait vu en songe, la clairière de fleurs colorées, et elle attendit la nuit pour guetter le retour de l'ourse.

« Lorsque la clairière fut plongée dans l'obscurité, l'ourse sortit de la forêt et la femme fut effrayée par cette créature gigantesque, peut-être la plus grande qui fût, mais elle n'en banda pas moins son arc pour faire voler la flèche qui allait prendre la vie de l'ourse, car c'était une flèche bénie qui la frappa en plein cœur et l'abattit presque sur-le-champ. Dans le clair de lune, la femme dépeça la femelle et, quand elle revint avec sa peau sur le dos, il y eut un tonnerre de joie, de grandes festivités et des chants à profusion. Nous étions convaincus, vois-tu, qu'elle avait trouvé un remède à sa souffrance.

Le chef remua les braises avec un bâton de noyer jusqu'à les faire rougeoyer.

  • Or, nous découvrîmes bien vite que la femme n'était plus elle-même, reprit-il en agitant le bâton pour faire tomber les cendres. Elle refusait d'enlever la peau d'ourse alors que les jours commençaient à se réchauffer à l'approche de l'été. Son mari se plaignait de la voir garder la peau même à l'heure du coucher, de sorte que son désir pour elle s'estompa bientôt. Après tout, quel homme peut souhaiter se coucher auprès d'une ourse ?

Les braves le long du mur rirent à ces mots et même le vieux chef eut un bref sourire avant de continuer son récit.

  • Tout cela aurait pu prendre l'allure d'une histoire amusante, dit-il, si la femme n'avait pas essayé de retirer la peau d'ourse un matin et découvert que c'était impossible.

Le chef remua de nouveau les braises, puis il posa la billette sur le côté.

  • Nous l'entendîmes hurler. Lorsque nous nous précipitâmes vers sa maison, son mari nous accueillit à la porte et nous expliqua que c'était la peau, que sa femme ne pouvait pas l'enlever, malgré ses nombreuses tentatives. Au début, nous n'en crûmes pas un mot. Mais quand nous le suivîmes à l'intérieur, nous vîmes qu'il en était ainsi, car la femme se roulait par terre en tirant sur le pelage noir. Elle implora notre aide et nous essayâmes tous de lui arracher la peau, mais nous eûmes beau nous acharner, rien n'y fit. Le mari finit par sortir son couteau. Mais quand il porta la lame à la peau d'ourse, le cuir se mit à saigner, la femme poussa un hurlement de douleur et nous sortîmes en courant, pris de peur devant ce nouveau démon surgi parmi nous.

« Pendant quatre jours, la femme poussa des cris de souffrance. Nos chamans ne pouvaient rien pour elle. Certains disaient que c'était la vengeance de l'ourse pour avoir été tuée par une femme, mais je ne le crois pas. Je pense que l'esprit de l'ourse voulait lui donner une leçon car elle avait désiré plus que ce qu'elle était en droit d'attendre.

Elijah remua sur ses talons. Il avait la bougeotte à force d'écouter les paroles du vieux chef sous le regard des braves tapis dans les ombres et ses pieds picotaient douloureusement dans ses bottes.

  • Je ne vois pas ce que tout ça a à voir avec moi, dit-il.

Le vieux chef lui lança un bref regard noir.

  • Tes oreilles sont pleines de ta propre voix, le sermonna-t-il. Tu ferais mieux d'écouter mon histoire avant de parler. La femme qui ne pouvait pas enlever la peau d'ourse fut mise à l'écart du reste du village. Pendant des mois, nous l'apercevions dans la forêt chaque fois que nous partions à la chasse. Nous savions que c'était elle car elle avait gardé son visage de femme, bien qu'elle eût commencé à marcher à quatre pattes. Peu à peu, des poils poussèrent sur ses joues et des griffes sur ses doigts et elle commença à prendre l'odeur d'une tanière. Elle s'était manifestement changée en ourse.

Black Tooth regarda les flammes lécher les bûches.

  • Il y a un prix à payer, dit-il, pour celui qui croit pouvoir changer les faveurs des dieux..."

Alex TAYLOR  - Le sang ne suffit pas



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