Le Trochiscanthe nodiflore [TN]

n°822 (2022-22)

mardi 31 mai 2022

"Lettre hebdomadaire" du site "Rencontres Sauvages"
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Jacques BREL - Je ne sais pas...

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Grèbe huppé...

Champ-Pittet, Yverdon (Suisse)
vendredi 20 mai 2022




<image prise avec le Samsung A50 16/9ème>



Nette Rousse
Champ-Pittet, Yverdon (Suisse)
vendredi 20 mai 2022



Grèbe huppé
Champ-Pittet, Yverdon (Suisse)
vendredi 20 mai 2022



<image prise avec le Samsung A50 16/9ème>



<image prise avec le Samsung A50 16/9ème>



<image prise avec le Samsung A50 16/9ème>



Portrait
Champ-Pittet, Yverdon (Suisse)
vendredi 20 mai 2022

Début de parade...
Champ-Pittet, Yverdon (Suisse)
vendredi 20 mai 2022

Construction du nid
Champ-Pittet, Yverdon (Suisse)
vendredi 20 mai 2022

Foulque macroule
Champ-Pittet, Yverdon (Suisse)
vendredi 20 mai 2022

Champ-Pittet, Yverdon (Suisse)
vendredi 20 mai 2022

Champ-Pittet, Yverdon (Suisse)
vendredi 20 mai 2022





Rousserolle sp.
Champ-Pittet, Yverdon (Suisse)
vendredi 20 mai 2022




Toilette
Champ-Pittet, Yverdon (Suisse)
vendredi 20 mai 2022



Combat
Champ-Pittet, Yverdon (Suisse)
vendredi 20 mai 2022



Champ-Pittet, Yverdon (Suisse)
vendredi 20 mai 2022



Canard colvert mâle
Champ-Pittet, Yverdon (Suisse)
vendredi 20 mai 2022



Lézard des murailles (femelle)
Champ-Pittet, Yverdon (Suisse)
vendredi 20 mai 2022



Sauge
Champ-Pittet, Yverdon (Suisse)
vendredi 20 mai 2022

Marguerite
Champ-Pittet, Yverdon (Suisse)
vendredi 20 mai 2022



Salsifis
Champ-Pittet, Yverdon (Suisse)
vendredi 20 mai 2022

Cornouiller sanguin
Champ-Pittet, Yverdon (Suisse)
vendredi 20 mai 2022





Suggestion de lecture :

" Prologue

Les conséquences


Lorsque l'on vient d'achever la construction d'un nouveau pont reliant deux Etats souverains des Etats-Unis, il y a discours. Il y a drapeaux, il y a fanfares, il y a rhétorique techno-industrielle amplifiée électroniquement.

Les gens attendent. Couvert de drapeaux, d'oriflammes et de banderoles fluorescentes, le pont est prêt.Tous attendent l'inauguration officielle, l'oraison finale, la coupure du ruban, l'arrivée des limousines. Peu importe qu'en réalité ce pont soit déjà en service depuis six mois.
Les files d'automobiles garées en bord de route s'étirent sur un kilomètre et demi au nord et sur un kilomètre et demi au sud, surveillées par les motards de la police d'État, hommes mornes et pondéreux, crissant dans leurs tenues de cuir, raidis par leur casque antiémeute, leur badge, leur lacrymo, leur matraque, leur radio. Fiers, rudes et sensibles défenseurs latéraux des riches et des puissants. Armés et dangereux.

Les gens attendent. Suant sous le soleil, rôtissant dans les automobiles qui brillent comme des scarabées sous le doux mugissement du soleil. Ce soleil du désert de l'Utah et de l'Arizona, cette infernale sphère de feu plasmique posée là dans le ciel. Cinq mille personnes qui bâillent dans leurs voitures, intimidées par les flics et mortellement bercées par les psalmodies des politiciens. Leurs gamins braillards se chamaillent à l'arrière, les glaces Frigid Queen fondent et dégoulinent sur les mentons, les coudes, créent des Jackson Pollock sur les radicaux monovalents de la sellerie pur skaï. Tous prennent leur mal en patience même si aucun n'en a suffisamment pour écouter les salades que déverse le puissant système de sonorisation.

Le pont lui-même est une arche d'acier simple, élégante et compacte, aussi concrète que l'énoncé d'une évidence, portant sur son dos un ruban d'asphalte, une voie piétonne, des rambardes, un éclairage de sécurité. Long de 120 mètres, il enjambe un défilé haut de 215 mètres. Le défilé de Glen Canyon. Tout en bas coule le Colorado, dompté, domestiqué à la sortie des boyaux du tout proche barrage de Glen Canyon. Jadis d'une belle teinte rouge et ocre qui lui valut son nom, le fleuve coule désormais vert, limpide et froid, couleur eau de glacier.

Formidable fleuve. Barrage plus formidable encore. Vu du pont, l'ouvrage présente une vertigineuse paroi concave de béton armé, implacable et mutique. Barrage à gravité, 800000 tonnes de solidarité solidement ancrées dans le grès navajo qui forme depuis cinquante millions d'années le lit et les murs du canyon. Bouchon, opercule, coin obèse fiché dans la pierre pour canaliser via des vannes et des turbines la force du fleuve hébété.
Fleuve jadis formidable et désormais fantôme. A 1500 kilomètres de là, vers l'aval, les âmes des mouettes et des pélicans volettent à l'aplomb du delta asséché. Les âmes des castors remontent le courant en se glissant, nez en avant, sous la surface dorée par l'ocre du limon. Les grands hérons allaient jadis se poser, pattes pendouillant, légers comme des moustiques, sur les bancs de sable de l'estuaire. Les tantales craquetaient dans les peupliers. Au fond des canyons, les cerfs en arpentaient les berges. Aigrettes neigeuses parmi les tamaris, et leurs plumes qui ondulent dans la brise du fleuve...

Les gens attendent. Le discours continue. Innombrables bouches rondes, discours unique, et presque pas un seul mot intelligible. On dirait qu'il y a des fantômes dans les circuits. Les haut-parleurs noir anthracite qui se sont épanouis comme des fleurs sur les réverbères en cou d'oie, à neuf mètres du bitume, mugissent comme des Matiens. Un magma de sens, tout en couinements et caquétements de poltergeist technotroniques, phrases étranglées et cadences en fibrillation, persiste néanmoins à jaillir en rugissant de la sono pour porter haut et fort le beuglement creux de l'AUTORITE :


notre fier Etat de l'Utah [biiiiip!] heureux de la chance qui m'est m'offerte [schronk!] de participer à l'inauguration de ce superbe pont [biiiit!] nous relie à ce grand Etat qu'est l'Arizona, qui connait la plus forte croissance [yiiiiiiiiiinnnnnnng!] pour contribuer à promouvoir et garantir une croissance soutenue ainsi que le développement [rrokk ! Yokk ! Yiiinnng ! Niiiinnnnnnng!] ne pourrait me ravir davantage, monsieur le Gouverneur, que cette somptueuse occasion [rronk!] de nos deux Etats [blonk!] par ce barrage phénoménal...


Attente, attente. Loin dans la file de voitures, hors de portée de laïus et de vue de tout flic, un klaxon tonne. Et tonne encore. Son d'un unique klaxon qui tonne. Un motard en uniforme démarre sa Harley en râlant, et remonte la file. Le klaxon cesse.

Les Indiens aussi regardent et attendent. Assemblée sur un versant dominant la grand-route, côté Réserve du fleuve, une congrégation informelle de Navajos, Hopis, Utes et Païutes se prélasse à l'ombre de ses pick-up flambant neufs. Les hommes et les femmes boivent du Tokay, les essaims d'enfants boivent du Pepsi-Cola ; tous machonnent des sandwichs à la mayonnaise, enrobés de Kleenex, confectionnés dans du pain de mie Wonder, Rainbo ou Holsum. Nos nobles frères rouges ont les yeux fixés sur la cérémonie du pont, mais leurs oreilles et leurs cœurs sont avec Merle Haggard, Johny Paycheck et Tammy Wynette qui hurlent dans les enceintes des autoradios syntonisés sur la station K-A-O-S – Kaos ! Qui émet de Flagstaff, Arizona.

Les citoyens attendent ; contre les micros, dans le câblage hanté, via les haut-parleurs pourris, les voix officielles persistent à ronfler encore et encore. Millier d'humains blottis dans leurs automobiles, moteur au ralenti, chacun brûlant d'être le premier à se libérer pour franchir l'arche d'acier, rouler sur ce pont au tracé aérien qui enjambe si gracieusement le canyon, au-dessus du vide où volent les hirondelles.

Deux cent dix mètres de surplomb. Il est difficile de se représenter le sens d'une telle chute. Le fleuve coule et bouillonne entre les rocs si loin en bas que son rugissement est un soupir qu'une brise légère emporte lorsqu'il parvient en haut.

Le pont lui-même est dégagé, vide, à l'exception de la grappe de notables plantée juste au milieu, de la poignée de dignitaires agglutinés autour des microphones et de la barrière symbolique que forme un ruban rouge, blanc et bleu, tendu entre les deux rambardes. Les Cadillac noires sont garées aux deux bouts. Derrière les voitures officielles, des barrières en bois et des patrouilles de motards tiennent les masses à l'écart.

Loin au-delà du barrage, du réservoir, du fleuve et du pont, loin au-delà de la ville de Page, de la grand-route, des Indiens, des humains et de leurs chefs, s'étend le désert pourpre. Qui cuit sous le féroce soleil de juillet - la température au niveau du sol doit approcher les soixante-cinq degrés Celsius. Toutes les créatures sensées restent tapies à l'ombre ou laissent passer la chaleur du jour bien enterrées dans la relative fraîcheur du sous-sol immédiat. Aucun humain ne vit dans cette aridité rose. Il n'y a rien là qui arrête l'oeil, l'empêche de se projeter loin, toujours plus loin, sur des lieues et des lieues de roche et de sable jusqu'aux parois verticales de la butte, de la mesa, du plateau qui forme le trait d'horizon à quatre-vingts kilomètres de là. Rien ne pousse ici que de rares touffes de blackbrush et bouquets de cactus, avec, çà et là, un genévrier rachitique aux ramures torses et angoissées. Un peu de navet de prairie, un peu de liane à serpent. Rien d'autre. Rien ne bouge hormis un pâle tourbillon, une titubante petite tornade de poussière qui s'effondre en une ultime embardée contre une colonne de pierre. Rien n'est là pour observer cette fin hormis un vautour planant dans les thermiques à neuf cents mètres de haut.

S'il y avait quelqu'un pour l'observer, ce vautour semblerait seul dans l'immensité du ciel. Mais il ne l'est pas. Hors de vue des plus acérés des yeux humains, mais mutuellement invisibles, d'autres vautours attendent en planant paresseusement dans l'air chaud. Que l'un d'entre eux descende, ayant repéré quelque chose de mort ou de mourrant sur le sol, et tous les autres suivront, de toutes parts et de nulle part, pour s'assembler, cou courbé et yeux ombrés, autour du corps de l'être aimé.

Mais revenons au pont : flétris mais ferventes, les fanfares lycéennes unies de Kanab, Utah et Page, Arizona, se lancent maintenant dans une fougueuse interprétation de Shall We Gather at the River ?, suivie de notre Stars and Stripes Forever. Silence. Applaudissements polis, sifflets, hourras. La foule fatiguée sent que la fin est proche, que l'on va bientôt ouvrir le pont. Les gouverneurs de l'Arizona et de l'Utah s'avancent de nouveau, replets et joviaux, en chapeau de cow-boy et bottes pointues. Ils brandissent chacun une paire de ciseaux dorés géants qui éclate sous le soleil. Des ampoules de flashs superflus explosent, les caméras de télévision enregistrent l'histoire en train de se faire. Alors qu'ils s'approchent du ruban médian, un ouvrier surgit hors de la foule des spectateurs et se précipite pour y procéder à quelque réagencements de dernière minute sûrement aussi crucial qu'imperceptible. Il porte un casque de chantier jaune orné des décalcomanies emblématiques de sa classe : drapeau américain, tête de mort et fémurs croisés, Croix de Fer. Au dos de sa salopette crasseuse, cousu en lettres nettes, s'étale le slogan l'AMERIQUE : TU L'AIMES OU TU LA QUITTES. Une fois sa tâche finie, il se hâte de regagner sa juste et petite place parmi la foule.

Moment-clé. La populace se prépare à lâcher un cri de joie ou deux. Les conducteurs regagnent leur véhicule en toute hâte. Bruit de Grand Prix, moteurs qui vrombissent, compte-tours dans le rouge.

Mots de la fin. Un peu de silence, je vous prie.

- Allez-y, mon vieux. Coupez ce foutu truc.

- Moi ?

- Faites-le ensemble, s'il vous plaît.

- Je croyais que vous aviez dit...

- D'accord, j'ai pigé. Reculez-vous. ça va comme ça ?..."

Edward ABBEY - Le gang de la clef à molette



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