Le Trochiscanthe nodiflore [TN]
n°799 (2021-50)
mardi
21 décembre 2021
"Lettre hebdomadaire" du site "Rencontres
Sauvages"
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Buse variable Courvières (Haut-Doubs), Champ Margot dimanche 31 octobre 2021 Envol Courvières (Haut-Doubs), Champ Margot dimanche 31 octobre 2021 Champ Margot dimanche 31 octobre 2021
Buse variable, à travers les branches de mon pommier... Courvières (Haut-Doubs), Champ Margot dimanche 31 octobre 2021
Courvières (Haut-Doubs), Champ Margot dimanche 31 octobre 2021
Courvières (Haut-Doubs), Champ Margot dimanche 31 octobre 2021 Courvières (Haut-Doubs), Champ Margot dimanche 31 octobre 2021
Buse variable ébourriffée ! Courvières (Haut-Doubs), Champ Margot lundi 1 novembre 2021 Courvières
(Haut-Doubs), Courvières (Haut-Doubs), Champ Margot lundi 1 novembre 2021
Champ Margot mardi 2 novembre 2021
Soleil, l'après-midi
Courvières (Haut-Doubs), Champ Margot dimanche 7 novembre 2021
<image recadrée> Joyeux
Noël à tous !
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mardi 19
octobre 2021 |
I Ces bâtiments qui font voile Suivent chacun leur étoile Et leur dessein ; Et l'eau bat toutes les proues, Et l'air souffle à pleines joues Sur cet essaim. Ils se dispersent sur l'onde. Ils vont ; ils jettent la sonde Au flot félon ; Ils ont leur carte et leurs règles ; Ils vont où vont les quatre aigles De l'aquilon. — Je pars, dit le capitaine, Pour Gibraltar, pour Athène, Pour Tafilet. — Nous partons, disent les mousses, Pour Malte où les nuits sont douces Comme le lait. — Nous partons, dit le pilote, Pour l'Inde où la jonque flotte, Pour Tétuan, Pour Chypre, île aux belles femmes... — Et pour le pays des âmes, Dit l'océan. La création aveugle Hurle, glapit, grince et beugle ; Mais, sous sa main, L'homme la dompte et la brise ; La forêt grondante est prise Au piége humain. Le tigre au Jardin des plantes Passe ses pattes tremblantes Par les barreaux ; Toute bête est terrassée Par l'amour et la pensée, Ces deux héros. Tous deux ont le diadème. Ces dompteurs, que l'enfer même Jadis craignait. Rois de tous les esclavages, Tiennent les choses sauvages Dans leur poignet. Le fier taureau d'Asturie, Qui marchait dans sa furie Sans dévier, Lui plus noir que l'eau marine, Un anneau dans la narine, Suit un bouvier. Ce grand monstre, la nature, Qui vivait à l'aventure, N'écoutant rien, Ouvrant sur l'homme qui souffre Toutes les gueules du gouffre, N'est plus qu'un chien. L'homme s'accroît et se hausse. Nul ne sait ce qu'en sa fosse, Loin du ciel bleu, Voyant qu'il faut qu'il y dorme, Le lion, forçat énorme, Reproche à Dieu. Persée étouffe Gorgone, Marthe écrase la dragone Aux yeux ardents. Visconti, vêtu de cuivre, D'un coup de poing, à la guivre Casse les dents. Béhémot craint l'homme blême. Le boa, n'ouvrant pas même L'œil à demi, N'est plus, lui serpent superbe, Qu'un tronc d'arbre qui dans l'herbe S'est endormi. Le jaguar tourne en sa cage. Le morse en un marécage Croupit muré. La chanson du pâtre attire Hors des branches le satyre Tout effaré. Depuis Hercule et Thésée, Teb à la lance aiguisée, Bellérophon, Icare qui nomme un golfe, Hermès sur le sphinx, Astolphe Sur le griffon, Il n'est pas au monde un être Qui ne reconnaisse un maître ; Tout est dompté. La conquête se consomme ; L'ombre voit au front de l'homme Une clarté. Le lynx s'abat sur le ventre Quand la ménade en son antre Chante paean ; On prend l'aigle dans son aire... — Où donc est mon belluaire ? Dit l'océan. Et l'océan fauve ajoute : — Je ne suis pas une route. Que me veut-on ? Je te hais, flambeau sublime, Que Colomb sur mon abîme Passe à Fulton. J'ai ma vague, Etna se lave. Etna n'est pas un esclave. Ni moi non plus. J'ai pour reine et pour captive La sombre terre attentive À mon reflux. Je ne suis pas fait pour être, Comme le sentier champêtre, Plein de vivants ; Je suis l'Onde en sa tanière, Que prennent à la crinière Les quatre vents ! Je suis le noir gouffre inculte ; Je donne, en mon fier tumulte, Où rien ne ment, Pour maître aux flots sourds l'air libre, Et pour base à l'équilibre Le tremblement. Rien n'arrête et ne dirige Mon formidable quadrige, Que les typhons Traînent, et qui, de la Perse Jusqu'aux Hébrides, disperse Ses bruits profonds. Je suis la vaste mêlée, Reptile, étant l'onde, ailée, Étant le vent ; Force et fuite, haine et vie, Houle immense, poursuivie Et poursuivant. Je suis, dans l'ombre étoilée, La figure échevelée De l'inconnu ; Ma vague, qu'Éole augmente, Est, quand il lui plaît, charmante Comme un sein nu. Je ne suis pas votre auberge, Je suis la tempête vierge Qui peut briser Caps et rochers comme verre, À qui parfois le tonnerre Prend un baiser. Je m'appelle solitude, Je m'appelle inquiétude, Et mon roulis Couvre à jamais des navires, Des voix, des chansons, des rires, Ensevelis. Je suis funeste et salubre. Je suis le fileur lugubre Des noirs vallons Que l'orage sans fin mouille, Et qui file à sa quenouille Les aquilons. Je suis, dans l'écume en poudre, Le combattant de la foudre, L'hydre titan. Je suis sans forme et sans nombre. Venez, les vents, l'horreur, l'ombre. Homme, va-t'en. Je suis souffle, éclair et lame. Je prends volontiers leur âme Aux curieux. Je suis le triple Cerbère Dont le regard réverbère Dieu furieux. J'ai plus de nuit que la tombe. Léviathan dans ma trombe N'est plus qu'un ver ; Tout tremble sur mon épaule. Je lie au poteau du pôle Le spectre hiver. Homme, la terre est ta mère. Cherche ton bien éphémère Dans ses douleurs ; Broie, arrache, brûle, embrasse. Perce des chemins. Écrase Ce tas de fleurs ! La plaine, quand on la ferre, Obéit, et laisse faire L'homme ennemi. La terre est une imbécile ; Et la montagne est docile À la fourmi. Les Alpes sont des géantes Terribles, fauves, béantes, L'orage au cou ; L'homme rit des monts féroces, Et, taupe, sous les colosses, Il fait son trou. Moi, je ne suis pas la rue. J'ai pour roue et pour charrue Le tourbillon ; Je bondis, c'est ma manière ; Je n'accepte pas l'ornière Ni le sillon. J'écume à flots sur ma grève, Va-t'en. Ne viens pas, fils d'Ève, Frêle rival, Sauter sur mon dos farouche Et mettre un mors à la bouche De mon cheval. Ma plaine est la grande plaine ; Mon souffle est la grande haleine Je suis terreur ; J'ai tous les vents de la terre Pour passants et le mystère Pour laboureur. Le météore en ma houle Tombe, la nuée y croule En rugissant ; L'écueil, écumant monarque, À qui je donne la barque, Me rend le sang ; L'aurore avec épouvante Regarde mon eau vivante, Mes rocs ouverts, Mes colères, mes batailles, Et les glissements d'écailles Sous mes flots verts. Vénus m'apporte son globe. Je lui relève sa robe Jusqu'au genou. Le zéphyr des moissons blondes, S'il se risque sur mes ondes, Y devient fou. Un jour l'orage des plaines Vint chez moi sur mes baleines Lancer ses traits ; Mais j'ai, d'un seul cri de rage, Chassé ce canard sauvage Dans vos marais ! Quand il vit dans ma caverne Se sauver l'hydre de Lerne, Mon compagnon Typhon dit : Cela nous souille, Gardons-nous cette grenouille ? Et j'ai dit Non ! Si je faisais une rose, Moi, gouffre en qui toute chose S'ébauche et vit, Le soleil, flambeau fidèle, Se lèverait auprès d'elle Sans qu'on le vît. Hommes, vous rêvez de croire Que vous vaincrez mon eau noire, Aux fiers bouillons, Ma vague aux mille étincelles, En pendant à des ficelles Quelques haillons ! C'est donc là votre navire ! Une écorce qui chavire Sous tout climat ! Cette épingle qui m'éraille, C'est l'ancre, et ce brin de paille, C'est le grand mât ! Ces quatre planches mal jointes Se déchireront aux pointes Du moindre écueil. L'homme au front triste, aux mains blanches, Ne sait clouer que les planches De son cercueil. Quoi ! je serais si candide ! Porter sur mon dos splendide Votre wagon ! Dans mon azur sans limite Voir fumer votre marmite, Moi le dragon ! Quoi ! lui chez moi ! l'homme ! Il entre ! Sachez que devant mon antre, Qu'emplit la nuit, Le sage lion s'arrête, Et qu'en voyant ma tempête L'aigle s'enfuit ! Votre présence m'outrage. Dieu fit mon immense orage Mystérieux Et mes flots pleins de désastres, Pour être vus par ses astres, Non par vos yeux. Homme, ta marche est peu droite ; Ton commerce avide exploite Les flots mouvants ; L'âpre soif de l'or t'anime ; Je donne pour rien l'abîme, Toi, tu le vends. Ne viens pas chez moi, te dis-je. Ne mêle pas au prodige Tes vils chemins. Crains mes fureurs justicières ! Ah ! vous frémiriez, poussières, Pâles humains, Si vous entendiez les choses Que nous tous, les vents moroses Et les saisons, L'air qui souffle et l'eau qui tremble, Quand nous sommes seuls ensemble, Nous nous disons ! Devant votre crépuscule Mon sombre horizon recule ; Vous m'insultez ! Genre humain, foule confuse, L'ombre éternelle refuse Vos nouveautés. Elle refuse vos phares, Vos boussoles, vos fanfares, Vos noirs vaisseaux, Et, quand passe votre flotte, Indignée, elle sanglote Au fond des eaux. Allez-vous-en ! Je devine Qu'on rêve une ère divine Fin des fléaux. On court sur l'onde aplanie. On m'emploie à l'harmonie ! Moi, le chaos ! C'est la paix qui se prépare. Je n'en veux point. Je sépare. Je n'unis pas. Je brise à coups de nageoires Et je broie en mes mâchoires Votre compas ! L'homme doit courber sa tête Sous la guerre et la tempête Et le volcan. La terre, c'est la géhenne. Que chacun garde sa haine Et son carcan. Tu n'es pas même un fantôme ! Monstre pour l'archange, atome Pour le titan, Rien pour l'espace et le nombre ! L'homme n'est qu'une pénombre ; L'ombre est Satan. Être mauvais, c'est ta peine. Sois mauvais. Ta race traîne L'anneau de fer. Nous sommes tous la souffrance ; Et l'hirondelle espérance Fuit notre hiver. Sache que nous, et ces mondes Qu'on voit, dans nos nuits immondes, Au firmament, Nous habitons l'insondable, L'extrémité formidable Du châtiment. Notre nuit est si fatale Que si la pitié, vestale Chère aux élus, Disait : Où donc est ce monde ? J'ai peur que Dieu ne réponde : Je ne sais plus ! Donc subissez la loi dure. Endurez ce que j'endure, L'isolement ; Et soyez, dans votre bouge, L'un pour l'autre le fer rouge, Et non l'aimant. N'essayez pas, dans ma sphère, D'être frères, et de faire, Dans ce tombeau, Quand tout à l'ombre ressemble, De vos esprits mis ensemble Un grand flambeau, Les hommes deviendraient anges ! Je ne veux pas de mésanges, Moi, maintenant ! Je veux le glaive et le glaive. Vivez comme dans un rêve, Tas frissonnant ! Faites comme ont fait vos pères, Et crénelez vos repaires. Abhorrez-vous. Barricadez vos Sodomes. Dévorez-vous. Soyez hommes Et restez loups. Que l'Écosse ait sa claymore, Le juif sa rage, et le more Son yatagan ; Que chacun reste en sa ville ; Et qu'on me laisse tranquille Dans l'ouragan. II Et l'homme dit : — Mer affreuse, Que le char des foudres creuse Sous son essieu, Tais-toi dans ton ossuaire. Tu cherches ton belluaire ? Gouffre, c'est Dieu ! Écoute-moi. La loi change. Je vois poindre aux cieux l'archange ! L'esprit du ciel M'a crié sur la montagne : « Tout enfer s'éteint ; nul bagne N'est éternel. » Je ne hais plus, mer profonde. J'aime. J enseigne, je fonde. Laisse passer. Satan meurt, un autre empire Naît, et la morsure expire Dans un baiser. Tu ne dois plus dire : arrière ! Tu n'es plus une barrière, Dragon marin. Sers l'avenir ! porte l'arche. Rien n'arrête l'homme en marche Vers Dieu serein. Rien ! pas même toi, chimère, Monstre de l'écume amère, Géant puni, Toi qui, seul dans ta nuit sombre, As fait ton onde avec l'ombre De l'infini ! Je vais ! je suis le prophète. À la houle stupéfaite Je dis mon nom. La trombe accourt ; ma pensée Fait rentrer cette insensée Au cabanon. L'esprit de l'homme, lumière, Domptant la nature entière, Onde ou volcan, Plonge sa clarté sacrée Dans la prunelle effarée De l'ouragan. Pour qu'à nos pas on se range, Nous n'avons qu'à dire à l'ange Comme aux démons, Qu'à dire aux torrents de soufre, Et qu'à te dire à toi, gouffre : Nous nous aimons ! L'amour, c'est la loi suprême. L'amour te vaincra toi-même. Ton bruit est vain. Pour que, caressant ta grève, Ton hymne d'enfer s'achève En chant divin, Pour que ton hurlement tombe Il suffit que la colombe Qui vient le soir, Ô sombre gouffre d'écume, Laisse tomber une plume Sur ton flot noir. L'amour, c'est le fond de l'homme. L'amour, c'est l'antique pomme Qu'Ève cueillit. L'ombre passe, l'amour reste. Il est astre au dais céleste, Perle en ton lit. Nos inventions nouvelles Prendront à tes vents des ailes ; Dieu nous sourit ; Nous monterons sur ta rage, Nous attellerons l'orage À notre esprit. Oui, malgré tes chocs sauvages, Nous lierons tes deux rivages D'un trait de feu ; L'avenir aura deux Romes, Et, près de celle des hommes, Celle de Dieu. L'avenir aura deux temples, Deux lumières, deux exemples, Un double hymen, La liberté, force et verbe, L'unité, portant la gerbe Du genre humain. Tais-toi, mer ! Les cœurs s'appellent ; Les fils de Caïn se mêlent Aux fils d'Abel ; L'homme, que Dieu mène et juge, Bâtira sur toi, déluge, Une Babel. À cette Babel morale Aboutira la spirale Des deux Sions, Où sans cesse recommence Le fourmillement immense Des nations ; Et tu verras sans colère, Du tropique au flot polaire Dieu te calmant, Au-dessus de l'eau sonore, Se construire dans l'aurore Superbement Les progrès et les idées, Pont de cent mille coudées Que rien ne rompt, Et sur tes sombres marées Ces arches démesurées Resplendiront.
Victor HUGO - Océan
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