Le Trochiscanthe nodiflore [TN]
n°797 (2021-48)
mardi
7 décembre 2021
"Lettre hebdomadaire" du site "Rencontres
Sauvages"
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Présentation de la
"Margotte" Salle d'exposition de photographies à Courvières (Haut-Doubs), 12 route de Salins Pour regarder et écouter,
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Pinson du nord mâle Courvières (Haut-Doubs) mardi 2 novembre 2021 Courvières (Haut-Doubs) mardi 2 novembre 2021 Chardonneret élégant sur une Cardère Courvières (Haut-Doubs) samedi 6 novembre 2021
Courvières (Haut-Doubs) samedi 6 novembre 2021
<image recadrée>
Courvières (Haut-Doubs) dimanche 7 novembre 2021
Pinson du nord mâle Courvières (Haut-Doubs) dimanche 7 novembre 2021
Pinson du nord mâle Courvières (Haut-Doubs) dimanche 7 novembre 2021
Courvières (Haut-Doubs) vendredi 12 novembre 2021
Pinson des arbres
mâle, dans la neige Pinson des arbres femelle Pontarlier (Haut-Doubs) dimanche 7 novembre 2021
Pinson du nord
mâle
Courvières (Haut-Doubs) dimanche 7 novembre 2021 |
"Le conte de la chute de Gondolin
Alors dit Petitcoeur fils de Bronweg : « Sachez donc que Tuor était un homme qui demeurait en des jours très anciens en cette terre du Nord nommée Dor-lomin ou le Pays des Ombres, et parmi les Eldar ce sont les Noldoli qui le connaissent le mieux. Or le peuple dont Tuor provenait errait parmi les forêts et les landes et ne connaissait ni ne chantait la mer ; mais Tuor ne demeurait point avec eux, et il vivait seul auprès de ce lac appelé Mithrim, chassant dans ses bois, faisant de la musique auprès de ses rives sur sa harpe grossière de bois et de tendons d'ours. Or de nombreuses personnes entendant parler du pouvoir de ses chansons rudes vinrent de près et de loin écouter son jeu de harpe, mais Tuor laissa son chant et s'en fut vers des lieux solitaires. Là il apprit nombre de choses étranges et acquit du savoir des Noldoli errants, qui lui enseignèrent beaucoup de leur langage et de leur science, mais ce ne fut point sa destinée que de vivre à jamais dans ces bois. Par la suite on dit que la magie et la destinée le menèrent un jour à une ouverture caverneuse par laquelle une rivière cachée descendait du Mithrim. Et Tuor pénétra dans cette caverne à la recherche de son secret, mais les eaux du Mithrim le poussèrent en avant dans le cœur du rocher et il ne put regagner le jour. Et ceci, dit-on, fut la volonté d'Ulmo Seigneur des Eaux à l'incitation duquel les Noldoli tracèrent cette voie secrète. Alors vinrent les Noldoli à Tuor et ils le guidèrent le long de passages obscurs parmi les montagnes jusqu'à ce qu'il sortît à nouveau à la lumière du soleil, et il vit que la rivière se précipitait dans un ravin d'une grande profondeur dont on ne pouvait escalader les bords. Or Tuor ne désirait plus s'en retourner mais allait toujours de l'avant, et la rivière allait toujours vers l'ouest. Le soleil se leva dans son dos et vint se places devant son visage, et là où l'eau écumait parmi maints rochers ou tombait en cascades parfois des arc-en-ciel se tissaient au travers du ravin, mais au soir ses bordures lisses luisaient dans le soleil couchant, et pour ces raisons Tuor l'appela la Faille Dorée ou bien le Couloir au Toit Arc-en-ciel, qui est dans le langage des Gnomes Glorfalc ou Cris Ilbranteloth. Or Tuor voyagea en cet endroit durant trois jours, buvant les eaux de la rivière secrète et se nourrissant de ses poissons ; et ceux-ci étaient d'or et de bleu et d'argent et d'une multiplicité de formes merveilleuses. A la fin le ravin s'élargit, et toujours comme il s'ouvrait ses pentes se faisaient plus basses et plus découpées, et le lit de la rivière d'autant plus obstrué de rochers sur lesquels les eaux écumaient et se brisaient. Durant de longues heures Tuor s'asseyait et contemplait l'eau bouillonnante et écoutait sa voix, puis il se levait et bondissait en avant de pierre en pierre chantant comme il allait ; ou bien lorsque les étoiles apparaissaient dans le fin ruban de ciel au-dessus de la ravine il levait des échos pour répondre aux féroces pincements de sa harpe. Un jour après un grand voyage de fatiguant chemin, Tuor au soir entendit un cri, et il ne put décider de quelle créature il émanait. Tantôt disait-il : « C'est une créature magique », tantôt, « Non, ce n'est qu'une petite bête qui gémit parmi les rochers » ; ou encore il lui semblait qu'un oiseau inconnu sifflait à ses oreilles d'une voix nouvelle et étonnamment triste – et parce qu'il n'avait entendu la voix d'aucun oiseau pendant qu'il arpentait la Faille Dorée, le son le rendit heureux malgré son ton lugubre. Le jour suivant au cours du matin il entendit le même cri au-dessus de sa tête, et levant les yeux il avisa trois grands oiseaux remontant la ravine à grands battements d'ailes, et lançant des cris pareils à ceux qu'il avait entendus dans le crépuscule. Or ceux-ci étaient des mouettes, les oiseaux d'Ossë. Dans cette partie du cours de la rivière se trouvaient des îlots de rochers au milieu des courants, et des roches tombées sur les franges de sable blanc au bord de la ravine, rendant le chemin malaisé, et ayant cherché un temps Tuor trouva un endroit où il put enfin escalader les falaises. Là un vent frais vint sur son visage, et il dit : « Cela est très bon et comme boire du vin », mais il ne savait point qu'il était proche des confins de la Grande Mer. Comme il avançait surplombant les eaux, ce ravin se rétrécit à nouveau et les murailles s'élevèrent, de sorte qu'il marchait le long d'une haute crête de falaise, puis vint une embouchure étroite, et celle-ci était pleine de bruit. Alors Tuor baissa les yeux et vit la plus grande des merveilles, car il semblait qu'une crue d'eau furieuse désirait remonter ces passages étroits et couler à contre-courant de la rivière jusqu'à sa source, mais cette eau qui descendait du lointain Mithrim voulait avancer encore, et un mur d'eau s'éleva presque jusqu'au sommet de la falaise, et il était couronné d'écume et tordu par les vents. Alors les eaux du Mithrim furent vaincues et la crue montante balaya le chenal en rugissant et submergea les îlots rocheux et bouillonna dans le sable blanc – de sorte que Tuor pris de peur s'enfuit, lui qui ne connaissait pas les manières de la mer : mais les Ainur mirent en son cœur de grimper hors de la ravine, sans quoi il eût été submergé par la marée entrante, et celle-ci était féroce en raison d'un vent venu de l'ouest. Alors Tuor se retrouva dans un pays rude et dénué d'arbres, balayé par un vent qui provenait du couchant, et tous les buissons et broussailles penchaient vers l'aurore de par la prédominance de ce vent. Et ici durant un temps, il erra jusqu'à ce qu'il parvînt aux falaises noires qui bordaient la mer et qu'il vît l'océan et ses vagues pour la première fois, et en cette heure le soleil se coucha au-delà du bord de la Terre loin dans la mer, et il se dressa sur le sommet de la falaise les bras levés, et son cœur s'emplit d'une langueur immense. Or certains disent qu'il fut le premier des Hommes à atteindre la Mer et à la contempler et à connaître le désir qu'elle provoque ; mais je ne sais s'ils disent bien. En ces régions il installa sa demeure, habitant dans une anse abritée par de vastes rochers sable, dont le plancher était de sable blanc, sauf lorsque la crue haute le recouvrait d'eau bleue ; l'écume et la mousse n'y pénétraient qu'au temps des plus terribles tempêtes. Là pendant longtemps il séjourna seul et erra le long du rivage ou se rendit sur les rochers à marée basse, s'émerveillant devant les flaques et les grandes algues, les cavernes suintantes et les étranges oiseaux de mer qu'il vit et qu'il vint à connaître ; mais la montée et la redescente des eaux et la voix des vagues furent toujours pour lui la plus grande merveille et toujours cela lui semblait une chose nouvelle et inimaginable. Or sur les eaux calmes du Mithrim au-dessus desquelles portait loin la voix du canard ou bien de la poule d'eau il avait souvent voyagé à bord d'un petit bateau dont l'étrave était façonnée comme le cou d'un cygne, et il l'avait perdu le jour de sa découverte de la rivière secrète. Il ne s'aventurait pas encore sur la mer, bien que son cœur toujours l'encourageât avec une étrange langueur à le faire, et durant les calmes soirées lorsque le soleil descendait derrière le bord de la mer cela se transformait en un féroce désir. Il y avait du bois qui descendait la rivière cachée ; c'était du bon bois, car les Noldoli le taillaient dans les forêts du Dor-lomin et lui flottèrent à dessein. Mais pour l'instant il ne construisit rien d'autre qu'une demeure dans un lieu abrité de son anse, que les contes des Eldar appellent depuis Falsquil. Celle-ci, par lent labeur, il orna de belles sculptures des bêtes et des arbres et des fleurs et des oiseaux qu'il connaissait aux alentours du lac Mithrim, et parmi ceux-là le Cygne figurait toujours en premier, car Tuor aimait cet emblème et il devint ensuite son symbole pour lui-même, sa famille et son peuple. Il demeura là une très longue époque jusqu'à ce que la solitude de la mer désolée entrât en son cœur, et que même Tuor le solitaire se languît de la voix des Hommes. En cela les Ainur avaient un rôle ; car Ulmo aimait Tuor. Un matin alors qu'il jetait un regard le long du rivage – et c'était alors les derniers jours de l'été – Tuor vit trois cygnes qui volaient dans les hauteurs avec force depuis le nord. Or il n'avait vu aucun de ces oiseaux auparavant dans ces régions et il les reçut comme un présage, et dit : « Depuis longtemps mon cœur s'est décidé à faire un long voyage loin d'ici ; voici ! Maintenant enfin je vais suivre ces cygnes. » Et voici, les oiseaux se laissèrent tomber dans l'eau de son anse et là nagèrent trois tours et s'élevant prirent leur envol lentement vers le sud le long de la côte, et Tuor portant sa harpe et sa lance les suivit. Tuor mit derrière lui une grande journée de voyage ce jour-là ; et il parvint avant le soir en une région où les arbres apparaissaient à nouveau, et l'aspect du pays à travers lequel il voyageait maintenant différait grandement de ces rivages aux alentours de Falasquil. Là Tuor avait connu de vastes falaises parsemées de cavernes et d'immenses trous par où l'eau jaillissait, et des anses aux murs élevés, mais à partir des sommets des falaises une terre accidentée et plate s'étendait derrière, morne et désolée, jusqu'à ce qu'une bordure bleutée loin dans l'est parlât de lointaines collines. Or cependant il voyait un long rivage en pente et des étendues de sable, tandis que les collines lointaines s'avançaient toujours plus près de la marge de la mer, et leurs pentes obscures étaient revêtues de pins ou de sapins et à leurs pieds surgissaient des bouleaux et des chênes vénérables. Du pied des collines de frais torrents se déversaient par d'étroits abîmes et trouvaient ainsi les rivages et les vagues salées. Or Tuor ne pouvait sauter certaines de ces crevasses, et souvent le chemin était malaisé en ces lieux, mais il avançait encore quoique avec peine, car les cygnes toujours étaient devant lui, tantôt décrivant des cercles subits, tantôt filant de l'avant, mais sans jamais se poser, et le rythme de leurs ailes battant à toute force l'encourageait. On dit que de cette façon Tuor alla de l'avant pendant un grand nombre de jours, et que l'hiver avançait depuis le nord un peu plus rapidement que lui malgré toute son ardeur. Néanmoins il parvint sans avoir été blessé, ni par les bêtes, ni par les intempéries, à l'embouchure d'une rivière à l'époque du premier printemps. Or le pays était ici moins septentrional et plus doux qu'à l'issue de la Faille Dorée, de plus à cause d'une courbe de la côte, la mer se trouvait maintenant plutôt au sud qu'à l'ouest, comme le lui indiquaient le soleil et les étoiles ; mais il avait toujours gardé la mer à sa main droite. Cette rivière descendait un
chenal de bonne taille et sur ses berges se trouvaient des
terres riches : herbes et prés humides d'un côté et
pentes recouvertes d'arbres de l'autre ; ses eaux
rencontraient la mer avec torpeur et ne luttaient point
comme les eaux du Mithrim au nord. De longues langues de
terre s'étendaient en îles dans son lit, recouvertes de
roseaux et de buissons broussailleux, et plus loin des
jetées sablonneuses s'avançaient sur la mer ; et
celles-ci étaient les lieux bien-aimés d'une telle multitude
d'oiseaux, comme Tuor n'en avait encore jamais vu en aucun
endroit. Leurs trilles et leurs lamentations et leurs
sifflements emplissaient l'air ; et ici, parmi leurs
ailes blanches, Tuor perdit les trois cygnes de vue, et il
ne les revit plus..."
JRR TOLKIEN - La
chute de Gondolin
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