Le Trochiscanthe nodiflore [TN]
n°792 (2021-43)
mardi
2 novembre 2021
"Lettre hebdomadaire" du site "Rencontres
Sauvages"
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Moineau domestique mâle Courvières (Haut-Doubs) vendredi 6 août 2021 Courvières (Haut-Doubs) mercredi 18 août 2021
Moineau domestique
mâle
Moineau domestique
mâleCourvières (Haut-Doubs) samedi 11 septembre 2021 Courvières (Haut-Doubs) samedi 11 septembre 2021 Moineaux domestiques mâles Courvières (Haut-Doubs) samedi 11 septembre 2021 Mésange charbonnière Courvières (Haut-Doubs) samedi 11 septembre 2021
<image recadrée>
Courvières (Haut-Doubs) samedi 11 septembre 2021 "Le néo-naturaliste est un naturaliste de terrain qui pratique son art sans oublier qu'il est un animal, sans oublier que ceux sur qui il enquête sont bien plus que de la matière inerte réduite à des seules causes physicochimiques. Il ne cherche pas d'abord à épingler le spécimen par son nom latin mais à le restituer comme un cohabitant vivant pris dans des relations géopolitiques, des modus vivendi, des tissages intimes, avec nous et les autres. Le néo-naturaliste contemporain n'est pas nécessairement un savant de métier, c'est un amateur éclairé et discret qu'on peut aisément pister sur le Net : il partage dans des blogs obscurs son savoir diplomatique sur les alliances et les intimités des végétaux de son potager agroécologique, son savoir géopolitique sur les vivants qui cohabitent dans son jardin la nuit, et qu'il essaie de mieux connaître en posant de délicats pièges photographiques... Il partage sa manière bricolée de ne pas croire en l'ontologie naturaliste, de postuler toujours plus au vivant que ceux qui le privent de tout, sans pour autant savoir quelles sont les puissances, sans pour autant affirmer des dogmes sur ce qu'il est. Il s'est émancipé de la confiscation des savoirs officiels sur le vivant par l'accès au savoirs bruissants et infinis du Web, qui ne sont plus cloisonnés dans l'esprit d'experts ou des bibliothèques lointaines, mais pistables sur le Net avec la même ardeur méthodique qu'on piste sur les sentes. L'originalité du néo-naturaliste par rapport à ses ancêtres Wallace ou Humboldt, c'est qu'il sait que son art est un art tissé de puissances animales qu'il retrouve et réactive en lui, qu'il retrouve hors de lui. C'est avec la patience de la panthère et son désir de trouver qu'il piste les comportements cachés des vivants, qu'il s'acharne à les comprendre. C'est avec l'ancestralité de cueilleur sélectif qu'on voit chez le chevreuil qu'il classe et ordonne dans l'esprit les différents végétaux et leurs relations. Le naturaliste classique est obnubilé par la classification du vivant, le néo-naturaliste s'intéresse à la cohabitation entre vivants. Le relevé d'indices n'est plus ici seulement une question d'objectivation scientifique, de savoir désintéressé, c'est une pratique géopolitique. La question du savoir n'est pas pour lui celle de la vérité désincarnée, mais celle de la meilleure cohabitation entre vivants, dans des territoires partagés. Etre néo-naturaliste, c'est être un naturaliste sans le naturalisme, plus précisément au-delà. La prémisse à tout ce qui est raconté dans une enquête néo-naturaliste, la spécificité du récit, est que le narrateur est un animal qui s'intéresse aux autres animaux, un vivant qui s'intéresse aux vivants. Le néo-naturalisme est le naturalisme pratiqué par un animal tissé..." Baptiste MORIZOT – Sur la piste animale
Deux mâles
Sur le toit... Courvières (Haut-Doubs) samedi 9 octobre 2021 Corneille noire Courvières (Haut-Doubs) samedi 16 octobre 2021 Corneille noire Courvières (Haut-Doubs) samedi 16 octobre 2021 Rougequeue noir mâle Courvières (Haut-Doubs) dimanche 17 octobre 2021 Rougequeue noir femelle Courvières (Haut-Doubs) dimanche 17 octobre 2021 Pie Courvières (Haut-Doubs) vendredi 22 octobre 2021 Pie Courvières (Haut-Doubs) samedi 23 octobre 2021 Pie Courvières (Haut-Doubs) samedi 23 octobre 2021 Mésange charbonnière Courvières (Haut-Doubs) samedi 23 octobre 2021 Bergeronnette grise Courvières (Haut-Doubs) dimanche 24 octobre 2021 Bergeronnette grise Courvières (Haut-Doubs) dimanche 24 octobre 2021
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" 1 Si les obsèques de Marcel Péricourt furent pertubées et s'achevèrent même de façon franchement chaotique, du moins commencèrent-elles à l'heure. Dès le début de la matinée, le boulevard de Courcelles était fermé à la circulation. Rassemblée dans la cour, la musique de la garde républicaine bruissait des essais feutrés des instruments, tandis que les automobiles déversaient sur le trottoir ambassadeurs, parlementaires, généraux, délégations étrangères qui se saluaient gravement. Des académiciens passaient sous le grand dais noir à crépines d’argent portant le chiffre du défunt qui couvrait le large perron et suivaient les discrètes consignes du maître de cérémonie chargé d’ordonner toute cette foule dans l’attente de la levée du corps. On reconnaissait beaucoup de visages. Des funérailles de cette importance, c’était comme un mariage ducal ou la présentation d’une collection de Lucien Lelong, le lieu où il fallait se montrer quand on avait un certain rang. Bien
que
très ébranlée par la mort de son père, Madeleine était
partout, efficace et retenue, donnant des instructions
discrètes, attentive aux moindres détails. Et d’autant
plus soucieuse que le président de la République avait
fait savoir qu’il viendrait en personne se recueillir
devant la dépouille de « son ami
Péricourt ». A partir de là, tout était devenu
difficile, le protocole républicatin était exigeant
comme dans une monarchie. La maison Péricourt, envahie
de fonctionnaires de la sécurité et de responsables de
l’étiquette, n’avait plus connu un instant de repos.
Sans compter la foule des ministres, des courtisans,
des conseillers. Le chef de l’Etat était une sorte de
navire de pêche suivi en permanence de nuées d’oiseaux
qui se nourrissaient de son mouvement. La voiture arriva, la foule se tut, le président descendit, salua, monta les marches et pressa Madeleine un instant contre lui, sans un mot, les grands chagrins sont muets. Puis il fit un geste élégant et fataliste pour lui céder le passage vers la chapelle ardente. La présence du président était plus qu'un témoignage d'amitié vis-à-vis du défunt banquier, c'était aussi un symbole. La circonstance, il est vrai, était exceptionnelle. Avec Marcel Péricourt, « un emblème de l'économie française vient de s'éteindre », avaient titré les journeaux qui savaient encore se tenir. « Il aura survécu au moins de sept ans au dramatique suicide de son fils Edouard... », avaient commenté les autres. Peu importe. Marcel Péricourt avait été un personnage central de la vie financière du pays et sa disparition, chacun le sentait confusément, signait un changement d'époque d'autant plus inquiétant que ces années trente s'ouvraient sur des perspectives plutôt sombres. La crise économique qui avait suivi la Grande Guerre ne s'était jamais refermée. La classe politique française, qui avait promis-juré la main sur le cœur, que l'Allemagne vaincue paierait jusqu'au dernier centime tout ce qu'elle avait détruit, avait été désavouée par les faits. Le pays, invité à attendre que l'on reconstruise des logements, qu'on refasse les routes, qu'on indemnise les infirmes, qu'on verse les pensions, qu'on génère des emplois, bref qu'il redevienne ce qu'il avait été – en mieux même, puisqu'on avait gagné la guerre -, le pays, donc, s'était résigné : ce miracle n'aurait jamais lieu, la France allait devoir se débrouiller toute seule. Marcel Péricourt était justement un représentant de la France d'avant, celle qui avait autrefois conduit l'économie en bon père de famille. On en savait pas exactement ce qu'on allait mener au cimetière, un important banquier français ou l'époque révolue qu'il incarnait. Dans la chapelle ardente, Madeleine observa longuement le visage de son père. Depuis quelques mois, vieillir était devenu son activité principale. « Je dois me surveiller en permanence, disait-il, je crains de sentir le vieux, d'oublier mes mots ; j'ai peur de déranger, d'être surpris à parler tout seul, je m'espionne, ça me prend tout mon temps, c'est épuisant de vieillir... » Dans l'armoire elle avait retrouvé, sur un cintre, le plus récent de ses costumes, une chemise repassée, ses souliers parfaitement cirés. Tout était prêt. La veille, M. Péricourt avait dîné avec elle et Paul, son petit-fils, un garçon de sept ans au joli visage, pâle de teint, timide et bègue. Mais, contrairement aux autres soirs, il ne s'était pas enquis auprès de lui de l'avancement de ses cours, de l'emploi du temps de sa journée, n'avait pas proposé de poursuivre leur partie de dames. Il était demeuré pensif, pas inquiet, non, rêveur presque, ce n'était pas dans ses habitudes ; il avait à peine touché à son assiette, se contentant de sourire pour montrer qu'il était là. Et comme le repas lui avait paru trop long, il avait plié sa serviette, je vais monter, avait-il dit, finissez sans moi, il avait serré la tête de Paul contre lui un instant, allez, dormez bien. Alors qu'il se plaignait souvent de ses douleurs, il avait marché vers l'escalier d'un pas souple. D'habitude, il quittait la salle à manger sur un « Soyez sages ». Ce soir-là, il oublia. Le lendemain, il était mort. Tandis que dans la cour de l'hôtel particulier, le char funéraire avançait, tiré par deux chevaux caparaçonnés, que le maître de cérémonie rassemblait les proches, la famille, et veillait à la position de chacun dans l'ordre protocolaire, Madeleine et le président de la République se tenaient côte à côte, le regard fixé sur le cercueil de chêne où brillait une large croix dorée. Madeleine frissonna. Avait-elle fait le bon choix quelques mois plus tôt ? Elle
était
célibataire. Divorcée, plus exactement, mais pour
l'époque, c'était pareil. Son ex-marie, Henri
d'Aulnay-Pradelle, croupissait en prison après un procès
retentissant. Et cette situation de femme sans homme avait
été un souci pour son père qui pensait à l'avenir.
« On se remarie, à cet âge-là ! Disait-il, une
banque qui a des intérêts dans de nombreuses sociétés
commerciales, ça n'est pas une affaire de femme. »
Madeleine d'ailleurs fut d'accord, mais à une
condition : un mari, passe encore, mais pas un homme,
avec Henri, j'ai eu mon lot, merci bien, le mariage, soit,
mais pour la bagatelle, il ne faudra pas compter sur moi.
Quoiqu'elle ait souvent prétendu l'inverse, elle avait mis
pas mal d'espoirs dans cette première union qui s'était
révélée calamiteuse, alors maintenant, c'était clair, un
conjoint éventuellement, mais rien de plus, d'autant
qu'elle n'avait aucune intention de refaire des enfants.
Paul suffisait largement à son bonheur. C'était l'automne
précédent au moment où tout le monde se rendait compte que
Marcel Péricourt ne ferait pas long feu. Il semblait
prudent de prendre des mesures parce qu'il se passerait
encore bien des années avant que son petit-fils, Paul le
bègue, accède au gouvernail de l'entreprise familiale.
Sans compter qu'on n'imaginait pas très bien cette
succession, chez le petit Paul les mots peinaient à
sortir, le plus souvent il renonçait à s'exprimer, trop
difficile, vous parlez d'un dirigeant..."
Pierre LEMAITRE - Couleurs
de l'incendie
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