Le Trochiscanthe nodiflore [TN]
n°786 (2021-37)
mardi
21 septembre 2021
"Lettre hebdomadaire" du site "Rencontres
Sauvages"
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Nouveau poster pour la "Margotte" ! L'Eté 2021 - juillet et août |
Loge n° 5 Courvières (Haut-Doubs) vendredi 13 août 2021 <Samsung A50 : format 16/9ème>
Lièvre (tout près de l'affût !), image prise à travers la toile de camouflage... Courvières (Haut-Doubs) dimanche 15 août 2021 <Samsung A50 : format 16/9ème>
Courvières
(Haut-Doubs)
dimanche 15 août 2021
<Samsung A50 : format 16/9ème>
<Samsung A50 : format 16/9ème>
Nuit <Samsung A50 : format 16/9ème>
<Samsung A50 : format 16/9ème> <Samsung A50 : format 16/9ème>
<Samsung A50 : format 16/9ème>
<Samsung A50 : format 16/9ème>
<Samsung A50 : format 16/9ème>
<image recadrée>
Courvières
(Haut-Doubs)
Brocard adulte
Courvières (Haut-Doubs) samedi 28 août 2021 ... suivi par une Chevrette Courvières (Haut-Doubs) samedi 28 août 2021 Jeune Renard Courvières (Haut-Doubs) dimanche 29 août 2021 Jeune Renard Courvières (Haut-Doubs) dimanche 29 août 2021 Deux Chevreuils Courvières (Haut-Doubs) samedi 4 septembre 2021
Une Chevrette
Raté !
Courvières (Haut-Doubs) dimanche 12 septembre 2021 Renard se grattant Courvières (Haut-Doubs) dimanche 12 septembre 2021 Renard : marquage du territoire... Courvières (Haut-Doubs) dimanche 12 septembre 2021 Pour regarder, cliquez sur la flèche au centre de l'image... ou cliquez [ici] Renard Courvières (Haut-Doubs) dimanche 12 septembre 2021 Jeune Renard :
interrogations...
Courvières (Haut-Doubs) dimanche 12 septembre 2021
Renard : un adulte Courvières (Haut-Doubs) dimanche 12 septembre 2021 |
"Prologue "Maintenant que tout est découvert, ils vont parler à ma place. L'IRA, les Britanniques, ma famille, mes proches, des journalistes que je n'ai même jamais rencontrés. Certains oseront vous expliquer pourquoi et comment j'en suis venu à trahir. Des livres seront peut-être écrits sur moi, et j'enrage. N'écoutez rien de ce qu'ils prétendront. Ne vous fiez pas à mes ennemis, encore moins à mes amis. Détournez-vous de ceux qui diront m'avoir connu. Personne n'a jamais été dans mon ventre, personne. Si je parle aujourd'hui, c'est parce que je suis le seul à pouvoir dire la vérité. Parce qu'après moi, j'espère le silence." Killybegs, le 24 décembre 2006 Tyrone Meehan
Quand mon père me battait il criait en anglais, comme s'il ne voulait pas mêler notre langue à ça. Il frappait bouche tordue, en hurlant des mots de soldat.Quand mon père me battait il n'était plus mon père, seulement Patraig Meehan. Gueule cassée, regard glace, Meehan vent mauvais qu'on évitait en changeant de trottoir. Quand mon père avait bu il cognait le sol, déchirait l'air, blessait les mots. Lorsqu'il entrait dans ma chambre, la nuit sursautait. Il n'allumait pas la bougie. Il soufflait en vieil animal et j'attendais ses poings. Quand mon père avait bu, il occupait l'Irlande comme le faisait notre ennemi. Il était partout hostile. Sous notre toit, sur son seuil, dans les chemins de Killybegs, dans la lande, en lisière de forêt, le jour, la nuit. Partout, il s'emparait des lieux avec des mouvements brusques. On le voyait de loin. On l'entendait de loin. Il titubait des phrases et des gestes. Au Mullin's, le pub de notre village, il glissait de son tabouret, s'approchait des tables et claquait ses mains à plat entre les verres. Il n'était pas d'accord ? Il répondait comme ça. Sans un mot, les doigts dans la bière et son regard. Les autres se taisaient, casquettes basses et les yeux dérobés. Alors il se redressait, défiait la salle, bras croisés. Il attendait la réplique. Quand mon père avait bu, il faisait peur. Un jour, sur le chemin du port, il a donné un coup de poing à George, l'âne du vieux McGarrigle. Le charbonnier avait appelé son animal comme le roi d'Angleterre pour pouvoir lui botter les fesses. J'étais là, je suivais mon père. Il marchait à pas heurtés, chancelant de griserie matinale, et moi je trottais derrière. A un angle de rue, face à l'église, le vieux McGarrigle peinait. Il tirait son baudet immobile, une main sur le bât, l'autre sur le licol, en le menaçant de tous les saints. Mon père s'est arrêté. Il a regardé le vieil homme, son animal cabré, le désarroi de l'un, l'entêtement de l'autre, et il a traversé la rue. Il a poussé McGarrigle, s'est mis face à l'âne, l'a menacé rudement, comme s'il parlait au souverain britannique. Il lui a demandé s'il savait qui était Patraig Meehan. S'il imaginait seulement à quel homme il tenait tête. Il était penché sur lui, front contre front, menaçant, attendant une réponse de l'animal, un geste, sa reddition. Et puis il l'a frappé, un coup terrible entre l'oeil et le naseau. George a vacillé, s'est couché sur le flanc et la charrette a versé ses galets de houille. - Éirinn go Brách ! a crié mon père. Puis il m’a tiré par le bras. — Parler gaélique, c’est résister, a-t-il encore murmuré. Et nous avons continué notre chemin. * Enfant, ma mère m’envoyait
le chercher au pub. Il faisait nuit. Je n’osais pas
entrer. Je repassais devant la porte opaque du Mullin’s et
ses fenêtres aux rideaux tirés. J’attendais qu’un
homme sorte pour me glisser dans l’aigre de bière, la
sueur, l’humide des manteaux et le tabac froid. Les autres quittaient le pub comme ça, le verre reposé et la casquette sur la tête. Mais pas lui. Avant de franchir la porte, il racontait toujours une histoire. Il capturait une dernière fois l’attention. Il se levait, enfilait son manteau. Puis, nous rentrions, lui et moi. Lui titubant, moi croyant le soutenir. Il montrait la lune, sa clarté sur le chemin. — C’est la lumière des morts, disait-il. Sous ses reflets, nous avions déjà des manières de fantômes. Une nuit de brumes, il m’a pris par l’épaule. Devant les collines mouvantes, il m’a promis qu’après la vie, tout serait ainsi, tranquille et beau. Il m’a juré que je n’aurais plus rien à craindre de rien. Passant devant le panneau barré Na Cealla Beaga qui annonçait la fin de notre village, il m’a assuré qu’on parlait gaélique au paradis. Et que la pluie y était fine comme ce soir, mais tiède avec un goût de miel. Et il riait. Et il remontait mon col de veste pour me protéger du froid. Une fois même, sur le chemin du retour, il a pris ma main. Et moi, j’ai eu mal. Je savais que cette main redeviendrait poing, qu’elle passerait bientôt du tendre au métal. Dans une heure ou demain et sans que je sache pourquoi. Par méchanceté, par orgueil, par colère, par habitude. J’étais prisonnier de la main de mon père. Mais cette nuit-là, mes doigts mêlés aux siens, j’avais profité de sa chaleur. * Mon père a appartenu à l’Armée républicaine irlandaise. Il était volunteer, óglach en gaélique, un simple soldat de la brigade du Donegal de l’IRA. En 1921, lui et quelques camarades se sont opposés au cessez-le-feu négocié avec les Britanniques. Il a refusé l’édification de la frontière, la création de l’Irlande du Nord, le déchirement de notre patrie en deux. Il a voulu chasser l’Anglais du pays tout entier, se battre jusqu’à la dernière cartouche. Après la guerre d’indépendance contre les Britanniques, ce fut la guerre civile entre nous.- Les traîtres, les lâches, les vendus ! crachait mon père en parlant des anciens frères d’armes rangés derrière la trêve. Ces félons étaient armés par les Anglais, habillés par les Anglais, ils ouvraient le feu sur leurs camarades. Ils n’avaient d’irlandais que notre sang sur les mains. Mon père avait été interné sans jugement par les Britanniques, condamné à mort et gracié. En 1922, il fut arrêté une nouvelle fois, par les Irlandais qui avaient choisi le camp du compromis. Jamais il ne m’a raconté, mais je l’ai su. A six ans d’intervalle, il s’est retrouvé dans la même prison, la même cellule. Après avoir été malmené par l’ennemi, il l’a été par ses anciens compagnons. Il a été frappé pendant une semaine. Les soldats du nouvel Etat libre d’Irlande voulaient savoir où étaient les derniers combattants de l’IRA, les réfractaires, les insoumis. Ils voulaient découvrir les caches d’armes rebelles. Pendant ces heures, ces jours et ces nuits de violence, ces salauds torturaient mon père en anglais. Ils donnaient à leur voix l’acier de l’ennemi. C’est comme s’ils ne voulaient pas mêler notre langue à ça. — Etes-vous anglais ? lui avait demandé un jour une vieille Américaine. — Non, au contraire, avait répondu mon père. Quand mon père me battait, il était son contraire. Au mois de mai 1923, les
derniers óglachs de
l’IRA ont déposé les armes et papa a vieilli. Notre
peuple était divisé. L’Irlande était coupée en deux.
Pat Meehan avait perdu la guerre. Il n’était plus un
homme mais une défaite. Il a commencé à boire
beaucoup, à hurler beaucoup, à se battre. A battre ses
enfants. Il en avait trois lorsque son armée s’est
rendue. Le 8 mars 1925, j’ai rejoint Séanna, Róisín,
Mary, tassés tête-bêche dans le grand lit. Sept autres
sortiraient encore du ventre de ma mère. Deux ne
survivraient pas..."
Sorj CHALANDON - Retour
à Killybegs
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