Le Trochiscanthe nodiflore [TN]
n°782 (2021-33)
mardi
24 août 2021
"Lettre hebdomadaire" du site "Rencontres
Sauvages"
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Fauvette à tête noire (2) Courvières (Haut-Doubs) vendredi 23 juillet 2021 <image recadrée> <image recadrée> à sa toilette Courvières (Haut-Doubs) vendredi 23 juillet 2021 <image recadrée>
Rougequeue noir Courvières (Haut-Doubs) vendredi 23 juillet 2021
Rougequeue noir
Courvières (Haut-Doubs) vendredi 23 juillet 2021 Voici, en vidéo, la fin de cette observation :
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Courvières (Haut-Doubs) vendredi 23 juillet 2021 Graines de Compagnon rouge Courvières (Haut-Doubs) vendredi 23 juillet 2021
Courvières (Haut-Doubs) vendredi 23 juillet 2021
Ail potager Courvières (Haut-Doubs) vendredi 23 juillet 2021
Liseron Courvières (Haut-Doubs) vendredi 23 juillet 2021
Lis martagon Courvières (Haut-Doubs) vendredi 23 juillet 2021
Courvières (Haut-Doubs) samedi 31 juillet 2021 Rougequeue noir juvénile Courvières (Haut-Doubs) samedi 31 juillet 2021
<image recadrée>
<image recadrée>
Fruits de la Viorne
lantane
Courvières (Haut-Doubs) samedi 31 juillet 2021
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" 1 La ferme du Ngong J'ai possédé une ferme en Afrique, au pied du Ngong. La ligne de l'Equateur passait par les montagnes à vingt-cinq milles au nord. Mais ma ferme se trouvait à deux mille mètres d'altitude. En milieu de journée, on avait la sensation d'être tout près du soleil, cependant, les après-midi et les soirées étaient claires et fraîches, et les nuits froides. La latitude et l'altitude s'alliaient pour former un paysage qui n'a pas son égal sur la Terre entière. Il était austère aux lignes allongées, sans opulence aucune, sans l'exubérance de couleur et de végétation des plaines tropicales. Ici, les teintes étaient sèches et brûlées comme celles des poteries. Le feuillage était aussi léger que mince, il ne s'élevait point comme le dôme des arbres d'Europe, mais s'étageait plutôt en larges couches horizontales et paraboliques. Cette structure particulière conférait aux arbres isolés une silhouette ailée et palmée, ou le port héroïque et romantique d'un trois-mâts aux voiles carguées. Les vastes orées des forêts avaient donc une allure étrange, comme si un frémissement les parcourait d'un bout à l'autre. De vieilles aubépines rabougries poussaient çà et là dans les plaines dont l'herbe fleurait le thym et le bois-sent-bon ; l'odeur était parfois si forte qu'elle piquait les narines. Les fleurs, que l'on trouvait dans la plaine ou sur les lianes des forêts virginales, étaient aussi minuscules que celles de nos dunes, toutefois, au début de la longue saison des pluies, il surgissait maintes variétés de grands lis lourds et odorants. Et leur présence s'étendait à perte de vue. Tout, dans cette nature, tendait vers la majesté, la liberté et la noblesse. Ici, l'élément essentiel du paysage et de la vie n'était autre que l'air lui-même. Lorsque l'on se remémore un séjour de plusieurs années dans les hautes terres d'Afrique, on est saisi, car on a l'impression d'avoir longtemps vécu dans les airs. Le ciel n'était jamais très bleu, mais souvent pâle et si lumineux que les yeux le fixaient avec peine ; un royaume de nuages immenses, impondérables et fluctuants se dressait à l'horizon, le traversait et s'y perdait. Ce ciel recelait pourtant en lui une source d'azurs infinis et répandait sur les hauteurs proches un bleu profond et vif. En plein midi, l'air qui flottait sur la plaine devenait aussi animé qu'une flamme, il étincelait, il ondoyait, il ruisselait comme l'eau, il réfléchissait et multipliait tous les objets pour créer des mirages gigantesques. A cette altitude, on respirait sans peine, et l'on inspirait en même temps un espoir fou et léger comme une aile. Dans les hautes terres, au réveil, une pensée venait immédiatement à l'esprit : « Je suis bien là, où je me dois d'être ». Le Ngong est une longue chaîne de montagnes qui s'étend du nord au sud, couronnée de quatre sommets éminents semblables à des vagues immobiles d'un bleu sombre qui se détachent sur le ciel. Il culmine à deux mille sept cents mètres d'altitude, avec une dénivellation de sept cents mètres sur son côté est. A l'ouest, en revanche, la pente est bien plus raide et profonde, ainsi, les falaises tombent presque à pic vers la grande vallée : The Great Rift Valley. Dans le massif, le vent souffle continuellement du nord-nord-est. Il s'agit du vent que, sur les côtes d'Afrique et d'Arabie, l'on appelle la mousson, ou vent d'est, comme le cheval favori du roi Salomon. A notre altitude, on eût dit la légère résistance de l'éther, lorsque la Terre se jette dans l'espace. Il se heurtait directement au Ngong dont les versants auraient constitué l'endroit idéal pour lancer un planeur – les courants l'auraient porté du pied de la montagne jusqu'à son sommet. Les nuages entraînés par le vent buttaient contre le Ngong et y restaient accrochés, ou s'ils s'empalaient sur sa cime, ils se vidaient de leur pluie. Les nuages qui naviguaient plus haut évitaient ces écueils, continuaient vers l'ouest, et se volatilisaient sur les déserts brûlants de la Rift Valley. J'ai maintes fois suivi de chez moi la fuite des nuages au-dessus des sommets, et j'étais surprise de voir ces masses si fières se dissoudre et s'évanouir dès qu'elles atteignaient la crête. Vues de la ferme, les montagnes changeaient souvent d'aspect au cours d'une même journée. Elles semblaient parfois toutes proches, et d'autres fois infiniment loin. Si l'on contemplait le massif le soir, une fois le soleil couché, on aurait dit qu'une fine et mince ligne d'argent se plaquait sur toute sa longueur et rehaussait sa silhouette sur le ciel assombri. Ensuite, à mesure que la nuit tombait, les quatre sommets paraissaient arasés, comme s'ils s'étiraient avant de s'allonger et dormir. Du haut des Ngong Hills, le panorama est incomparable. Au sud-est, les grandes plaines et les terrains de chasse s'étendent jusqu'au Kilimandjaro ; au nord-est, c'est un paysage de collines semblable à un jardin qui se détache sur des forêts, plus loin, la réserve kikuyu et ses vallons couvrent cent soixante kilomètres jusqu'au mont Kenya et sa cime enneigée. Le territoire kikuyu n'est qu'une mosaïque de champs de maïs carrés ou triangulaires, de plantations de bananes et de prés ; çà et là monte la fumée bleue d'un village nègre qui ressemble à un groupe de petits champignons pointus et gris. Mais, vers l'ouest, tout en bas, c'est un paysage lunaire : la plaine africaine. Le désert gris-brun est parsemé de minuscules buissons d'aubépine, le cours sinueux du fleuve est garni de larges lignes vertes irrégulières, faites par les mimosas aux branches démesurées et aux épines de six pouces. C'est aussi le territoire du cactus, de la girafe et du rhinocéros. Lorsque l'on pénètre dans les Ngong Hills, on est frappé par leur ampleur, leur diversité et leur mystère, par ces longues vallées, ces fourrés et ces broussailles, par les versants verdoyants et les gorges rocailleuses. Tout en haut, à l'abri d'un sommet, on y trouve même une forêt de bambous. Il y a des sources et des ruisseaux dans les hauteurs ; j'ai souvent dressé ma tente auprès d'eux. De mon temps, il y avait des buffles, des élands et des rhinocéros dans les Ngong Hills, et les très vieux indigènes se souvenaient de l'époque où l'on y voyait des éléphants. J'ai regretté que le massif entier n'ait pas été inclus dans la réserve naturelle. Le gibier était protégé seulement dans une petite partie, le cairn sur le sommet sud en marquait la limite. Si le Kenya avait prospéré et si la capitale Nairobi était devenue une grande ville, ils auraient eu un parc zoologique unique au monde. Mais au cours des dernières années de mon séjour en Afrique, j'ai pu voir les jeunes boutiquiers et employés de Nairobi enfourcher leurs motocyclettes le dimanche, aller dans les montagnes et tirer sur tout ce qu'ils voyaient. Et je crois que le gros gibier a déserté la montagne afin de se réfugier plus au sud, dans les forêts plus denses et les contrées plus rocheuses. Le terrain des flancs
était accidenté et presque impraticable, mais une fois
parvenu sur la ligne de faîte, il était assez aisé de
marcher. L'herbe y était rase comme sur une pelouse
fraîchement tondue, la roche grise affleurait çà et là
entre la verdure. Un sentier courait sur l'arête étroite
qui reliait les quatre sommets, telles des montagnes
russes tranquilles longues de plusieurs lieues. Un matin
que je campais dans la montagne, j'ai grimpé au sommet et
suivi le sentier, et j'y ai trouvé les traces et les
crottins frais d'un troupeau d'élands. Les grosses bêtes
gracieuses et paisibles avaient dû escalader le sommet au
lever du soleil, empruntant le sentier à la queue leu leu.
Pour quelle raison seraient-elles montées là, si ce n'est
pour contempler les deux versants des terres à leurs
pieds ?..."
Karen BLIXEN - La
ferme africaine
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