Le Trochiscanthe nodiflore [TN]
n°779 (2021-30)
mardi
3 août 2021
"Lettre hebdomadaire" du site "Rencontres
Sauvages"
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Génisse Courvières (Haut-Doubs) vendredi 2 juillet 2020 Courvières (Haut-Doubs) vendredi 2 juillet 2020 Courvières (Haut-Doubs) vendredi 2 juillet 2020
Courvières (Haut-Doubs) vendredi 2 juillet 2020 Rhinanthe Courvières (Haut-Doubs) vendredi 2 juillet 2020 Rosée Courvières (Haut-Doubs) vendredi 2 juillet 2020
Epiaire Courvières (Haut-Doubs) vendredi 2 juillet 2020 Chardon penché Courvières (Haut-Doubs) vendredi 2 juillet 2020
Eglantier Courvières (Haut-Doubs) vendredi 2 juillet 2020
Courvières (Haut-Doubs) vendredi 2 juillet 2020
Rougequeue noir
(au soleil) Courvières (Haut-Doubs) samedi 10 juillet 2020
Achillée
millefeuille
Au coeur d'une fleur d'Eglantier Courvières (Haut-Doubs) samedi 10 juillet 2020 Accouplement
Courvières (Haut-Doubs) samedi 10 juillet 2020 Millepertuis Courvières (Haut-Doubs) samedi 10 juillet 2020 Lis martagon Courvières (Haut-Doubs) samedi 10 juillet 2020 Clairon
Courvières (Haut-Doubs) samedi 10 juillet 2020 Salsifis en fruit Courvières (Haut-Doubs) samedi 10 juillet 2020 Feuille
de Noisetier (en contre-jour)
Courvières (Haut-Doubs) samedi 10 juillet 2020 [ à suivre...]
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ou cliquez [ici] Suggestion de lecture : "Forêts dans la tempête Les vents de montagne, tout comme la rosée, la pluie, le soleil et la neige, d'intensité modérée, sont dispensés avec amour aux forêts afin qu'elles développent leur force et leur beauté. L'influence des vents est universelle, à la différence de celle des autres éléments, de portée parfois plus restreinte. Tous les hivers, la neige fait ployer et rogne les étages supérieurs de la forêt, la foudre frappe tel arbre ici et là, tandis que les avalanches fauchent d'un seul coup des milliers d'autres, comme un jardinier taillant un parterre de fleurs. Mais les vents, eux, soufflent sur chaque arbre, effleurent chaque feuille, chaque branche, chaque tronc ; aucun n'est oublié, qu'il s'agisse de l'imposant pin ponderosa aux branches écartées se dressant sur les contreforts abrupts des pics glacés ou du plus humble et plus réservé des habitants des vallons. Les vents viennent trouver chacun d'eux, les caressent tendrement, les font ployer dans un exercice vigoureux, stimulent leur croissance, arrachent, le cas échéant, une feuille ou une branche, ou encore soulève un arbre ou un bosquet entier ; les voici qui chuchotent et chantonnent parmi les branches tel un enfant endormi, ou qui grondent comme l'océan. Les vents bénissent les forêts, et les forêts les vents, dans une alliance ineffable de beauté et d'harmonie. Quiconque ayant vu des pins de près de deux mètres de diamètre ployer en montagne tels des brins d'herbe sous l'assaut d'un vent violent, et de temps à autre un géant s'effondrer dans un fracas secouant les collines, s'étonnerait à juste titre qu'un arbre, exception faite des plus petits et des plus trapus, ait jamais bénéficié de périodes suffisantes d'accalmie, sans tempêtes de vent, pour s'implanter, ou, à peine développé, résister et ne pas être arraché par le vent. Mais une fois la tempête passée, quand nous contemplons ces mêmes forêts dans le calme retrouvé, se dressant, fringantes et épargnées dans toute leur majesté érigée, que nous songeons aux siècles de tempêtes qui se sont abattus sur elles depuis qu'elles ont été plantées – la grêle, qui détruit les jeunes plants ; la foudre, qui brûle et brise ; la neige, les vents et les avalanches, qui écrasent et submergent -, alors que le résultat manifeste de tout ce déchaînement de tempêtes est la glorieuse perfection que nous contemplons, et la foi dans la sagesse sylvicole de la Nature étant établie, nous cessons de déplorer la violence de ses coups de vent les plus destructeurs, ou de tout autre forme de tempête. Dans les forêts de la Sierra, deux arbres ne sont jamais déracinés par le vent, tant qu'ils restent sains : le genévrier et le pin nain des sommets. Leurs racines fermes et tortueuses s'agrippent comme des serres d'aigle aux corniches battues par les tempêtes, tandis que leurs branches lisses, pareilles à des cordes, se courbent, accommodantes, n'offrant que de légères prises aux vents, même violents. Les autres conifères de montagne – le pin à aiguilles, le pin des montagnes, le pin à deux feuilles, ainsi que la pruche – ne voient jamais leur population éclaircie par cet agent des proportions dévastatrices, en raison de leur admirable résistance et de leur implantation rapporchée. En général, il en va de même pour les géants des étages inférieurs. Le majestueux pin à sucre, culminant en altitude jusqu'à plus de soixante mètres, constitue une cible de choix pour les vents des tempêtes ; cependant, son feuillage n'étant pas très dense, ses longues branches horizontales tournoient avec docilité dans les rafales, comme des tresses d'algues vertes et fluides dans un ruisseau, tandis que, dans la plupart des endroits, les sapins argentés serrent les rangs, unissant leurs forces. Le pin ponderosa et le pin argenté sont plus souvent abattus par le vent que tout autre arbre de la Sierra, car, rapportée à leur hauteur, la masse formée par leur feuillage et leurs branches est plus importante ; en de nombreux endroits, ils sont plantés de façon clairsemée, ménageant ainsi des ouvertures dans lesquelles les tempêtes ont tout loisir de s'engouffrer avec vigueur. En outre, en raison de leur implantation le long de la portion inférieure de l'aire forestière, la première à se voir dénudée après la fonte de la couche de glace à la fin de l'hiver, le sol sur lequel ils poussent est exposé plus longtemps aux intempéries postdégel, et, dès lors, s'avère plus effrité et détérioré que des sols plus récents situés dans les étages supérieurs de l'aire forestière, offrant un ancrage moins solide aux racines. En explorant les zones forestières du mont Shasta, je découvris le trajet suivi par un ouragan, émaillé de milliers de pins de ces deux espèces. Grands et petits pins avaient été déracinés ou brutalement arrachés, ouvrant une voie, dégagée comme celle résultant d'une avalanche. Cependant, les ouragans de cette intensité sont rares dans la Sierra, et une fois terminée notre exploitation exhaustive de l'aire forestière, nous en tirons fatalement la conviction que ces forêts sont les plus belles de toute la surface de la Terre, quelle que soit notre appréciation des agents qui les modelèrent ainsi. Il y a toujours quelque chose de profondément enthousiasmant à écouter non seulement la mélodie des vents dans les bois, exerçant plus ou moins d'influence sur nos esprits à tous, mais aussi leur flux varié, semblable à un cours d'eau, qui se manifeste dans les mouvements des arbres, surtout chez les conifères. Chez aucune autre variété d'arbre ils ne sont aussi largement et massivement visibles, pas même chez les nobles palmiers tropicaux ou les fougères arborescentes ondulant sous la plus douce des brises. Voir ondoyer sous le vent une forêt de séquoias géants constitue un spectacle indescriptible, d'une impressionnante et sublime beauté ; néanmoins, les pins me semblent être les meilleurs interprètes de la mélodie d'Eole : telles de puissantes verges d'or ondulantes, toujours au diapason, ils composent et chantent la musique des vents au cours de leurs longs siècles de vie. Cependant, dans l'étage strictement alpin des forêts, vous ne verrez et n'entendrez qu'une partie limitée de cette noble danse et de cette noble musique. Le robuste genévrier, dont la circonférence parfois égale, voire dépasse, sa hauteur, est à peu près aussi rigide que les rochers sur lequel il pousse. Les graciles touffes du pin nain, délicates comme des cils, s'animent, parcourues d'ondulations souples, mais les plus hautes et les plus fines sont beaucoup trop raides pour ondoyer même sous les vents les plus violents. Elles sont seulement secouées de vibrations brèves et rapides. Toutefois, la pruche et le pin des montagnes, ainsi que certains bosquets parmi les plus hauts de l'espèce à deux feuilles ploient avec énormément d'amplitude et de grâce lorsqu'ils sont pris dans des tempêtes de vents. Mais ce n'est que dans les zones inférieur et moyenne que la rencontre des vents et des bois s'observe dans toute sa splendeur. L'une des plus magnifiques et plus exaltantes tempêtes qu'il me fût donné de voir dans la Sierra se produisit en décembre 1874, alors que j'explorais l'une des vallées tributaires de la rivière Yuba. Le ciel, la terre et les arbres, complètement lavés par la pluie, étaient de nouveau secs. La journée était d'une pureté intense, l'une de ces incomparables tranches d'hiver californien, chaude, douce, baignée d'un soleil éclatant, porteuse des influences les plus pures du printemps, et en même temps vivifiée par l'une des plus violente tempêtes de vent qui soient. Au lieu de camper, comme à mon habitude, je m'étais arrêté chez un ami. Mais quand les premiers grondements de la tempête retentirent, sans perdre de temps, je poussai dans les bois pour admirer le spectacle. Car en de telles occasions, la Nature a toujours quelque chose de rare à nous montrer, et le risque d'être blessé, voir d'y laisser la vie n'est guère plus élevé que celui auquel on s'expose en restant à l'abri sous un toit, l'humeur fâcheuse. Il était encore tôt ce
matin-là, et j'eus la sensation d'être comme emporté. De
délicieux rayons de soleil inondaient les collines et
illuminaient le sommet des pins, libérant des effluves d'une
fragance estivale qui contrastait étrangement avec les
tonalités tumultueuses de la tempête. L'air était tacheté de
glands de pin et de plumes d'un vert brillant qui
voletaient, étincelants, sous le soleil comme des oiseaux
poursuivis. Mais il n'y avait pas la moindre poussière, rien
de moins pur que des feuilles, du pollen mûr, des particules
fanées de fougère et de mousse. Pendant des heures,
j'entendis les arbres tomber au rythme d'un toutes les deux
ou trois minutes ; certains déracinés, pour part en
raison de l'état du sol, détrempé et gorgé d'eau ;
d'autres fendus sur tout leur largeur, en une zone de
vulnérabilité causée par un incendie. L'agitation de tous
ces arbres constituait un délicieux objet d'étude. Les
jeunes pins à sucre, légers et duveteux comme des queues
d'écureuils, ployaient presque jusqu'à terre, tandis que les
grands patriarches, dont les troncs massifs avaient été
éprouvés par des centaines de tempêtes, remuaient avec
solennité au-dessus d'eux, leurs longues branches courbées
s'agitant, fluides, dans le vent, dans le tintement de
chacune de leurs aiguilles, lances de lumière étincelantes
comme des diamants. Les sapins de Douglas, dont les longues
feuilles s'étiraient en tresses plates, leurs aiguilles
formant une masse grise et chatoyante, présentaient un
aspect des plus frappants alors qu'ils se détachaient en
relief le long des cimes des collines. Dans les vallons, les
arbousiers, avec leur écorce rouge et leurs grandes feuilles
brillantes secouées en tous sens, reflétaient des paillettes
de soleil, comme celles que l'on aperçoit si souvent à la
surface ondoyante d'un lac glaciaire. Pour autant, les pins
d'argent étaient, entre tous, les plus impressionnants de
beauté. Ces flèches colossales culminant à soixante mètres
ondulaient telles de souples verges d'or, psalmodiant et
s'inclinant profondément comme en adoration, tandis que la
masse entière de leur long feuillage frémissant s'embrasait
dans un flamboiement continu de lumière blanche. La force du
vent était telle que le plus inébranlable des monarques
parmi eux tanguait jusqu'à ses racines dans un mouvement
tout à fait perceptible lorsque l'on s'appuyait contre lui.
La Nature donnait une fête grandiose, et chez ces forts
géants, la moindre fibre vibrait d'une joyeuse excitation..."
John MUIR - Forêts dans la
tempête
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