Le Trochiscanthe nodiflore [TN]

n°773 (2021-24)

mardi 22 juin 2021

"Lettre hebdomadaire" du site "Rencontres Sauvages"
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SCHUBERT - Sérénade
Arrgt F. Liszt

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Loge n°5
fin du printemps

Courvières (Haut-Doubs)
mai 2021


Brocard
Courvières (Haut-Doubs)
samedi 8 mai 2021




Givre
Courvières (Haut-Doubs)
samedi 8 mai 2021



Chardonneret élégant près du bloc de sel
Courvières (Haut-Doubs)
samedi 8 mai 2021

Pinson des arbres mâle
Courvières (Haut-Doubs)
samedi 8 mai 2021

Pinson des arbres femelle
Courvières (Haut-Doubs)
samedi 8 mai 2021
<image recadrée>



Fleurs de Sureau
(au tout début de la floraison)

Courvières (Haut-Doubs)
samedi 8 mai 2021

Ombre
Courvières (Haut-Doubs)
samedi 8 mai 2021



Lichen : Cladonie
Courvières (Haut-Doubs)
samedi 8 mai 2021



Dentaire pennée
Courvières (Haut-Doubs)
samedi 8 mai 2021

Floraison d'un Pissenlit
Courvières (Haut-Doubs)
dimanche 9 mai 2021

Pigeon ramier
Courvières (Haut-Doubs)
dimanche 9 mai 2021




Barbarée
Courvières (Haut-Doubs)
dimanche 9 mai 2021



Floraison d'un Pissenlit II
Courvières (Haut-Doubs)
dimanche 9 mai 2021


Bergeronnette grise
Courvières (Haut-Doubs)
dimanche 9 mai 2021

<image recadrée>



Rougequeue noir
Courvières (Haut-Doubs)
dimanche 9 mai 2021



Floraison d'un Pissenlit III
Courvières (Haut-Doubs)
dimanche 9 mai 2021



Floraison d'un Pissenlit IV
Courvières (Haut-Doubs)
dimanche 9 mai 2021



Floraison d'un Pissenlit V
Courvières (Haut-Doubs)
dimanche 9 mai 2021



Floraison d'un Pissenlit VI
Courvières (Haut-Doubs)
dimanche 9 mai 2021



Floraison d'un Pissenlit VII
Courvières (Haut-Doubs)
dimanche 9 mai 2021



Chardonneret élégant
Courvières (Haut-Doubs)
dimanche 9 mai 2021



Génisses
Courvières (Haut-Doubs)
dimanche 9 mai 2021



Floraison d'un Pissenlit VIII
Courvières (Haut-Doubs)
dimanche 9 mai 2021

Bergeronnette grise (à la chasse)
Courvières (Haut-Doubs)
dimanche 9 mai 2021



Floraison d'un Pissenlit IX
Courvières (Haut-Doubs)
dimanche 9 mai 2021



Rougequeue noir
(sous les nuages)

Courvières (Haut-Doubs)
samedi 29 mai 2021



Linotte mélodieuse mâle
Courvières (Haut-Doubs)
samedi 29 mai 2021



Lièvre
Courvières (Haut-Doubs)
samedi 29 mai 2021



Bourse à Pasteur
Courvières (Haut-Doubs)
samedi 29 mai 2021



Sur une feuille de Rumex
Courvières (Haut-Doubs)
samedi 29 mai 2021



Compagnon rouge
Courvières (Haut-Doubs)
samedi 29 mai 2021



Alisier blanc
Courvières (Haut-Doubs)
samedi 29 mai 2021



Myosotis
Courvières (Haut-Doubs)
samedi 29 mai 2021


Aspérule odorante
Courvières (Haut-Doubs)
samedi 29 mai 2021



Rougequeue noir
(dans l'ombre)

Courvières (Haut-Doubs)
dimanche 30 mai 2021





Chat
(mais pas sauvage, je pense)

Courvières (Haut-Doubs)
dimanche 30 mai 2021








Merle noir mâle (2)
(dans l'ombre)

Courvières (Haut-Doubs)
dimanche 30 mai 2021



















Rougequeue noir
(à la chasse)

Courvières (Haut-Doubs)
dimanche 30 mai 2021

















Véronique
Courvières (Haut-Doubs)
dimanche 30 mai 2021







Veronique germandrée
Courvières (Haut-Doubs)
dimanche 30 mai 2021




Orchis mâle
Courvières (Haut-Doubs)
dimanche 30 mai 2021



La loge n° 5
Courvières (Haut-Doubs)
dimanche 30 mai 2021





Suggestion de lecture :

"6

La guérite du gardien constituait une île sur laquelle Guylain aimait venir s'échouer à la pause de midi. Contrairement à Brunner qui la ramenait à propos de tout et de rien.Yvon pouvait rester de longues minutes sans dire un mot, tout entier accaparé par ses lectures. Ses silences étaient pleins. Guylain pouvait s'y glisser comme dans un bain tiède. A ses côtés, son sandwich perdait un peu de cet arrière-goût de carton bouilli qui se dégageait de tout ce qu'il avalait depuis qu'il travaillait ici. Yvon lui demandait parfois de lui donner la réplique. « Un mur, lui avait-il expliqué la première fois. J'ai juste besoin d'un mur sur lequel faire rebondir mes tirades. » Guylain se prêtait volontiers au jeu, récitant du mieux qu'il pouvait des textes auxquels il ne comprenait pas toujours grand-chose, changeant parfois de sexe, le temps d'incarner une Andromaque, une Bérénice, voire une Iphigénie tandis qu'un Yvon Grimbert au sommet de son art déclamait à tue-tête du Pyrrhus, Titus et autre Agamemnon de sa composition. Le gardien ne mangeait pas, se contentant de ses vers de douze pieds et de rien d'autre, des vers qu'il faisait descendre à l'aide de ce thé noir dont il était friand et qu'il avalait par Thermos entières à longueur de journée.

Le camion s'échoua dans un grand souffle de baleine fatiguée à quelques centimètres de la barrière abaissée. Yvon délaissa Don Rodrigue et Chimène le temps de constater que l'heure des arrivages était dépassée avant de se replonger dans l'acte III, scène 4. La réglementation stipulait que, pour le repos des riverains, la STERN devait stopper toute activité entre 12 heures et 13 h 30, règle qui incluait également l'arrêt temporaire du va-et-vient des camions chargés d'alimenter la Chose. Les chauffeurs le savaient tous et ceux qui arrivaient après l'heure légale en étaient souvent quittes pour garer leur bahut dans la rue en attendant la reprise des activités. Seuls quelques rares téméraires comme aujourd'hui tentaient parfois de passer outre le règlement et essayaient de forcer le passage. Fort de la toute-puissance de son trente-huit tonnes, le chauffeur klaxonna et aboya son impatience par la vitre baissée de la portière : « C'est pour aujourd'hui ou pour demain ? » Devant l'impassibilité du gardien, le type descendit de son bahut et s'approcha de la guérite d'un pas nerveux. « Eh oh ! T'es sourd ou quoi ? » Sans quitter des yeux le livre ouvert devant lui, Yvon leva la main, paume en avant, afin de signifier à l'autre que son attention était pour le moment occupée à tout autre chose qu'à écouter le tutoiement dédaigneux d'un chauffeur livreur au bord de l'hystérie. Guylain avait toujours vu Yvon appliquer ce principe qui consistait à ne jamais abandonner une phrase en cours de lecture, quelle qu'en fût la cause ou la raison. « Ne pas lâcher le fil du Verbe, petit ! Aller à son terme, glisser le long de la tirade jusqu'à ce qu'enfin le point final te libère ! » Tapotant de ses doigts nerveux sur la vitre, le type reprit plus méprisant que jamais : " Il va se décider quand, à la bouger sa barrière ? "

Un nouveau, pensa Guylain. Seul un nouveau pouvait se permettre une telle liberté de ton avec Yvon Grimbert ! Après avoir glissé un marque-page dans son édition du Cid de 1953, Yvon indiqua à Guylain le coffret entreposé sur l'étagère qui courait le long de la guérite. Il y avait là, précieusement conservées, des années de versification de son invention. La caisse sur ses genoux, le gardien passa en revue le répertoire à sa disposition devant le regard courroucé du chauffeur. La moustache frémissante de contentement, Yvon se saisit de la fiche n° 24 intitulée " Retards et châtiments". Tout en réajustant sa cravate d'une main experte, il jeta un bref coup d'œil au texte, le temps de s'imprégner du rôle. Il lissa du plat de la main sa chevelure argentée, s'éclaircit la voix d'un ultime raclement de gorge. Alors, Yvon Grimbert, ancien élève du cours Alphonse Daubin de Saint-Michel-sur-l'Ognon, promotion de 1970, abonné au Français depuis 1976, tira une première salve :

Il est passé midi, voyez la grande horloge.
Déjà sur la demie, la grande aiguille se loge !
Quittez cette arrogance, rengainez ce dédain,
Il reste une petite chance que je vous ouvre enfin.

L'hébétude qui se dessinait sur le visage du chauffeur avait balayé toute sorte de colère. Son menton persillé d'une barbe naissante s'affaissa au fur et à mesure qu'Yvon scandait le quatrain de sa voix puissante. Guylain sourit. C'était bien un nouveau. Ca leur faisait souvent ça la première fois. L'alexandrin les prenait de court. Les rimes leur tombaient dessus, les asphyxiant aussi sûrement qu'une volée de coups portée en plein plexus. " C'est droit comme une épée, un alexandrin, lui avait un jour expliqué Yvon, c'est né pour toucher au but, à condition de bien le servir. Ne pas le délivrer comme de la vulgaire prose. Ca se débite debout. Allonger la colonne d'air pour donner souffle au mot. Il faut l'égrener de ses syllabes avec passion et flamboyance, le déclamer comme on fait l'amour, à grands coups d'hémistiches, au rythme de la césure. Ca vous pose son comédien, l'alexandrin. Et pas de place à l'improvisation. On ne peut pas tricher avec un vers de douze pieds, petit. " A 59 ans, Yvon était passé maître dans l'art de les décocher. Déployant son mètre quatre-vingt-cinq, le gardien était sorti de sa guérite :

Nombreux sont les livreurs qui affrontent mon courroux.
Arrivez donc à l'heure et vous me verrez doux.
Livrez ce chargement, quittez cet air hagard,
Effacez le tourment qu'à causé ce retard.

Tachez à l'avenir de respecter l'horaire,
Ne laissez pas tarir ma patience légendaire.
Quelle que soit l'heure passée, il n'est plus grand outrage
Que de réceptionner un nouvel arrivage.


Gardez-vous pour toujours de réveiller mes nerfs,
Sous les plus beaux atours, se cache souvent mégère.
Si je suis serviteur je n'en reste pas moins
Concernant ce secteur maître de vos destins !

L'inquiétude avait pris possession du camionneur. Il n'avait plus soudain devant les yeux Yvon Grimbert, insignifiant gardien d'usine, mais le grand prêtre tout-puissant du temple. Sous la moustache grisonnante, les lèvres écarlates s'activaient pour délivrer sans trembler les phrases assassines. Le type entama un repli prudent sur la pointe de ses santiags et regagna la cabine de son Volvo à l'abri de l'avalanche de rimes. Yvon le poursuivit. Debout sur le marchepied, il balança dans l'habitacle de pleins paquets de vers tandis que le jeune homme au bord de la panique s'échinait à remonter la vitre à grands coups de moulinets nerveux.


Lorqu'on est aux abois, pas mieux qu'un mastodonte
Pour cacher son émoi et étouffer sa honte !
Si vous voulez faire taire le langage des muses
Abandonnez cet air et livrez vos excuses !

Vaincu, la tête penchée sur le volant en guise de soumission, le type ânonna une série de mots mâchouillés qui ressemblaient à des regrets. Tandis qu'il rejoignait son abri vitré, Yvon lança dans les airs un ultime quatrain :


Je m'en vais dans l'instant lever cette barrière,
Laisser tout doucement retomber ma colère.
Avancez ce camion, videz son chargement.
Que vive le pilon encore un long moment.

Joignant le geste à la parole, Yvon libéra le mastodonte qui s'ébroua dans un nuage de gaz d'échappement. Guylain abandonna un temps son ami versificateur, histoire de veiller au bon déroulement du déchargement. Encore choqué, le chauffeur dégueula sa cargaison à moitié sur le quai, à moitié sur le parking. Son papier tamponné, le type s'en retourna, trop heureux de voir la barrière s'élever sans avoir à subir les assauts d'un Yvon Grimbert déjà reparti dans son royaume de Castille à guetter l'arrivée des Maures aux côtés de Chimène..."

Jean-Paul DIDIERLAURENT - Le liseur du 6h27



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