Le Trochiscanthe nodiflore [TN]
n°770 (2021-21)
mardi
1er juin 2021
"Lettre hebdomadaire" du site "Rencontres
Sauvages"
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Rougegorge familier Courvières (Haut-Doubs) dimanche 11 avril 2021 <image recadrée> dimanche 11 avril 2021
Courvières (Haut-Doubs) dimanche 11 avril 2021
Courvières (Haut-Doubs) samedi 17 avril 2021
<image recadrée>
Rougequeue noir
Courvières
(Haut-Doubs)
Rougegorge
Courvières (Haut-Doubs) samedi 24 avril 2021
Linotte mélodieuse (mâle) Courvières (Haut-Doubs) dimanche 25 avril 2021 Abeille Courvières (Haut-Doubs) dimanche 25 avril 2021 Bourdon
Courvières (Haut-Doubs) dimanche 25 avril 2021 |
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mardi 18
mai 2021 |
" 1
Ils étaient partis sur un coup de tête passer un week-end dans les confins du nord-ouest du pays, comme pour défier la tristesse de l'automne. Une fois les bagages chargés dans la vieille Toyota de Benedikt, ils avaient quitté Reykjavik le cœur joyeux. Lorsqu'ils gagnèrent enfin la péninsule des fjords de l'Ouest, après des heures passées à conduire sur de mauvaises routes de gravier, la nuit était tombée. Il leur restait encore du chemin avant de rejoindre la lointaine vallée où ils logeaient, et Benedikt angoissait de plus en plus. Au crépuscule, ils avaient traversé le sinistre paysage des hautes landes, austère et désolé, puis descendu vers la côte pour gagner le bras le plus long du grand fjord connu sous le nom d'Isafjardardjup. Benedikt se décrispa un eu quand la route se mit à longer le rivage avant de remonter vers un nouveau col. Il serra à nouveau le volant en amorçant la descente en épingle à cheveux qui menait à la mer. De chaque côté, de longues chaînes de montagnes se profilaient vaguement dans la pénombre. Pas la moindre lumière à l'horizon. Le fjord était inhabité, les fermes abandonnées depuis longtemps – la population avait fui des conditions de vie très rudes pour gagner tantôt la petite ville d'Isafjördur, à cent quarante kilomètres au nord de la côte découpée par les fjords, tantôt les lumières incandescentes de Reykjavik, à l'extrême sud-ouest du pays.
Il avait insisté pour conduire, alors qu'il n'avait jamais mis les pieds dans cette partie de l'île.
Benedikt s'escrimait à suivre la route qui serpentait de manière imprévisible.
Il attendait ce moment depuis si longtemps. Il avait d'abord admiré à distance cette jeune femme toute mince et pleine de vie, qui semblait elle aussi s'intéresser à lui. Cependant, ni l'un ni l'autre n'avait osé faire le premier pas jusqu'à deux semaines auparavant. Ce jour-là, l'étincelle s'était produite et leur relation avait franchi une étape.
En réalité, Benedikt voulait savoir si ses parents étaient au courant de leur petite escapade, ce qui aurait clairement officialisé le début de leur relation. Jusqu'à présent, ils l'avaient gardée secrète.
Il acquiesça, même s'il n'était toujours pas convaincu que ce séjour soit une bonne idée.
Il écrasa la pédale de frein et prit le virage juste à temps. La voiture faillit déraper et s'engagea sur une voie plus étroite encore – plutôt un chemin, qui le fit rétrograder en première.
Elle éclata de son rire envoûtant, ce qui le réconforta instantanément. Ce rire était la première chose qui l'avait séduit chez elle – avec sa voix. Désormais, plus rien ne faisait obstacle, et il avait la certitude qu'ils vivaient le début d'une histoire scellée par le destin.
Ce suspense qu'elle entretenait faisait partie de son charme : elle avait le don de rendre mystérieuses les choses les plus ordinaires.
Ils finirent par arriver dans la vallée où se trouvait la maison. A cause de la pénombre, Benedikt ne discernait aucune construction. Elle lui dit d'arrêter la voiture et ils sortirent dans le froid mordant.
Elle lui prit doucement la main et il se laissa guider. Il avait l'impression d'évoluer dans un rêve en noir et blanc. Elle s'arrêta soudain.
Il secoua la tête.
A force de concentration, il finit par distinguer le léger soupir des vagues. Il vivait un instant magique, hors du temps.
Un peu plus loin, la maison se profila enfin. Malgré l'obscurité, il constata qu'elle n'était ni spacieuse ni moderne. Elle ressemblait à ces chalets en forme de A construits dans les années soixante-dix, avec leur toit pentu qui descend presque jusqu'à terre et des fenêtres sur les façades avant et arrière. Elle fouilla les poches de sa doudoune à la recherche des clés, ouvrit la porte et alluma la lumière pour dissiper les ténèbres. Ils entrèrent dans une pièce plutôt confortable, garnie de meubles anciens qui lui donnaient un charme rustique. Benedikt s'y sentit aussitôt à l'aise. Il s'apprêtait à passer un excellent week-end. Une escapade secrète, au milieu de nulle part, avec la vallée pour eux seuls, d'autant plus isolés que personne n'était au courant de leur présence. Comme dans un rêve. La pièce de vie occupait l'essentiel du rez-de-chaussée, où il y avait aussi une petite cuisine, une salle de bains et une échelle au fond de la pièce.
Benedikt grimpa à sa suite pour arriver dans un espace mansardé équipé de matelas, de couettes et d'oreillers.
Il fut incapable de résister à son sourire..."
Ragnar JONASSON - L'île
au secret
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