Le Trochiscanthe nodiflore [TN]

n°753 (2021-04)

mardi 2 février 2021

"Lettre hebdomadaire" du site "Rencontres Sauvages"
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GF HANDEL - Funeral Anthem for Queen Caroline HWV 264
"The ways of Zion do mourn"

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  Nouveau poster pour la "Margotte" !



  L'
Automne 2020 - novembre




Paysages de la fin de l'automne
et du début de l'hiver

Courvières (Haut-Doubs)
octobre, novembre et décembre 2020



Le Saule
Courvières (Haut-Doubs)
samedi 31 octobre 2020

Courvières (Haut-Doubs)
vendredi 6 novembre 2020



Courvières (Haut-Doubs)

samedi 7 novembre 2020

Courvières (Haut-Doubs)
mardi 10 novembre 2020



Alignement d'Erables
Courvières (Haut-Doubs)

mercredi 11 novembre 2020

Vue sur ma Ferme
Courvières (Haut-Doubs)

mercredi 11 novembre 2020

Courvières (Haut-Doubs)
mercredi 11 novembre 2020


Ombres
Courvières (Haut-Doubs)

mercredi 11 novembre 2020

Courvières (Haut-Doubs)
mercredi 11 novembre 2020

Courvières (Haut-Doubs)
samedi 14 novembre 2020

Courvières (Haut-Doubs)
samedi 14 novembre 2020

Chapelle
Courvières (Haut-Doubs)

samedi 14 novembre 2020

Courvières (Haut-Doubs)
samedi 14 novembre 2020



Courvières (Haut-Doubs)
dimanche 15 novembre 2020




Courvières (Haut-Doubs)
dimanche 15 novembre 2020

Courvières (Haut-Doubs)
dimanche 15 novembre 2020

Courvières (Haut-Doubs)
samedi 21 novembre 2020

Vue sur Boujailles
Courvières (Haut-Doubs)

samedi 21 novembre 2020

Courvières (Haut-Doubs)
dimanche 22 novembre 2020

Génisses
Courvières (Haut-Doubs)

dimanche 22 novembre 2020

Courvières (Haut-Doubs)
dimanche 22 novembre 2020

Courvières (Haut-Doubs)
samedi 28 novembre 2020

Courvières (Haut-Doubs)
dimanche 29 novembre 2020

Courvières (Haut-Doubs)
dimanche 29 novembre 2020

Courvières (Haut-Doubs)
samedi 5 décembre 2020

Courvières (Haut-Doubs)
samedi 5 décembre 2020

Courvières (Haut-Doubs)
samedi 5 décembre 2020

Courvières (Haut-Doubs)
samedi 5 décembre 2020

Courvières (Haut-Doubs)
dimanche 6 décembre 2020

Murger sous la neige
Courvières (Haut-Doubs)

dimanche 6 décembre 2020

Courvières (Haut-Doubs)
dimanche 6 décembre 2020

Courvières (Haut-Doubs)
dimanche 13 décembre 2020

La Corneille
Courvières (Haut-Doubs)

dimanche 13 décembre 2020

Courvières (Haut-Doubs)
dimanche 13 décembre 2020

Le ciel est bas — les nuages sales.

Un flocon de neige errant
Par une grange ou une ornière
Délibère s'il s'en ira —

Un petit vent tout le jour

Se plaint de son sort —

La nature, comme nous, parfois se fait prendre

Sans son diadème.

Emily Dickinson

Courvières (Haut-Doubs)
dimanche 13 décembre 2020




Suggestion de lecture :

" 1

C'est presque devenu un rituel : chaque matin, je descends tremper un croissant dans un grand crème à l'Odessa, le café de la place Stéphane-Hessel.

Auparavant la place s'appelait Edgar-Quinet, mais Edgar a été déboulonné par Stéphane. Une certaine continuité permet néanmoins de faire le lien entre les deux personnalités. Le premier avait écrit qu'aucune machine ne vous exempterait d'être homme, le second avait appelé l'homme à utiliser sa capacité d'indignation pour ne pas rester amorphe devant l'injustice et la dérive d'un monde qui ne semble plus être guidé que par un incontrôlable monstre financier.

Les serveurs de l'Odessa sont sympathiques. De vrais « garçons » parisiens, encore habillés en noir et blanc sans être pour autant guindés. A l'heure où j'arrive, l'un d'eux coupe les oranges qui seront pressées pour les petits déjeuners.

Je m'assieds toujours à la même table et j'aime sentir l'odeur des agrumes. Il y a quelque chose d'exotique dans l'orange. Sa seule senteur me transporte à Marrakech où les orangers sont comme des arbres de Noël au bord des grandes avenues qui relient les jardins de la Ménara à la mosquée de la Koutoubia.

Les orangers de l'Odessa ne valent pas celles du Maroc, mais les croissants de Marrakech ne tiennent pas la rampe face aux parisiens ! A chaque lieu ses trésors du quotidien...

Il suffit que je m'asseye pour que Gilles m'apporte mon café au lait, un croissant et le journal du jour.

Gilles n'est pas là le week-end, mais je ne viens pas le week-end. Je fuis Paris comme un condamné à mort que l'on aurait libéré de ses chaînes !

Ce matin-là la photo de ne de Libération représentait Obama appuyé sur son pupitre à la conférence sur le climat organisée par l'ONU. C'est incroyable comme ces sommets internationaux se succèdent sans que rien ne change. Hulot se démène comme un beau diable pour que la conférence de Paris serve à quelque chose, mais j'ai bien peur qu'une nouvelle fois les lobbys financiers, industriels et pétroliers ne soient encore les plus forts.

« Indignez-vous ! » Il a raison, l'ami Hessel. C'est sans doute la seule chose qui nous reste ; la capacité à manifester dans toutes les capitales du monde, à minima pour exprimer que nous ne sommes pas dupes.

Mais suffit-il à un homme d'être conscient pour empêcher qu'il soit broyé par la bête immonde et silencieuse qui joue avec la planète comme avec un bilboquet ? Mourons conscients... C'est mieux que les yeux bandés !

« Le professeur Kaesler est mort. » Le titre s'étalait en manchette. Mais pour tout dire, je n'étais pas intéressé par le professeur. Ses positions régulièrement réaffirmées contre l'avortement, mais aussi contre le mariage des homosexuels étaient bien connues. Il n'en restait pas moins l'un des plus grands généticiens que le monde ait comptés. Combien de couples avaient réussi, grâce à ses découvertes, à enfanter alors qu'ils ne parvenaient pas à procréer de façon naturelle ? Je n'étais pas vraiment concerné par ces questions. Libre comme l'air, je n'avais ni femme ni enfant.

A quarante ans, certains trouvent que c'est louche. Moi, c'est la situation inverse qui me paraît incohérente. Quel sera l'avenir des enfants qui naissent aujourd'hui ? Sans parler de celui des couples qui se marient, voués à s'étriper à plus ou moins courte échéance pour savoir qui gardera les enfants et le congélateur lors du divorce qui adviendra avec à peu près la même probabilité qu'un cancer du sein chez les femmes de la génération 2.0.

J'aurais pu passer la page 7 sans lire l'article sur le professeur Kaesler s'il n'y avait eu cette photo : il était assis à son bureau, le regard fixant l'objectif.

L'homme semblais sûr de lui. Les cheveux blancs parfaitement maîtrisés par une coupe qui masquait une calvitie, on imaginait qu'il devait prendre soin de lui car aucun embonpoint ni même le moindre avachissement de la peau n'altérait un port de tête volontaire et dynamique.

Derrière lui, une bibliothèque était remplie de dossier d'archives. Légèrement sur sa droite, la tranche de l'une de ces grandes boîtes attira mon attention. Alors que sur chacun des autres dossiers des mots étaient écrits où je pouvais distinguer « Congrès Marseille 2002 », « Gynécologie » ou « FIV », celui que je remarquai portait les seules mentions « 0/XY ».

N'importe qui d'autre serait passé sans s'y arrêter sur ces signes accolés. Mais pas moi : ces quatres symboles sont tatoués à la hauteur du sacrum, juste en bas de mon dos ! « Tatoué » n'est d'ailleurs pas le mot adéquat, car il s'agit plus d'une incrustation imprimée, ni tatouage ni cicatrice, dont j'ignore l'origine.

Hébété, je regardai la photo comme si la réponse à quarante ans d'énigme s'offrait à mes yeux. Je fus pris d'une brusque fébrilité et me mis à transpirer.

  • ça va pas, Paul ?

Il fallut que Gilles me répète deux fois la question avant que je reprenne mes esprits.

  • Si, si, ça va.

  • Mais tu n'as pas l'air bien !

  • Non, ce n'est rien, ça va passer...

Gilles retourna à son service, non sans m'observer à la dérobée pour s'assurer que je n'allais pas m'écrouler sur la table.

Le passé était en train de me rattraper. Je me souviens parfaitement du moment où j'ai découvert ce qui était inscrit en bas de mon dos.

J'avais neuf ans. Je venais tout juste de rentrer en CM2 et nous étions à la piscine. Je vivais alors dans le pensionnat des pupilles de la Nation et des orphelins de guerre et du devoir de Compiègne.

Une étrange appellation au demeurant pour une institution créée en 1917 afin que l'Etat assume l'éducation des enfants ayant perdu un père ou une mère durant la Première Guerre mondiale. Elle a perduré car la Seconde Guerre est arrivée, puis l'Indochine, puis l'Algérie. Et maintenant des soldats meurent en Afghanistan ou en Irak.

La plupart des enfants ne restaient pas à l'internat toute l'année, car ils avaient encore de la famille, un parent, des grands-parents, des cousins... Le seul qui ne le quittait jamais, c'était moi, car je n'avais absolument aucune famille.

Je n'ai pas le souvenir d'avoir eu des parents, aucun souvenir d'avoir été triste de les avoir perdus. Je sais juste que j'ai grandi à Compiègne et que, pour autant que je me souvienne, je n'ai pas connu d'autre horizon que la vieille bâtisse du XVIIIè et son grand parc ceint de hauts murs au-dessus desquels je ne voyais que les arbres de la forêt avoisinante.

A l'âge où j'ai commencé à me poser des questions, le directeur m'a reçu pour me dire ce qu'il savait, ou ce qu'il a bien voulu raconter : « Mon petit, tu es arrivé ici sans que nous sachions vraiment d'où tu venais. C'est une religieuse habillée en blanc qui t'a amené et nous a simplement dit : « Il s'appelle Paul. Nous ne savons rien de son père ni de sa mère. » Je comprends que cela soit un peu court comme explication, mais je t'invite à l'accepter. Ne t'en préoccupe pas, ne te fais pas trop de noeuds au cerveau, car je crains que jamais tu ne les défasses et qu'ils t'immobilisent plus qu'ils ne te permettent d'avancer. »

Je n'avais pas de question. A neuf ans, on n'a pas obligatoirement envie de se compliquer la vie. J'amais Compiègne et j'avais de nombreux camarades qui étaient régulièrement submergés par la tristesse d'avoir perdu leur père pour estimer que ma situation était finalement plus enviable, car je n'étais triste d'aucuns bras qui ne me serreraient plus, d'aucun sourire que je ne reverrais plus.

Quand mon camarade Nicolas m'interpella, lors de la première sortie à la piscine, je ne sus que lui répondre :

  • ça veut dire quoi, ce qui est marqué en bas de ton dos ?

  • Quoi ? Y a rien de marqué dans mon dos !

  • Si, si... c'est écrit zéro, une barre de travers et on dirait deux lettres, X et Y... ça veut dire quoi?

En ouvrant autour de moi différentes portes de cabines de vestiaire qui offraient un miroir, je compris en me contorsionnant l'objet de la curiosité de mon camarade.

  • Ah, ça ! Je ne sais pas... C'est rien..."

Eric DE KERMEL - Les orphelins de l'aurore



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