Le Trochiscanthe nodiflore [TN]

n°742 (2020-43)

mardi 10 novembre 2020

"Lettre hebdomadaire" du site "Rencontres Sauvages"
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JS Bach - Prélude n° 2 - Le Clavier bien tempéré - BWV 847
Interprète : Glenn Gould
Tableau : Le triomphe de la mort - Pieter Brueghel l'Ancien
(un peu anxyogène... pardon !)

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  Un nouveau poster pour la "Margotte" !



  Fin de l'
été derrière la loge n° 5




Bouquet d'Eté

Courvières (Haut-Doubs)
loge n° 5 et jardin

juillet 2020



Feuille de Rhubarbe

Seneçon jacobée - Senecio jacobaea



Fléole - Phleum

Cardère sauvage - Dipsacus follunum



Joubarbe

Coquelicot

Bourrache

Gaillet

Goutte d'eau sur une feuille
d'Alchemille

Epiaire officinale - Stachys officinalis

Fruit d'une ombellifère (Apiaceae)

Fleurs
d'Achillée millefeuille - Achillea millefolium

Lichen : Cladonie

Cirse vulgaire - Cirsium vulgare

Ail potager - Allium oleraceum (sauvage)
Courvières, loge n°5 (Haut-Doubs)
juillet 2020

<image recadrée>

Fruits de la
Gesse de Bauhin -
Lathyrus bauhinus
Courvières, loge n°5 (Haut-Doubs)
juillet 2020

Ail potager - Allium oleraceum
(sauvage)
Courvières, loge n°5 (Haut-Doubs)
juillet 2020

Courvières (Haut-Doubs)
juillet 2020

Cardère : avant la floraison
Courvières (Haut-Doubs)

juillet 2020

Trêfle des prés - Trifolium pratense
Courvières (Haut-Doubs)

juillet 2020



Courvières (Haut-Doubs)
juillet 2020

Fleurs de Pomme de terre
Courvières (Haut-Doubs)

juillet 2020

Courvières (Haut-Doubs)
juillet 2020

Matricaire fausse camomille - Matricaria discoidea
Courvières, loge n° 5 (Haut-Doubs)
juillet 2020

Fleurs du
Chénopode Bon Henri - Chenopodium bonus-henricus

Courvières, loge n° 5 (Haut-Doubs)
juillet 2020

Fléole
Courvières, loge n° 5 (Haut-Doubs)
juillet 2020

Feuille de Rumex
Courvières, loge n° 5 (Haut-Doubs)
juillet 2020

Euphorbe verruqueuse (?) - Euphorbia verrucosa
Courvières, loge n° 5 (Haut-Doubs)
juillet 2020

Knautia
(fleur blanche !)

Courvières, loge n° 5 (Haut-Doubs)
juillet 2020

Knautie à feuilles de cardère - Knautia dipsacifolia
Courvières (Haut-Doubs)
juillet 2020

Seneçon jacobée - Senecio jacobaea

Silène enflé - Silene vulgaris
Courvières (Haut-Doubs)
juillet 2020

Knautie en fruit
Courvières (Haut-Doubs)
juillet 2020

Lotier
Courvières (Haut-Doubs)
juillet 2020

Fleur de Courge
Courvières (Haut-Doubs)
juillet 2020

Salsifis en fruit
Courvières (Haut-Doubs)
juillet 2020


L’herbe à Guernesey, c’est l’herbe de partout, un peu plus riche pourtant ; une prairie à Guernesey, c’est presque le gazon de Cluges ou de Géménos. Vous y trouvez des fétuques et des paturins, comme dans la première herbe venue, plus le brome mollet aux épillets en fuseau, plus le phalaris des Canaries, l’agrostide qui donne une teinture verte, l’ivraie raygrass, la houlque qui a de la laine sur sa tige, la flouve qui sent bon, l’amourette qui tremble, le souci pluvial, la fléole, le vulpin dont l’épi semble une petite massue, le stype propre à faire des paniers, l’élyme utile à fixer les sables mouvants. Est-ce tout ? non, il y a encore le dactyle dont les fleurs se pelotonnent, le pannis millet, et même, selon quelques agronomes indigènes, l’andropogon. Il y a la crépide à feuilles de pissenlit qui marque l’heure, et le laiteron de Sibérie qui annonce le temps. Tout cela, c’est de l’herbe, mais n’a pas qui veut cette herbe ; c’est l’herbe propre à l’archipel ; il faut le granit pour sous-sol, et l’océan pour arrosoir.

Maintenant faites courir là dedans et faites voler là-dessus mille insectes, les uns hideux, les autres charmants ; sous l’herbe, les longicornes, les longinases, les calandres, les fourmis occupées à traire les pucerons leurs vaches, les sauterelles baveuses, la coccinelle, bête du bon Dieu, et le taupin, bête du diable ; sur l’herbe, dans l’air, la libellule, l’ichneumon, la guêpe, les cétoines d’or, les bourdons de velours, les hémérobes de dentelle, les chrysis au ventre rouge, les volucelles tapageuses, et vous aurez quelque idée du spectacle plein de rêverie qu’en juin, à midi, la croupe de Jerbourg ou de Fermain-Bay offre à un entomologiste un peu songeur, et à un poète un peu naturaliste...

Victor HUGO - Les Travailleurs de la mer

Salsifis en fruit
Courvières (Haut-Doubs)
juillet 2020

Floraison de Cardère
Courvières (Haut-Doubs)
juillet 2020

Framboise
Courvières (Haut-Doubs)
juillet 2020

Cladonie
Courvières, loge n° 5 (Haut-Doubs)
juillet 2020

Knautie en bouton
Courvières (Haut-Doubs)
juillet 2020

Berce des prés - Heracleum sphondylium
Courvières (Haut-Doubs)
juillet 2020

Cladonie
Courvières, loge n° 5 (Haut-Doubs)
juillet 2020

Pissenlit en fruit
Courvières (Haut-Doubs)

juillet 2020

Véronique petit-chêne - Veronica chamaedrys
Courvières (Haut-Doubs)

juillet 2020

Framboise
Courvières, loge n° 5 (Haut-Doubs)
juillet 2020

Salsifis en fruit
Courvières (Haut-Doubs)
juillet 2020

Tanaisie commune - Tanacetum vulgare
Courvières (Haut-Doubs)
juillet 2020

Campanule
Courvières (Haut-Doubs)
juillet 2020

Seneçon jacobée - Senecio jacobaea

Bourrache en bouton
Courvières (Haut-Doubs)
juillet 2020

Seneçon jacobée - Senecio jacobaea

Cardère
Courvières (Haut-Doubs)
juillet 2020

Knautie à feuille de cardère en bouton
Courvières (Haut-Doubs)
juillet 2020

Coquelicot
Courvières (Haut-Doubs)
juillet 2020

Soucis
Courvières (Haut-Doubs)
juillet 2020

Cardère
Courvières (Haut-Doubs)
juillet 2020

Bourrache
Courvières (Haut-Doubs)
juillet 2020

Tanaisie
Courvières (Haut-Doubs)
juillet 2020

Ortie dioïque en fruit
Courvières (Haut-Doubs)
juillet 2020

Crépide bisannuelle - Crepis biennis
Courvières (Haut-Doubs)
juillet 2020




Suggestion de lecture :

"VII


D'habitude, je hais les veilles dames. Rien de plus hypocrite que ces animaux-là. Tout miel avec nous, les enfants, caresses et areu, areu quand les parents les regardent. Mais dès qu'ils ont le dos tourné, elles se vengent de notre jeunesse, elles nous pincent de leurs doigts décharnés de sorcière, nous piquent de leurs aiguilles à tricoter ou, pire supplice, nous embrassent à tout bout de champ pour nous punir de sentir si bon et d'avoir la peau si douce.

Mais celle qui me fut résentée ce jour-là, je l'ai aimée, dès le premier instant.


Une maisonnette comme on voit des centaines au bord de toutes les plages : banale, blanche, un étage, deux fenêtres et un balcon pour se saouler d'horizon. Un panneau sur la porte :


ENTREZ SANS FRAPPER,

MAIS, S'IL VOUS PLAIT,

ATTENDEZ LA FIN DU MOT.

MERCI.


Et un chuchotement, des sons qui bruissaient plutôt que ne parlaient, comme un gazouillis de moineau malade ou comme les prières à l'église. D'ailleurs, je l'ai compris plus tard, il s'agissait bien d'une prière.

Monsieur Henri ouvrit. Personne. Nous traversâmes le salon encombré d'animaux empaillés mités et de livres déchiquetés. Peut-être les gens aimaient-ils tellement les romans, dans cette île, qu'ils les dévoraient ? A part eux, rien. Seul le murmure nous guidait. Autre porte. Le jardin. Un carré minuscule planté de trois palmiers, une table ronde recouverte de dentelle où reposait un gros dictionnaire ouvert.

Et, bien assise sur une chaise à très haut dossier, semblable à celles qu'on voit dans les châteaux, vêtue d'une robe blanche de fête, la personne la plus vieille que j'aie jamais rencontrée.

Comprenez-moi : pas seulement ridée, mais crevassée, ravinée, creusée, de vrais canyons, les yeux perdus sous d'invraisemblables plis et la bouche disparue au fond d'un trou. L'ensemble surmonté d'une crinière immaculée, la chevelure d'une lionne des neiges. Je n'osais imaginer le nombre d'années nécessaires pour sculpter ces sillons sur la peau et laver, relaver ces cheveux.

Un ventilateur veillait sur cette antiquité. On aurait dit un chien, ce ventilateur. Son gros oeil unique fixé sur sa maîtresse grondait sur commande.

  • « Echauboulure ».

L'antiquité modulait les syllabes avec une douceur que je n'avais entendue nulle part, une tendresse timide, elle articulait comme une amoureuse. C'est peut-être pour cela qu'elle avait choisi une robe de mariée. Pourquoi personne n'avait jamais prononcé ainsi mon prénom ?

Comme le réclamait l'écriteau, nous attendîmes « la fin du mot ».

  • « Echauboulure ».

Evidemment, je n'avais pas la moindre idée du sens de ces cinq syllabes. Je n'eus pas à attendre longtemps.

Une main toute rose parut, dans le jardin minuscule, et se posa sur la dentelle de la table. Sur la main, une cloque rouge poussa.

  • C'est bien ça, chuchota Monsieur Henri. Il s'était penché vers le dictionnaire et lisait la définition : Echauboulure : petite cloque rouge qui survient sur la peau pendant les chaleurs de l'été.

Sept minutes s'écoulèrent dans le plus parfait silence. On n'entendait au loin que le chant de quelques oiseaux et les raclements de la mer sur le sable. Puis la main et la cloque s'évanouirent. Mais le mot demeura, ses cinq syllabes brillantes voletant dans l'air tel un papillon. Il disparut bientôt en agitant les ailes, pour dire merci, merci de m'avoir prononcé. La plus vieille dame du monde se retourna vers nous. Impossible de savoir si elle nous voyait. Je vous l'ai dit : à la place habituelle des yeux n'étaient que des plis.

Le ventilateur n'appréciait pas notre présence. En bon chien de garde, il grondait et soufflait. On le sentait prêt, pour défendre sa maîtresse, à sauter sur le visiteur et à le découper en rondelles.

Heureusement, le vent qu'il produisait tourna la page du gros dictionnaire. Et, de sa même voix douce, attendrie, d'amoureuse, la nommeuse, sans plus s'occuper de nous, lut lentement les quatres syllabes d'un autre mot :

  • « Echinidés ».

Une famille d'oursins à l'instant surgit sur la pelouse du jardin.

  • Vous avez compris son travail ? Nous chuchota Monsieur Henri. Elle redonne vie aux mots rares. Sans elle, ils disparaîtraient à jamais dans l'oubli.


Nous sommes restés longtemps dans le petit jardin, fascinés par le spectacle de ces résurrections. Qu'est-ce qu'un « éclateur » ? Un appareil composé de deux pièces métalliques entre lesquelles jaillirent des étincelles. Qu'est-ce qu'un « écrivain » ? Une sorte d'insecte coléoptère. Il se posa sur une longue feuille d'acanthe et, pris d'une faim soudaine, y découpa des trous en forme de lettre...

Oh, la joie de ces mots sortis de l'oubli. Ils s'étiraient, ils s'ébrouaient, certains n'avaient pas dû voir le grand air depuis des siècles.

Qu'est-ce qu'un « livre éléphantin » ? Un livre aux pages d'ivoire. Que sont les « embrassoires » ? Des tenailles utilisées par le verrier pour saisir les pots où l'on fond le verre.

La nuit tombait. Sur la pointe des pieds, nous avons quitté notre vieille amie.

Chère nommeuse ! (Monsieur Henri avait les yeux attendris d'un enfant parlant de sa maman.) Puisse-t-elle vivre mille ans ! Nous avons tant besoin d'elle ! Nous devons la protéger de Nécrole.

Voyant mon air angoissé (qui pouvait bien être ce Nécrole ?), il me prit par l'épaule et me parla politique, comme à une grande.

  • Nécrole est le gouverneur de l'archipel, bien décidé à y mettre de l'ordre. Il ne supporte pas notre passion pour les mots. Un jour, je l'ai rencontré. Voici ce qu'il m'a dit : « Tous les mots sont des outils. Ni plus ni moins. Des outils de communication. Comme les voitures. Des outils techniques, des outils utiles. Quelle idée de les adorer comme des dieux ! Est-ce qu'on adore un marteau ou des tenailles ? D'ailleurs, les mots sont trop nombreux. De gré ou de force, je les réduirai à cinq cents, six cents, le strict nécessaire. On perd le sens du travail quand on a trop de mots. Tu as bien vu les îliens : ils ne pensent qu'à parler ou à chanter. Fais-moi confiance, ça va changer... » De temps en temps, il nous envoie des hélicoptères équipés de lance-flammes, et fait brûler une bibliothèque...

Je frissonnais. Voilà donc les fameux ennemis qui nous menaçaient ! De colère, les doigts de Monsieur Henri me serraient le cou, de plus en plus fort. Je me retenais de crier. J'avais presque mal.

  • Ne te trompe pas, Nécrole n'est pas seul. Beaucoup pensent comme lui, surtout les hommes d'affaires, les banquiers, les économistes. La diversité des langues les gêne pour leurs trafics : ils détestent devoir payer des traducteurs. Et c'est vrai que si la vie se résume aux affaires, à l'argent, acheter et vendre, les mots rares ne sont pas très nécessaires. Mais ne t'inquiète pas, depuis le temps, on sait se protéger.


Ainsi finit notre troisième journée sur l'île. Ainsi commença pour moi l'habitude d'une petite cérémonie qui ne m'a jamais apporté que du bonheur : chaque dimanche soir, avant de m'endormir, je flâne quelques minutes au fond d'un dictionnaire, je choisis un mot inconnu de moi (j'ai le choix : quand je pense à tous ceux que j'ignore, j'ai honte) et je le prononce à haute voix, avec amitié. Alors, je vous jure, ma lampe quitte la table où d'ordinaire elle repose et s'en va éclairer quelque région du monde ignorée..."

Erik ORSENNA - La grammaire est une chanson douce



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