Le Trochiscanthe nodiflore
[TN]
n°737 (2020-38)
mardi 6 octobre 2020
"Lettre hebdomadaire" du site "Rencontres
Sauvages"
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Astugue (Hautes-Pyrénées) Les cochons Astugue (Haute-Pyrénées) jeudi 3 septembre 2020 <image au 16/9ème prise avec mon portable Samsung A50> <Samsung AS50> Ronce Astugue (Haute-Pyrénées) jeudi 3 septembre 2020 jeudi 3 septembre 2020
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Eupatoire
chanvrine Astugue (Haute-Pyrénées) jeudi 3 septembre 2020 Au lever du
soleil
Astugue (Haute-Pyrénées) vendredi 4 septembre 2020 <Samsung A50> <Samsung A50><Samsung
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<Samsung A50> Astugue
(Haute-Pyrénées)
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vendredi 4 septembre 2020 <Samsung A50> <Samsung
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Vue sur la maison
(ossature bois et paille) en constructionAstugue (Haute-Pyrénées) vendredi 4 septembre 2020 <Samsung A50> Portrait
Astugue (Haute-Pyrénées) samedi 5 septembre 2020 <Samsung S50> Fougère
Astugue (Haute-Pyrénées) jeudi 3 septembre 2020 Campanule
étalée - Campanula
patula
Astugue (Haute-Pyrénées) vendredi 4 septembre 2020
Astugue (Haute-Pyrénées) vendredi 4 septembre 2020 Astugue (Haute-Pyrénées) vendredi 4 septembre 2020
Benoîte des
villes - Geum
urbanum Astugue (Haute-Pyrénées) vendredi 4 septembre 2020 Chataignier
Astugue (Haute-Pyrénées) vendredi 4 septembre 2020 Adour
à Bagnères
de Bigorre Astugue
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Regains Astugue (Haute-Pyrénées) samedi 5 septembre 2020 La griffe <Samsung A50> <Samsung A50> Le regain est mis à sêcher, dans une partie de la grange,équipée d'une cellule ventilée. L'air chauffé par la toiture permet de finir le séchage. <Samsung A50> <Samsung
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Astugue
(Haute-Pyrénées) Astugue
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YourtesAstugue (Haute-Pyrénées) dimanche 6 septembre 2020 <Samsung A50> Bélier
"basco-béarnais" <Samsung
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Passiflore<Samsung A50> <Samsung A50> <Samsung A50> Clématite<Samsung A50> Mauve Rosée Campanule
étalée Benoite des
villes... en fruit Astugue
(Haute-Pyrénées) Pissenlit Astugue
(Haute-Pyrénées)
Soir <Samsung A50>
Matin <Samsung A50> Loubette et son petitAstugue (Haute-Pyrénées) vendredi 11 septembre 2020 <Samsung A50> <Samsung A50> <Samsung A50><Samsung
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Impatiente
de l'Himalaya
Au bord de l'Adour (Haute-Pyrénées) septembre 2020
Capucine
Astugue (Haute-Pyrénées) vendredi 11 septembre 2020 Liseron
Astugue
(Haute-Pyrénées)Astugue (Haute-Pyrénées) samedi 12 septembre 2020 samedi 12
septembre 2020
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"IV
Panturle a pris sur la paille une pomme de l'automne dernier. Elle est froide et de peau verte ; il la chauffe dans sa paume ; il la chauffe avec sa bouche en soufflant dessus avant de mordre. Il est assis devant sa porte. Ça a fait du chemin depuis que la Mamèche est partie. Dans ce coin, un petit bout de lilas va fleurir et le vent de la plaine a porté jusqu'ici une grosse abeille toute folle et qui s'est mise à renifler les tuiles. Mais elle va mourir. C'est trop tôt de quelques jours.
Il est allé guetter le renard. Ça se fait avec beaucoup de silence et peu de gestes. On se cache en colline et on écoute. Si on sait lire dans les bruits de l'air on apprend qu'il couche là, qu'il va de là à là, qu'il cherche les cailles, qu'il suit les perdreaux. Après, caler le piège, c'est un jeu. A la guette du renard, Panturle a rencontré le vent, le beau vent tout en plein, bien gras et libre, plus le vent de peu qui s'amuse à la balle, mais le beau vent, large d'épaules qui bouscule tout le pays. A le voir comme ça, Panturle s'est dit : « Celui-là, c'est un monsieur. »
Il ne sait pas bien comment ça se fait ; il était couché dans l'herbe, et c'était pour le renard ; puis petit à petit il a glissé vers autre chose, au moral. Il faut dire que, là où il est, c'est sur cette bosse seule, face au midi où tout le mouvement de l'air passe. Le vent s'appuie sur lui de tout son poids, par larges coups, longs et lourds, puis, s'envole, et c'est un ronron comme de chat. Il est là à plat ventre sur la terre et le vent presse comme une éponge. Cette chose du renard et du glapit qu'il faut guetter, ça coule de lui dans l'herbe et la terre le boit. Ces autres choses auxquelles il pensait, qui sont dans sa peau comme des vinaigres ou des eaux douces, elles coulent aussi de lui pressé de vent ; et c'est aussi l'herbe et la terre qui le boivent. Le voilà vide tout d'un coup. Le vent toque du doigt contre lui comme contre un baril, pour voir s'il reste encore du jus. Non, Panturle sonne sous le doigt du vent comme un baril vide. Il est revenu à la maison presque au soir. Il n'y avait jamais eu de renard sur la terre.
Il s'est aperçu que c'était presque le soir parce qu'en marchant la tête haute vers le vent, il a vu le soleil qui passait ses cornes par le fenestron du clocher. Il se sent tout lavé de haut en bas comme un drap avec une brosse. Il est tout blanc, il est tout neuf. Il va sur la terre avec un coeur propre.
Le jour d'après, il a quand même entendu le renard. C'est la grosse habitude, la mécanique de la tête qui tourne encore de son propre élan. C'est venu du Valgast, puis du Chaume-Bâtard, donc, dans le creux des terres fortes, la bête passe quelque part, au milieu des pierres. Ça va. Le piège est de bon acier ; il claque de la mâchoire comme un maître. De la tripe de lapin pourrie, graisser le ressort et ça y est. Panturle se redresse ; il voit l'aubépine du ruisseau. Elle est neuve, elle aussi, et fleurie ; elle écume. Comme il est là, une pelote de plumes et cris lui vient frapper la poitrine, tombe à terre, se partage et rejaillit de l'herbe en deux moineaux.
Au même moment le vent le ceinture d'un bras tiède et l'emmène avec lui. La raison qu'il se donne c'est qu'il est de trop bonne heure pour piéger. Le vrai, c'est qu'il lui semble partir en promenade avec un ami.
Il y a Caroline qui bêle. Ce n'est plus sa voix de vieille bique, mais un petit tremblement doux d'enfant-chèvre. Elle se plaint comme ça aux quatre coins de l'air. Elle gémit devant le cyprès, devant l'aubépine. Elle a mangé la première fleur du lilas. Ce matin, il n'est sorti de ses mammelles que deux ou trois gouttes de lait jaune qui sont restées dans les poils. Panturle insiste du pouce. Caroline rue, se dégage et va gémir contre la lucarne qui souffle le souffle en fleur du vent. Le bol est vide.
Elle vient vers lui toute tremblante, pousse sa tête rocailleuse contre la tête de l'homme, doucement, en caresse, et geint.
Cette aubépine où se pose le soleil dès qu'il dépasse la colline, elle a un rossignol dans ses feuilles. On dirait que c'est elle qui chante. Il est venu dans le petit pré une ondulation d'herbe et il ne faisait pas de vent ; à cause de ça, Panturle a vu la couleuvre qui s'en allait sa route, toute frétillante, vêtue de neuf. Quand elle a été au bout du pré, elle s'est retournée ; on voyait qu'elle n'avait rien d'autre à faire que de nager de tout son corps dans la fraîcheur verte. Il y a maintenant, sous l'auvent des tuiles, un petit essaim qui cherche un abri. On dirait une poignée de balles de blé que le vent porte. Il est venu aussi – c'était dans les midi – un grand chien inconnu. La lisière du bois s'est ouverte ; il a hésité au seuil du pré. Il était maigre et tout en os comme un cep de vigne ; sa gueule rouge cherche le fil du vent. Il est allé sur le ruisseau et il a bu. Il buvait, puis, il levait la tête et regardait Panturle un moment ; il se remettait à boire. On entendait l'eau qui descendait dans son gosier par blocs épais et ça s'entassait dans sa peau avec du vent. D'un coup, une odeur a dû passer et il s'est lancé derrière elle. On sent que la terre s'est passionnée pour un travail qui éclate en gémissement d'herbes et passages de bêtes lourdes. Les bêtes sont lourdes. Il y en a bien de légères et de maigres qui bondissent, des mâles, mais il y a surtout des bêtes lourdes, comme gonflées, et qui passent lentement dans les clairières et qui cherchent sous les buissons, et qu'on entend fouiller sous les chênes, dans les feuilles sèches. Celles-là, quand Panturle les rencontre, il s'arrête et il les regarde sans bouger. Elles se hâtent péniblement vers un couvert, et là se blotissent, essouflées, l'oeil tremblant, comme une fleur au vent.
Il les laisse en paix parce qu'il est chasseur et que c'est sa provision à lui qu'elles ont dans le ventre.
Il est inquiet et amer ; il s'est aperçu brusquement qu'il était seul. Caroline n'a plus de lait.
Cette nuit, il a eu un rêve qui l'a tourné de côté et d'autre et qui l'agaçait comme un chatouillement au creux du coude.
Cette nuit, il a eu un rêve qui l'a tourné de côté et d'autre et qui l'agaçait comme un chatouillement au creux du coude. Avant de s'endormir, il a pensé à sa solitude, à ce temps de Gaubert et de Mamèche. Puis il a pensé avec ardeur à la Mamèche elle-même. Si elle avait été plus jeune... Folie de se dire ça, mais, aussi, cette grande haine que le monde a contre lui, depuis le soleil jusqu'à l'herbe. Cette force folle que le printemps a mise au creux de ses reins et qui bout, là, comme une eau toujours sur le feu... Si la Mamèche était encore là, il attendrait le jour, ah, oui, il attendrait le jour, parce que cette nuit est trop mauvaise pour son entendement et il n'est pas sûr de ses gestes, et puis, le jour venu, il irait lui dire :
Mais, à y réfléchir, c'est peut-être ça son départ. Elle était tenace dans ses idées. On a cogné contre la porte. Un bond ; il va ouvrir : la nuit déserte le salue. Il s'est recouché, il s'est rendormi, et, tout de suite cette femme qu'il veut, il l'a eue là, allongée contre lui. C'est de la chaire blanche, c'est contre lui du genou jusqu'à la poitrine. Il s'est réveillé comme un bloc de bois qui a plongé remonte au-dessus de l'eau. Il est étendu sur le ventre. Il s'est remis sur le dos. Alors, c'est revenu, plus doucement, de plus loin, mais c'est revenu : Une maison où il allait du temps de son service militaire derrière les abattoirs de la ville. Chaque fois on se battait avec des artilleurs. On passait un petit pont. Dans le ruisseau sale, dessous, l'eau dormait dans les détritus et les débris de viande ; une eau noire avec une peau de soie de toutes les couleurs. Il y avait de tout : des vieilles tripes, des pieds de boeufs écorchés, raides, avec le sabot gonflé comme une tête. Il a sauté sur son matelas comme un poisson. Il s'est réveillé, il est allé devant la fenêtre. Dehors, c'est la belle lune et il est resté tout malade contre cette belle lune qui fait déborder le bassin de la vitre jusque près de l'âtre. Une bête est venue jouer dans la prairie. Ce devait être une femelle de blaireau. Elle s'est mise sur le dos, le ventre en l'air, un beau ventre large et velouté comme la nuit et qui était plein et lourd..."
Jean
GIONO - Regain
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