Le Trochiscanthe nodiflore
[TN]
n°718 (2020-19)
mardi 12 mai 2020
"Lettre hebdomadaire" du site "Rencontres
Sauvages"
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s'occuper et se cultiver
des "Mots Fléchés" - à télécharger (format
pdf), sur le thème du "Rougegorge"
: sur le thème de Genève
: sur le thème de Berlin
: Je vous les enverrai au prochain [TN] Bon courage ! Les réponses des grilles précédentes du [TN] n° 716 Chamois : Horizontal : 3. Corne 5. Démangeaisons 6. Rut 8. Rocher 10. Ombres 13. Brouter 14. Bouc 16. Feuilles Vertical : 1. Pommier 2. Genévrier 3. Chevre 4. Herbe 7. Repos 9. Cabris 11. Saut 12. Oreille 13. Brume 15. Couché Renard : Horizontal : 2. Sousbois 5. Blaireau 6. Foyard 8. Terrier 9. Bisou 10. Oreilles 11. Assis 12. Dentaire 14. Mercuriale 16. Démangeaisons Vertical : 1. Moustaches 3. Regard 4. Mousse 5. Baillement 6. Fronde 7. Sieste 13. Queue 15. Renarde Hautes-Pyrénées (Labassère) : Horizontal : 4. Digitale 7. Souche 9. Usnée 12. Pouliche 15. Cochons 16. Estive 17. Brume 18. Bergère Vertical : 1. Fromagerie 2. Limace 3. Cabane 5. Abondance 6. Rougequeue 8. Caillé 10. Boucs 11. Accenteur 13. Troupeau 14. Patou Creux du Van : Horizontal : 6. Accouplement 9. Pelage 11. Boucs 13. Cornes 14. Bisou 16. Etagne Vertical : 1. Grenouille 2. Harde 3. Allaitement 4. Reine 5. Campanule 7. Tortue 8. Falaise 10. Cabris 12. Oreille 13. Chamois 14. Brume 15. Mésange Hautes-Alpes : Horizontal : 1. Clarée 4. Viso 5. Edelweiss 8. Embrun 9. Vigne 12. Choucas 13. Bérardie 15. Chamois 16. Pulsatille 17. Astragale 18. Coquelicots Vertical : 2. Radeliers 3. Troupeau 6. Durance 7. Génépi 10. Marmotte 11. Mélèze 14. Agneau |
Courvières (Haut-Doubs) jeudi 2 avril 2020
Ortie Courvières (Haut-Doubs) jeudi 2 avril 2020
Bourgeon de Sapin Courvières (Haut-Doubs) jeudi 2 avril 2020 Mélèze Courvières (Haut-Doubs) jeudi 2 avril 2020 Lichen
Corydale
Violette
Anémone
sylvie
Corydale
Lichens
Primevère
Potentille
Ellébore
fétide
Potentille
Crocus Pissenlit
Capselle
bourse à pasteur
Prunellier
Lamier
pourpre Primevère
Crocus
Ficaire
fausse-renoncule
Crocus (individu
violet)
Renoncule
Pulmonaire
Tussilage
Crocus (individu
violet) Jonquille
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"25 septembre Outre les grizzlis, les tétras, les orignaux, les cerfs à queue noire, les wapitis, les porcs-épics, les canards, les oies, les lièvres, les pumas, les lynx, les ours noirs, les coyotes, les loups gris (une poignée), les blaireaux, les martres, les pékans et les gloutons, nous avons dans notre vallée, une cataracte, sur la piste des lacs Fish. Pour y accéder, il faut remonter une étroite gorge, dont les deux parois sont tapissées de fougères trempées qui dégoulinent. Une rivière, la Vinal Creek, descend fougueusement le long de la piste, dominée de très haut par de gigantesques mélèzes et cèdres – ce qu'on appelle ici des arbres de vieille pousse, des futaies qui n'ont jamais été coupées, et qui sont aussi nécessaire à la diversité et à la survie de la forêt que les personnes âgées peuvent l'être à celles d'une culture, d'une civilisation. Leur dais protecteur, loin au-dessus, est d'une telle épaisseur que l'on peut, sous une pluie fine, remonter la piste jusqu'à la cataracte sans être mouillé. Des sabots de Vénus fleurissent tout le long du chemin, et l'on sait qu'on approche de la chute d'eau quand l'air prend cette consistance négative, comprimée, plus lourde que la pesanteur – la forêt entière vibre ; presque aussitôt on l'entend. Et puis, à travers les feuillages denses, on aperçoit cette vision magique : l'eau qui franchit d'un bond le bord de la paroi et s'abat, qui tombe à flots du ciel. Raymond Carver a écrit, sur le nord-ouest des Etats-Unis, en bordure du Pacifique, un superbe livre, A New Path to the Waterfall. Je ne sais pas s'il a jamais remonté la Vinal Creek, mais j'aime à penser que si. Dans son poème « En cherchant du travail », il écrit :
J'ai toujours voulu de la truite sauvage au petit déjeuner. Soudain, je découvre un nouveau chemin menant à la chute d'eau. Je commence à me dépêcher. Réveille-toi, me dit ma femme, tu es en train de rêver. Mais quand j'essaie de me lever, La maison bascule. Qui est en train de rêver ? Il est midi, dit-elle. Mes chaussures neuves attendent à la porte, toutes luisantes.
Il me semble que personne, dorénavent, ne devrait se risquer à écrire sur les chutes d'eau. C'est exactement ça : quand vous voyez la cataracte devant vous, vous vous dépêchez ; vous contemplez le bassin au pied de la chute, avec des pensées de poissons ; et votre maison, ou votre univers, ou la routine de votre existence, bascule en effet quand vous essayez de détourner les yeux de cette eau qui tombe. Elle hypnotise davantage encore que le feu ou les flammes. Outre la cataracte, il y a une petite prairie et, comble du pittoresque, un tronc d'arbre abattu qui sert de banc. Des passerelles en bois, construites dans les années 1930, s'entrecroisent au-dessus de la rivière limpide ; sur le gravier au fond de l'eau, les ombres des truites glissent dans toutes les directions. Je m'assois sur le banc et je regarde l'eau déferler – c'est bien un bruit de tonnerre, oui, avec une vapeur qui s'élève en tourbillons dans le vide, une vapeur qui remonte le long de la paroi comme de la fumée ; on dirait qu'elle s'efforce de retracer sa chute, de regagner le sommet. Sur tous les rochers qui environnent la chute d'eau tout autour du bassin profond et turbulent, on voit une mousse épaisse, spongieuse, d'un vert électrique. Près de cette cataracte, je l'ai remarqué, il y a un cincle, un seul, qui se perche sur les rochers moussus et sautille sur place, reproduisant exactement – je ne sais pas vraiment qui étaient les Romantiques, mais ils m'auraient sûrement tué pour avoir osé penser une chose pareille – le mouvement d'une agrafeuse automatique ; il sautille sans bouger d'un pouce, comme le petit oiseau d'une pendule à coucou, faisant une révérence rythmée, mécanique. Dans ces bois paisibles et lourds, même au milieu des tourbillons et du tumulte de la chute d'eau, son mouvement se remarque autant qu'une enseigne au néon. Un petit oiseau brunâtre obéit à sa nature, j'imagine, en se perchant sur cette mousse vert tilleul pour y danser, mais il me semble quand même que l'année est un peu trop avancée pour faire sa cour à une femelle. Je me rappelle en partie ce qu'a dit John Muir d'un cincle qui l'avait charmé, voici près de cent ans. Dans The Mountains of California, il a consacré un chapitre entier à cet oiseau, avec des illustrations représentant ses poses et ses gestes divers, et il a noté que c'était « un petit bonhomme singulièrement joyeux et aimable ».
« Trouvez une chute d'eau, ou une cascade, ou des rapides, à n'importe quelle hauteur d'un cours d'eau limpide, et vous y trouverez sûrement son cincle inséparable, voletant dans la fine vapeur d'eau, plongeant dans l'écume des remous, tournoyant comme une feuille parmi les bulles de cette eau fouettée ; toujours vigoureux et enthousiaste, et pourtant réservé, car il ne cherche ni ne fuit votre compagnie. »
Exactement ! En l'espace d'un siècle – en tout cas, dans cette étroite gorge de l'extrême nord-ouest du Montana – les cincles n'ont pas changé. J'ai l'impression d'avoir remonté le temps, comme par magie, d'avoir été précipité dans le passé. C'est pour cela que nous sommes venus ici, pour trouver un cingle intact. C'est bien mieux que de lire un roman, cette impression vertigineuse d'être perdu, agréablement perdu, transporté vers d'autres mondes – et c'est certainement mieux que d'en écrire un. J'observe le cincle pendant si longtemps, et avec un tel plaisir, que je commence à me sentir coupable. Muir a écrit que le cincle est généralement tout seul, et c'est en effet le cas de celui-ci. Je suis tout seul, moi aussi, ayant laissé Elizabeth chez nous, au chalet ; elle me manque, mais en même temps je me délecte de ce paysage vide, de cette nature profondément sauvage.
« C'est l'enfant chéri du torrent de montagne, l'oiseau-mouche des eaux tumultueuses, il aime les pentes rocheuses où l'eau rebondit, et les nuages d'écume, comme l'abeille aime les fleurs, comme l'alouette aime le soleil et les prés. Parmi tous les oiseaux montagnards, aucun ne m'a autant réjoui au cours de mes pérégrinations solitaires – non, aucun aussi inéluctablement. »
Pendant plus de vingt pages, Muir se fait le chantre de son petit cincle ; je contemple le mien pendant une vingtaine de minutes peut-être. Un dernier passage de Carver, extrait de « Femme au bain » :
Naches River. Juste au-dessous des chutes. A trente kilomètres de toute ville. Par un jour de soleil dense au capiteux parfum d'amour. Combien de temps avons-nous ?
Il se fait tard, et je me mets à penser à Elizabeth. Je prends le chemin du retour..."
Rick
Bass - Winter
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