Mardi 26 juin 2007
Dernières images du site "Rencontres Sauvages" : 71
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Un étang au bord du Lac de Neuchatel

Champ Pittet - Yverdon (Canton de Vaud, Suisse)

Canard colvert mâle au repos...
Lundi 7 mai 2007

... et son reflet !

Rousserole turdoïde chantant au sommet d'un roseau.
Dimanche 13 mai 2007

La roselière et l'étang vue d'en haut, au fond le Lac, puis le Jura
Dimanche 29 avril 2007

Grenouille verte chantant
Dimanche 13 mai 2007

Grande Aigrette en vol (l'orage approche).
Dimanche 10 juin 2007

Nymphéas sous la pluie
Dimanche 10 juin 2007

Orchis laxifolia
Samedi 26 mai 2007

Emergence d'une nouvelle libellule
Dimanche 10 juin 2007




Un petit texte :

"
Mare

Le grand fleuve Amazone, après un course sinueuse sous une voûte d'herbes hautes et plates comme des sabres, si denses qu'elles formaient un vrai tunnel plein de phosphorescences verdâtres et de remous, débouchait brusquement dans une mare nonchalante où la fougue des eaux s'apaisait.
A perte de vue (douze mètre) le regard se heurtait toujours à la muraille pressée des roseaux, des joncs, des iris, et des prêles qui dessinaient capricieusement les caps et les golfes de cette mer intérieure. A la surface flottaient des archipels de mousses dorées, de nymphéas et de lentilles d'eau, et dans les parties libres, bras de mer et lagunes, les eaux d'une transparence idéale révélaient la tapisserie des fonds sous-marins traversés d'algues et de poursuites. Une grosse souche, culbutée depuis vingt années dans un creux, servait d'île déserte à une grenouille robinsonne, large comme la main, vert bouteille, avec un oeil cerclé d'or, comme le O d'un vieux missel. Elle ne se donnait même plus la peine de plonger quand apparaissait le visiteur.
Le long des rives, les demoiselles au vol lent et ouaté posaient et reposaient sur les roseaux des touches éphémères, grenat, vieil or, bleu électrique ou vert émeraude. Puis, atterrissant tout de bon sur quelque roseau courbe, elles ouvraient et refermaient précautionneusement leurs ailes en cellophane de couleur. De temps à autre un flirt s'esquissait. Le mâle papillonnait, faisait du sur-place à côté de sa belle, puis des couples se formaient parmi les carex : et les corps minces dessinaient d'étranges entrelacs. Parfois, de super-libellules à réaction, sous la forme de grosses AEschnes bleues, ou d'Ajax, venaient inspecter en trombe les limites de leur réserve, se heurtaient en plein vol avec fracas, puis après quelques passes d'armes grésillantes fonçaient vers d'autres azimuts. Ou bien la femelle venait s'abattre parmi les tiges flottantes, à la base des roseaux, et se mettait à pondre, solidement amarrée des six pattes et le corps en arc de cercle. Le croc recourbé qu'elle portait à l'extrémité de l'abdomen servait à la fois de tarière et de pondoir. Il tâtonnait, forait les tissus de la plante, puis celle-ci bien transpercée, se fendait en deux et laissait échapper un oeuf qui demeurait collé sur sa pointe tandis que l'oviscapte se retirait.
Dans les anses, baies, golfes, les gerris en troupes patinaient à qui mieux mieux, et les girins, autrement dits tourniquets, menaient entre trois feuilles de nénuphar des sarabandes effrénées, qui rappelaient singulièrement les jeux d'autos-scooters, dans les foires. Ailleurs, le ventre blanc des notonectes venait capturer une perle d'air à la surface. Ou bien, entre les tiges à demi submergées, on voyait émerger lourdement la coque bombée, luisante d'un gros Hydrophile, véritable tortue d'eau douce. Il replongeait vite avec sa provision d'air miroitante, puis zigzaguait sur le fond,à puissant coup de rames, lesquelles étaient fournies par un épais râteau de poils greffé sur les pattes postérieures. Malgré sa taille, il était plutôt vertueux et végétarien ; à l'encontre de son cousin le Dytique, plus petit, mais féroce gangster s'attaquant à n'importe quoi. Sa larve avait de qui tenir. C'était une sorte de dragon blanchâtre, en forme de hameçon et faisant une chasse acharnée aux naïfs moineaux de cette forêt sous-marine, autrement dit les têtards qui grouillaient sur les plages sableuses du fond. La victime avait beau se débattre, l'ogresse la harponnait à l'aide de deux crocs courbes, minces comme des aiguilles hypodermiques, qui commençaient par injecter un venin dissolvant, puis pompaient les liquides intérieurs. Après quoi ce qui restait du têtard, une petite outre vide, descendait vers le fond où elle trouvait encore d'autres amateurs empressés... menus coquillages, vermisseaux, phryganes, sans compter la Murène-Sangsue qui rampait par là.
Si l'Hydrophile pouvait jouer avec avantage le rôle de la tortue marine, celui du crocodil appartenait de droit à la larve de libellule, monstre cuirassé, obscur, hérissé, hideux. Il était presque incroyable qu'une forme aussi repoussante puisse un jour libérer des ailes. Ce tueur s'embusquait dans l'ombre des algues et des potamots, et déclenchait sur tout être passant à bonne portée sa fameux masque crocheteur, s'attaquant même aux poissons bleu argent qui nageaient par troupes entre deux eaux.
Mais leurs évolutions pleines de grâce et de lumière constituaient aussi pour d'autres créatures les actes d'un drame inflexible. Sur les rives de cet étang oublié, au fond de ses eaux si paisible en apparence, régnaient comme partout ailleurs l'amour et la mort."

SAMIVEL – Univers Géant


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