Le Trochiscanthe nodiflore [TN]

n°708 (2020-09)

mardi 3 mars 2020

"Lettre hebdomadaire" du site "Rencontres Sauvages"
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Haendel - Alcina
Tornami a vagheggiar

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Cormoran et Colvert

La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs)
février 2020



Couple de Canard colvert
La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs)
samedi 8 février 2020



La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs)
samedi 8 février 2020


Femelle
La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs)

samedi 8 février 2020

Mâle
La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs)

samedi 8 février 2020

<image recadrée>

La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs)
samedi 8 février 2020

La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs)
samedi 8 février 2020

La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs)
dimanche 9 février 2020





La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs)
dimanche 9 février 2020

La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs)
dimanche 9 février 2020

Reflet
La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs)

dimanche 9 février 2020

La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs)
dimanche 9 février 2020

La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs)
samedi 15 février 2020

La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs)
samedi 15 février 2020
<image recadrée>

Grand Cormoran
La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs)

samedi 15 février 2020

La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs)
samedi 15 février 2020

La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs)
samedi 22 février 2020

La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs)
samedi 22 février 2020

Couple au repos, dans le givre
La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs)

samedi 22 février 2020

La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs)
samedi 22 février 2020

La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs)
samedi 22 février 2020




Suggestion de lecture :

"Si les orages s'abattent assez fréquemment au cours de l'été sur le massif du Mont Blanc, il est rare qu'ils éclatent à une heure aussi matinale, et d'ailleurs le terme « orage » paraissait désolemment faible en cette circonstance, comme tout autre qualificatif inventé par les hommes pour tâcher de saisir la réalité des grandes convulsions naturelles. Seul, peut-être, le mot « Météore », par son ambiguïté justement, et sa violence mystérieuse, pouvait arriver à contenir la chose ; car d'un orage elle possédait la haute tension électrique et les décharges ; d'un cyclone la puissance dévastatrice, la prodigieuse rapidité de déplacement ; d'une tourmente enfin l'emprise glaciale, haineuse, acharnée.

La première vague d'assaut engloutit du premier coup les avancées sud-ouest de la chaîne, et vint heurter à la vitesse de cinquante mètres-seconde les remparts du Dôme et du Mont Blanc. Là, comme une lame de fond sur un écueil, elle se cabra, jaillit en hauteur jusqu'à cinq mille et déborda immédiatement en noirs torrents à travers toutes les brêches et dépressions. Dans le même temps une autre colonne culbutait les faibles défenses du Prarion, prenait d'enfilade la vallée de l'Arve et n'y rencontrant aucun obstacle, avalait à toute allure les alpages et les forêts jusqu'à la base des grandes Aiguilles, pour s'élever ensuite verticalement le long de leurs flancs à la rencontre de la masse principale. Quelques instants, les dures flèches du Plan, des Blaitières, du Grépon, tâchèrent de résister à la houle formidable qui assaillaient leurs bases. Puis les deux raz-de-marées déferlèrent par-dessus les arêtes coupantes du granit, se mêlèrent comme des pieuvres, et le premier éclair lança son coup de dague à travers les nuées fuligineuses. A ce moment une cordée de trois qui venait de rebrousser chemin se hâtait dans la descente du couloir Charmoz-Grépon, et tout le monde fut exact au rendez-vous, la cordée et l'éclair, au rendez-vous fixé de toute éternité. Car il les frappa en pleine pente. Et deux s'en tirèrent malgré une secousse qui leur déchevilla l'âme du corps aux trois quarts, mais le troisième fut cloué sur place par le choix inexplicable de la mort, avec un visage noir, et un sourire bien étrange si l'on songe que ce jeune homme « plein d'avenir » venait de sortir dans les dix premiers de Polytechnique. Mais il préféra mourir et négliger ses chances. Ainsi furent balayées les espérances d'une famille bourgeoise.

Ce meurtre fut le signal d'un déchaînement général. Des pans de pluie s'effondrèrent lourdement dans la vallée, et les cavernes sonores de la pierre et de la glace commencèrent à retentir comme des tambours de guerre sous le martellement précipité de la foudre. Elle battait presque la mesure des coups de piolet dont La Fresnaye entaillait la neige avec une hâte fiévreuse. L'imminence du péril avait développé en eux au paroxysme certaines qualités d'équilibre et de décision qui sommeillaient d'ordinaire sans trouver d'emploi et ils fonçaient maintenant avec une aisance angélique à travers les pièges del 'arête, vers ce somme de l 'aiguille du Jardin où leur esprit les avait depuis longtemps précédés.

Mais cette course contre le temps était perdue d'avance. Soudain, les falaises de la Grande Rocheuse gémirent dans leurs dos sous l'effort du vent. Une nuée livide, déchiquetée, s'élança en sifflant du cratère obscur de l'orage, submergea les roches au galop, et quelques secondes plus tard la rafale était sur eux.

Elle les culbuta presque de son énorme poids. Et d'abord ils restèrent laminés, abrutis, se cramponnant frénétiquement à leurs piolets pour ne pas déraper dans l'à-pic ; la corde sifflait et battait l'air autour d'eux comme un serpent. Puis Gé se secoua et recommença en chancelant la progression tandis que le brouillard escamotait alentour les derniers morceaux épars de vallées et de parois. Ainsi furent tranchées les amarres qui les rattachaient visiblement au monde extérieur, et celui-ci les abandonna. Ainsi, dès le début, la tourmente définissait sans ambiguïté les conditions terribles de la lutte, car ils demeuraient seuls, au corps à corps avec elle pour de longues heures, et sans autre secours sérieux qu'une foi encore intacte dans leur propre immortalité.

Le vent avait saisi La Fresnaye par les épaules et le poussait en avant avec une obstination féroce. Il avait profité des dernières secondes d'éclaircie pour repérer à peu près sa route dans la cinquantaine de mètres qui les séparaient encore de la cîme, et il s'engagea de mémoire, à l'aveuglette, dans une nouvelle traversée. A trois pouces de son visage la pente s'évanouissait dans le néant, et il fallait tâter la montagne avec ses genoux et ses mains pour redécouvrir sa forme réelle car tout notion de relief ou d'abîme avait été abolie. Elle était désormais aussi remplie de trappes et d'illusions qu'une scène de théâtre. Le pied par exemple, lancé dans un vide apparent rencontrait tout à coup quelque chose de dur et demeurait suspendu en l'air. Il savait alors que la neige était là, mais pas plus tôt. Et le contraire arrivait aussi, infiniment plus dangereux. Néanmoins une tache grisâtre rayée de gerbes de grésil s'élabora lentement dans le brouillard à la place où devait surgir le dernier gendarme. Il paraissait éloigné, mais soudain le piolet heurta le granit raboteux, et Gé se tira dessus avec empressement. C'était une oasis solide dans un univers inconsistant. A cette seconde même, il y eut comme un vaste froissement de papier de soie, un éclat brutal, cassant, et l'air se remplit d'une âcre odeur d'ozone. La foudre avait dû tomber quelque part derrière eux, mais le coupt était trop court. Le vent tourna et un grésil minuscule et serré se mit à tambouriner verticalement la paroi, accumulant son caviar blanchâtre dans les angles et les rainures.

La Fresnaye fit une lente volte-face sans lâcher le rocher des mains et se blottit dans un creux pour assurer l'avance d'Erlac. Il commença à hâler sur la corde par larges brassées. C'était une corde fantôme, suspendue horizontalement dans l'espace où elle se dissolvait en fumée, semblable à un prestige de fakir. Des coups de fouet brusques et des balancements témoignaient seuls de la présence d'un être vivant à l'autre bout. Enfin Jacques se matérialisa, plié en deux, la tête enfouie dans les épaules pour éviter la mitraillade douloureuse des grêlons. Gé le ferra comme un poisson et il vint s'échouer haletant contre lui, le saisit à bras-le-corps pour maintenir son équilibre...

« Bon Dieu !... Doigts gelés... »

Il lâchait son piolet, cognait avec force sa main nue, ruisselante contre son flanc...

« Sens... plus rien...

  • ... Moufles ?...

Gé s'était penché de manière à amener son visage tout à fait contre celui de l'autre, et il criait très haut, mais le boucan de la tourmente emportait encore la moitié des mots et sa voix paraissait aussi étrangement lointaine et inhumaine que celle d'un speaker de T.S.F. dans une passe de fading.

« ... Dû... les oublier... Grande-Rocheuse... »

Un nouvel éclair flamba sur eux, et la réponse arriva, tardive mais distincte, entre deux montagnes de grondements...

« ... Imbécile ! »

Ils repartirent. Dans l'abrutissante rumeur des tourbillons s'insinuait maintenant un nouveau son, un sifflement léger, strident, sans origine définie paraissant sourdre de partout à la fois, des rochers, de l'arête, de la montagne tout entière. On eut dit la menace grandissante d'une nichée de serpents. A la pointe des granits jaillirent des aigrettes de feu qui dardaient verticalement leurs langues bifides et bleuâtres ; les cheveux des hommes se hérissèrent et leurs piolets bourdonnèrent comme des guêpes. Baigné dans une formidable tension électrique le sommet se déchargeait dans le nuage et libérait bruyamment des torrents de fluide. C'est à cette circonstance qu'ils durent sans doute de n'être pas foudroyés sur-le-champ, mais ils l'ignoraient et leur moral en fut atteint. Ils franchirent avec terreur le cap de la cime, se lancèrent à corps perdu dans la descente. Plus bas le phénomène diminuait d'intensité et ils s'immobilisèrent un instant, à bout de souffle.

Autour d'eux la bourrasque ruait et rugissait férocement sur les roches martyrisées et sa puissance s'était encore accrue. Elle avait ramassé tous les sons en une seule note, haute, stridente, suraiguë qui vrillait l'espace et les nerfs avec une continuité diabolique. Et par là-dessus le vent charriait encore de temps à autre de grandes clameurs discordantes, pleines de sauvage douleur et d'incohérence, comme si le silence des pierres misérables était délié pour un temps, et qu'elles aient enfin trouvé une bouche pour crier leurs longues souffrances de pierres broyées, calcinées, fendues sans merci depuis le commencement du monde par des millions et des millions de soleils et de blizzards. Amarrées à la crête par un mince faisceau de lanières ondulantes que le vent s'acharnait à rompre, de hautes flammes de neige se tordaient et virevoltaient follement au-dessus des gouffres de brouillard, ou brutalement rabattues tourbillonnaient au sol en chassant des gerbes pulvérulentes. Elles s'infiltraient partout, venaient par brusques volées saupoudrer le visage des hommes d'une poussière glacée jusqu'au fond de l'auvent rocheux sous lequel ils avaient cherché refuge. Serrés avec force l'un contre l'autre, ils formaient un seul bloc confus de vareuses, de corde et de piolets bizarrement camouflés par la neige qui s'amassait en farine dans tous les plis et leur collait des postiches épais sur les sourcils et les cheveux. Et sous les placards de blanc, leurs vêtements de gros drap n'étaient plus que des loques imbibées qui collaient lourdement à leurs os, comme un suaire. Maintenant que le vent leur portait quand il voulait ses coups de poignard jusqu'au fond des moelles et la chaleur s'écoulait d'eux par tous les bouts, comme du sable d'un sac transpercé. Il fallait un terrible effort de volonté pour recueillir au fond d'eux-mêmes, dans le noeud vital du plexus solaire, un peu de cette chaleur indispensable, l'empêcher de s'éparpiller tout à fait. Erlac s'était mis à trembler violemment, par saccades, et ses frissons pénétraient le flanc de son compagnon de soudaines décharges électriques. Plus jeune et moins résistant, il commençait en outre à sentir se dissoudre en lui le brillant cortège de certitudes qui l'accompagnait généralement dans la vie. Il avait accueilli sans frayeur l'arrivée du mauvais temps, presque avec une espèce de joie, comme un renforcement passionnant de l'aventure et une occasion nouvelle de croiser le fer avec ses forces toutes neuves. Seulement ça durait trop ; cette tourmente n'était pas à l'échelle. Il découvrait soudain avec désarroi que les choses refusaient de jouer un jeu courtois, et l'enfant qui subsistait encore en lui presque intact, derrière ses dix-neuf ans, aurait volontiers crié : « Pouce ! » C'était un langage que n'entendaient nullement les cohortes de démons haineux qui s'acharnaient contre lui en grinçant des dents. Il commençait à soupçonner dans son for intérieur qu'ils en voulaient réellement à sa vie, mais l'avertissement émanait plutôt d'un profond et primitif instinct que d'une perception raisonnée.

Pas plus que chez les autres garçons de son âge l'idée de mort n'éveillait en lui la moindre résonance sentimentale..."


Samivel - L'île du piano à queue (Aiguille verte)



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