Le Trochiscanthe nodiflore
[TN]
n°704 (2020-05)
mardi 4 février 2020
"Lettre hebdomadaire" du site "Rencontres
Sauvages"
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La Cluse et Mijoux (Haut-Doubs) lundi 30 décembre 2019 La
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de Saint-Point (Haut-Doubs)
jeudi 2 janvier 2020
Lac
de Saint-Point (Haut-Doubs)
jeudi 2 janvier 2020 Noisetier
Lac
de Saint-Point (Haut-Doubs)Lac de Saint-Point (Haut-Doubs) jeudi 2 janvier 2020 jeudi 2 janvier 2020 La
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Rivière-Drugeon (Haut-Doubs)
samedi 11 janvier 2020
Perle de
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La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs) samedi 11 janvier 2020 La
Rivière-Drugeon (Haut-Doubs)
Massettesamedi 11 janvier 2020 La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs) samedi 18 janvier 2020 Rosier Cladonie givrée Ronce Phragmite Cladonie : Cladonia coniocraea (?) Noisetier |
"Le tempérament ou la révolte des anges Aujourd'hui, l'ombre qui souligne s'appelle tempérament. « Le tempérament est une loi de Dieu gravée dans le coeur de chaque créature de la main même de Dieu. Nous devons lui obéir et nous lui obéirons en dépit de toute restriction ou interdiction d'où qu'elles émanent. » Cette définition du tempérament a été donnée par Satan lui-même, en 1909, quand il l'a dictée à l'ironique Mark Twain. A cette époque, les descriptions scientifiques avaient pour enjeu idéologique de renforcer les thérories fixistes, celles qui disent que tout est pour le mieux, que chacun est à sa place et que l'ordre règne. Dans un tel contexte social, la notion satanique de destin prenait alors un masque scientifique. L'histoire du mot « tempérament » a toujours eu une connotation biologique, même à l'époque où la biologie n'existait pas encore. Hippocrate, il y a 2 500 ans, déclarait que le fonctionnement d'un organisme s'expliquait par le mélange en proportions variables des quatre grandes humeurs, le sang, la lymphe, la bile jaune et la bile noire, chacune tempérant l'autre. Cette vision d'un homme carburant à l'humeur a connu un tel succès qu'elle a fini par empêcher tout autre conception de la machine humaine. Tout phénomè étrange, toute souffrance physique ou mentale, s'expliquait par un déséquilibre des substances qui baignaient l'intérieur des hommes. Cette image d'un être humain consommant de l'énergie liquidienne s'étayait en fait sur la perception de l'environnement physique et social de l'époque. L'eau, qui donnait la vie, répandait aussi la mort par souillure ou empoisonnement. Les sociétés hiérarchisées plaçaient en haut de l'échelle leur souverain, au-dessus des hommes, tandis que tout en bas « les cultivateurs et manoeuvres, souvent esclaves, victimes désignées par leurs origines modestes » souffraient sans cesse et mouraient de la variole, de la malaria, d'accidents et d'affections intestinales. Puisque l'ordre régnait et qu'il était moral, ceux qui se retrouvaient en bas de l'échelle sociale, pauvres et malades, devaient avoir commis de bien lourdes fautes ! La maladie-châtiment existait avant le judéo-christianisme. On en trouve des traces en Mésopotamie dans les premiers textes médicaux assyriens. L'équilibre des substances constitue le premier temps d'une démarche médicale effectuée aussi bien par les Grecs, les Arabes ou les brahmanes succèdant aux prêtres védiques. Ces balbutiements médicaux et philosophiques attribuaient à certains sucs ingérés ou produits par le corps, le pouvoir de provoquer des émotions. Erasmus Darwin, le grand-père de Charles au XVIIIè siècle, en était tellement persuadé qu'il avait inventé une chaise qui tournait à grande allure afin de chasser hors des cerveaux déprimés les humeurs mauvaises. Philippe Pinel, étonnamment moderne, « estimait que non seulement l'hérédité, mais aussi l'éducation défectueuse, pouvaient causer une aberration mentale, de même que les passions excessives, telles que la peur, la colère, la tristesse, la haine, la joie et l'exaltation ». Cette idéologie de la substance qui traverse les époques et les cultures n'exprime qu'une seule idée : nous, petits êtres humains, sommes soumis à l'influence de la matière. Mais un Grand quelqu'Un commande aux éléments solides. Ce que nous voyons dans nos campagnes, nos châteaux, nos hiérarchie sociales et nos humeurs est une preuve de sa volonté. Le mot « tempérament » a donc des significations différentes selon les contextes technologiques et institutionnels. Chez les Assyriens et les Grecs, sa signification était proche de notre mot « humeur ». Chez les révolutionnaires français, il voulait dire : « émotion façonnée par l'hérédité et l'éducation ». Quand le XIXè siècle parlait de « tempérament romantique », il évoquait en fait une délicieuse soumission aux « lois » de la Nature, justifiant la cruelle hiérarchie sociale de l'industrie galopante. Aujourd'hui, le mot « tempérament » a évolué. Dans notre contexte actuel, où les généticiens réalisent des performances stupéfiantes, où l'explosion des technologies construit une écologie artificielle, où les études neuropsychologiques démontrent l'importance vitale des interactions précoces, le mot tempérament prend un sens encore une fois nouveau. Les Américains ont dépoussiéré le concept en le mettant au goût de nos récentes découvertes. Mais quand le mot anglais temperament est traduit en français pas « tempérament », c'est un « presque faux ami », ce qui est pire qu'un faux ami puisqu'on s'en méfie encore moins. Pour traduire vraiment l'idée anglo-saxonne de tempérament, nous devrions parler de dispositions tempéramentales, de tendances à développer sa personnalité d'une certaine manière. C'est un « comment » du comportement, bien plus qu'un « pourquoi », une manière de se construire dans un milieu écologique et historisé, bien plus qu'un trait inné. Aujourd'hui, quand on parle de tempérament, on évoque plutôt un « affect de vitalité », une disposition élémentaire à éprouver les choses du monde, à exprimer sa rage ou son plaisir de vivre. Ce n'est plus un destin ou une soumission aux « lois » de la Nature, inventée par des industriels fixistes. C'est une force vitale informe qui nous pousse à rencontrer une chose, une sensorialité, une personne ou un événement. C'est la rencontre qui nous forme quand on affronte l'objet auquel on aspirait. Depuis que Satan ne mène plus le bal des idées, il a entrepris une psychothérapie parce que son concept de base est à revoir, et c'est très dur pour lui..."
Boris
CYRULNIK - Les vilains petits canards
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