Le Trochiscanthe nodiflore
[TN]
n°681 (2019-32)
mardi 20 août 2019
"Lettre hebdomadaire" du site "Rencontres
Sauvages"
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Rougequeue noir femelle, sur le manche de ma bèche... Courvières (Haut-Doubs) dimanche 2 juin 2019 Rougequeue noir mâle Courvières (Haut-Doubs) dimanche 23 juin 2019 dans le Pommier Courvières (Haut-Doubs) dimanche 23 juin 2019
Rougequeue noir mâle buvant Courvières (Haut-Doubs) dimanche 23 juin 2019 Rougequeue
noir mâle
Courvières (Haut-Doubs) dimanche 23 juin 2019 <image recadrée>
Rougequeue à
front blanc femelleCourvières (Haut-Doubs) mercredi 3 juillet 2019 <image recadrée> Rougequeue à
front blanc femelle
Rougequeue à
front blanc femelleCourvières (Haut-Doubs) mercredi 3 juillet 2019 Courvières (Haut-Doubs) mercredi 3 juillet 2019 <image recadrée> Rougequeue à
front blanc femelle
Courvières (Haut-Doubs) samedi 13 juillet 2019 Rougequeue
à front blanc femelle au bain
Courvières (Haut-Doubs) samedi 13 juillet 2019 <image recadrée> Rougequeue à front blanc femelle se grattant Courvières (Haut-Doubs) samedi 13 juillet 2019 Toilette
Courvières (Haut-Doubs) samedi 13 juillet 2019 Pour regarder, ou cliquez [ici] <pas de son !>
Rougequeue à
front blanc femelle
Courvières (Haut-Doubs) samedi 13 juillet 2019 <image recadrée> Rougequeue à
front blanc femelle
Courvières (Haut-Doubs) samedi 13 juillet 2019 Rougequeue
noire mâle : envol
Courvières (Haut-Doubs) dimanche 14 juillet 2019 Jeune
Courvières (Haut-Doubs) dimanche 14 juillet 2019 Nourrissage
<image recadrée>
Courvières (Haut-Doubs) dimanche 14 juillet 2019 Bain,
dans un rayon de soleil... Courvières (Haut-Doubs) dimanche 14 juillet 2019 Pour regarder, ou cliquez [ici] <pas de son !> Mouillé
Courvières (Haut-Doubs) dimanche 14 juillet 2019 Femelle, venant
boire...
Courvières (Haut-Doubs) mardi 16 juillet 2019 Courvières
(Haut-Doubs)
Courvières
(Haut-Doubs)mercredi 17 juillet 2019 dimanche 21 juillet 2019 Courvières (Haut-Doubs) mardi 30 juillet 2019 Courvières (Haut-Doubs) mardi 30 juillet 2019 Courvières
(Haut-Doubs)
mercredi 31 juillet 2019 Sur mon tas de compost...
Courvières (Haut-Doubs) mercredi 31 juillet 2019 ...ce mâle prend
le soleil (?) en
étendant ses ailes.
Courvières (Haut-Doubs) mercredi 31 juillet 2019 Courvières
(Haut-Doubs)
Courvières
(Haut-Doubs)mercredi 31 juillet 2019 mercredi 31 juillet 2019 <image recadrée>
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"J'étais allé, quelques jours plus tôt, dans le ghetto de Varsovie. J'avais franchi le seuil de la « ville interdite » ceinte de cette haute muraille de briques rouges, que les Allemands ont construite pour enfermer dans le ghetto, comme dans une cage, de misérables fauves désarmés. A la porte gardée par un peloton de SS armés de mitrailleuses, était collée l’affiche, signée du gouverneur Fischer, menaçant de la peine de mort tout Juif qui se fût risqué à sortir du ghetto. Dès les premiers pas, tout comme dans les « villes interdites » de Cracovie, de Lublin, de Czenftochowa, j’avais été atterré par le silence de glace qui régnait dans les rues, bondées d’une lugubre population apeurée et déguenillée. J’avais essayé de parcourir le ghetto tout seul, et de me passer de l’escorte de l’agent de la Gestapo qui me suivait partout comme une ombre ; mais les ordres du gouverneur Fischer étaient sévères, et cette fois-là encore il avait fallu me résigner à la compagnie du Garde Noir, un grand jeune homme blond au visage maigre, au regard clair et froid. Il avait une figure très belle, avec un front haut et pur que son casque d’acier obscurcissait d’une ombre secrète. Il marchait au milieu des Juifs, comme un Ange du Dieu d’Israël. Le silence était
léger, transparent on eût dit qu’il flottait dans
l’air. Au-dessous de ce silence, on entendait le
léger craquement de mille pas sur la neige,
semblable à un rince-ment de dents. Intrigués par
mon uniforme d’officier italien, les hommes levaient
des visages barbus, et me fixaient avec des yeux
mis-clos, rougis par le froid, la fièvre et la faim
: des larmes brillaient dans les cils et coulaient
dans les barbes sales. S’il m’arrivait, dans la
foule, de heurter quelqu’un, je m’excusais, je
disais : « prosze
Pana » et celui que j’avais heurté levait
la tête et me fixait d’un air de stupeur et
d’incrédulité. Je souriais et je répétais : « prosze Pana »,
parce que je savais que ma politesse était pour eux
quelque chose de merveilleux, qu’après deux années
et demie d’angoisse et d’un rebutant esclavage,
c’était la première fois qu’un officier ennemi (je
n’étais pas un officier allemand, j’étais un
officier italien, mais il ne suffisait pas que je ne
fusse pas un officier allemand : non, cela ne devait
pas suffire) — disait poliment « prosze
Pana » à un pauvre Juif du ghetto de
Varsovie. De temps en temps,
il me fallait enjamber un mort ; je marchais au
milieu de la foule sans voir ou je mettais les pieds
et, parfois, je trébuchais contre un cadavre étendu
sur le trottoir entre les candélabres rituels. Les
morts gisaient, abandonnés dans la neige dans
l’attente que le char des « monatti
» passât les emporter : mais la mortalité était
élevée, les chars peu nombreux, on n’avait pas le
temps de les emporter tous, et les cadavres
restaient là des jours et des jours, étendus dans la
neige entre les candélabres éteints. Beaucoup
gisaient à terre dans les vestibules des maisons,
dans les corridors, sur les paliers d’escaliers ou
sur des lits dans des chambres bondées d’êtres pâles
et silencieux. Ils avaient la barbe souillée de
neige et de boue. Certains avaient les yeux ouverts
et regardaient la foule passer, nous suivant
longtemps de leur regard blanc. Ils étaient raides
et durs : on eût dit des statues de bois. Des morts
juifs de Chagall. Les barbes semblaient bleues dans
les maigres visages rendus livides par le gel et par
la mort. D’un bleu si pur qu’il rappelait le bleu de
certaines algues marines. D’un bleu si mystérieux
qu’il rappelait la mer, ce bleu mystérieux de la mer
à certaines heures mystérieuses du jour. Le silence des rues de la ville interdite ce silence glacial, parcouru, comme par un frisson, de ce léger grincement de dents, m’écrasait à tel point qu’à un certain moment, je commençai à parler tout seul, à haute voix. Tout le monde se retourna pour me regarder, avec une expression de profond étonnement et un regard apeuré. Alors je me mis à observer les yeux des gens. Presque tous les visages d’hommes étaient barbus. Les quelques figures glabres que j’apercevais étaient épouvantables tant la faim et le désespoir s’y montraient nus. La face des adolescents était couverte d’un duvet frisé rougeâtre ou noirâtre sur une peau de cire. Le visage des femmes et des enfants semblait en papier mâché. Et sur toutes ces figures, il y avait déjà l’ombre bleue de la mort. Dans ces visages couleur de papier gris ou d’une blancheur crayeuse, les yeux semblaient d’étranges insectes fouillant au fond des orbites avec des pattes poilues pour sucer le peu de lumière qui brillait au-dedans. A mon approche, ces répugnants insectes se mettaient à remuer avec inquiétude et, quittant un instant leur proie, surgissaient du fond des orbites comme du fond d’une tanière, et me fixaient apeurés. C’étaient des yeux d’une extraordinaire vivacité, les uns brûlés par la fièvre, les autres humides et mélancoliques. Certains luisaient de reflets verdâtres comme des scarabées. D’autres étaient rouges, ou noirs, ou blancs, certains éteints, opaques, et comme ternis par le voile mince de la cataracte. Les yeux des femmes avaient une courageuse fermeté : elles soutenaient mon regard avec un mépris insolent, puis fixaient en pleine figure le Garde Noir qui m’accompagnait, et je voyais une expression de peur et d’horreur les assombrir tout à coup. Mais les yeux des enfants étaient terribles, je ne pouvais les regarder. Sur cette foule noire, vêtue de longs caftans noirs, le front couvert d’une calotte noire, stagnait un ciel d’ouate sale, de coton hydrophile. Aux carrefours
stationnaient des couples de gendarmes juifs,
l’étoile de David imprimée en lettres rouges sur
leur brassard jaune, immobiles et impassibles au
milieu d’un trafic incessant de traîneaux tirés par
des troïkas d’enfants, de petites voitures de bébé
et de petits « pousse
» chargés de meubles, de tas de chiffons, de
ferraille, de toutes sortes de marchandises
misérables. Des groupes de gens se rassemblaient de temps en temps à un coin de rue, battant la semelle sur la neige gelée, se tapant les épaules de leurs mains grandes ouvertes, et se serraient, s’étreignaient les uns les autres par dizaines et par vingtaines pour se communiquer un peu de chaleur. Les lugubres petits cafés de la rue Nalewski, de la rue Przyrynek, de la rue Zarkocaymska étaient bondés de vieillards barbus debout, silencieux, serrés les uns contre les autres, peut-être pour se réchauffer, peut-être pour se donner du courage, comme font les bêtes. Quand nous nous montrions sur le seuil, ceux qui se trouvaient près de la porte se rejetaient en arrière, apeurés. On entendait quelques cris d’effroi, quelques gémissements, puis le silence revenait, coupé seulement par le halètement des poitrines, ce silence de bêtes résignées à mourir. Toux fixaient le Garde Noir qui me suivait. Tous fixaient son visage d’Ange, ce visage que tous reconnaissaient, que tous avaient vu cent fois briller parmi les oliviers près des portes de Jéricho, de Sodome, de Jérusalem. Ce visage d’Ange annonciateur de la colère de Dieu. Alors je souriais, je disais « prosze Pana » à ceux que je heurtais involontairement en entrant ; et je vais que ces paroles un don merveilleux. Je disais en souriant « prosze Pana » et je voyais autour de moi, sur ces visages de papier sale, naître un pauvre sourire de stupeur, de joie, de gratitude. Je disais « prosze Pana » et je souriais. Des équipes de
jeunes faisaient le tour des rues pour ramasser les
morts. Ils entraient dans les vestibules, montaient
les escaliers, pénétraient dans les pièces. Ces
jeunes « monatti
» étaient en grande partie des étudiants. La plupart
venaient de Berlin, de Munich, et de Vienne ;
d’autres avaient été déportés de Belgique, de
France, de Hollande ou de Roumanie. Beaucoup,
naguère, étaient riches et heureux, habitaient une
belle maison, avaient grandi parmi des meubles de
luxe, de tableaux anciens, des livres, des
instrutnents de musique, de l’argenterie précieuse
et de fragiles bibelots maintenant ils se traînaient
péniblement dans la neige, les pieds entortillés
dans des loques et les vêtements en Lambeaux. Ils
parlaient français, bohémien, roumain, ou le doux
allemand de Vienne. C’étaient de jeunes
intellectuels élevés dans les meilleures Universités
d’Europe. Ils étaient déguenillés, affamés, dévorés
de parasites, encore tout endoloris des coups, des
insultes, des souffrances endurés dans les camps de
concentration et au cours de leur terrible odyssée
de Vienne, de clin, de Munich, de Paris, de Prague
ou Bucarest jusqu’au ghetto de Varsovie, mais une
belle lumière éclairait leur visage : on lisait dans
leurs yeux une volonté juvénile de s’entraider, de
secourir l’immense misère de leur peuple, dans leurs
yeux et dans leur regard un défi noble et résolu. Je
m’arrêtais et les regardais accomplir leur œuvre de
pitié. Je leur disais à voix basse en français : « Un jour vous serez
libres. Vous serez heureux un jour et libres
». Les jeunes « monatti
» relevaient la tête et me considéraient en
souriant. Puis, lentement, ils tournaient les yeux
sur le Garde Noir qui me suivait comme une ombre,
fixaient leur regard sur l’Ange au beau visage
cruel, l’Ange des Écritures, annonciateur de mort,
et se penchaient sur les corps étendus le long du
trottoir — approchant leur sourire heureux de la
face bleue des morts. Ils soulevaient ces morts avec délicatesse, comme s’ils eussent soulevé une statue de bois. Ils les déposaient sur des chars traînés par des équipes de jeunes gens hâves et déguenillés — et la neige gardait l’empreinte des cadavres, avec ces taches jaunâtres, effroyables et mystérieuses, que les morts laissent sur tout ce qu’ils touchent. Des bandes de chiens osseux venaient renifler l’air derrière les funèbres convois, et des troupes d’enfants loqueteux, la figure marquée par la faim, l’insomnie et la peur, ramassaient dans la neige les guenilles, les morceaux de papier, les pots vides, les pelures de pommes de terre, toutes ces précieuses épaves que misère, la faim et la mort laissent toujours derrière elles. De l’intérieur des maisons, j’entendais parfois s’élever un chant faible, une plainte monotone qui cessaient aussitôt que j’apparaissais sur le seuil. Une odeur indéfinissable de saleté, de vêtements mouillés, de chair morte imprégnait l’air des pièces lugubres où des foules misérables de vieillards de femmes et d’enfants vivaient entassées comme des prisonniers : les uns assis par terre, les autres debout, adossés au mur, certains étendus sur des tas de paille et de papier. Les malades, les moribonds, les morts, gisaient sur les lits. Tous se taisaient brusquement, me regardant et regardant l’Ange qui me suivait..."
Curzio MALAPARTE - Kaputt Pour lire un autre texte de cet auteur, sur les chevaux
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