Le Trochiscanthe nodiflore
[TN]
n°677 (2019-28)
mardi 9 juillet 2019
"Lettre hebdomadaire" du site "Rencontres
Sauvages"
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Prunier La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs) jeudi 2 mai 2019 Tilleul La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs) jeudi 2 mai 2019 La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs) jeudi 2 mai 2019 La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs) jeudi 2 mai 2019
Primevère
La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs) jeudi 2 mai 2019 <image recadrée>
Carex
sp.
<image recadrée>
La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs) jeudi 2 mai 2019 Saule
RhubarbeLa Rivière-Drugeon (Haut-Doubs) jeudi 2 mai 2019 Courvières (Haut-Doubs) jeudi 2 mai 2019 Rhubarbe, sous
la neige
Joubarbe
au soleilCourvières (Haut-Doubs) dimanche 5 mai 2019 Courvières (Haut-Doubs) dimanche 5 mai 2019 Après la giboulée
!
Courvières (Haut-Doubs) dimanche 5 mai 2019 Rhubarbe
Courvières (Haut-Doubs) samedi 11 mai 2019 Rhubarbe,
au soleil
Courvières (Haut-Doubs) dimanche 12 mai 2019 Rhubarbe
Courvières (Haut-Doubs) jeudi 16 mai 2019 Rhubarbe,
givrée
Courvières (Haut-Doubs) jeudi 23 mai 2019 Pommier
Fruit du Pissenlit Bouverans (Haut-Doubs) samedi 25 mai 2019 Courvières
(Haut-Doubs)
Courvières
(Haut-Doubs)dimanche 26 mai 2019 vendredi 31 mai 2019
La fleur...
Courvières (Haut-Doubs) vendredi 31 mai 2019
Courvières
(Haut-Doubs) Courvières
(Haut-Doubs) Courvières
(Haut-Doubs) Alchemille Tremble
Bouverans (Haut-Doubs) dimanche 16 juin 2019 Rosier des
Alpes
(sans épine !) Bouverans (Haut-Doubs) dimanche 16 juin 2019 Rhinanthe
Bouverans (Haut-Doubs) dimanche 16 juin 2019 Salsifis
(fruit)
<image recadrée>
Bouverans (Haut-Doubs) dimanche 16 juin 2019 Salsifis
(fleur)
Bouverans (Haut-Doubs) dimanche 16 juin 2019 <image recadrée>
<image recadrée>
<image recadrée>
Saintfoin
Bouverans (Haut-Doubs) dimanche 16 juin 2019 <image recadrée>
<image recadrée>
Rhubarbe
(graines)
Courvières (Haut-Doubs) vendredi 28 juin 2019
Au matin...
Courvières (Haut-Doubs) vendredi 28 juin 2019 |
"Présentation de l'octopatte
« Eh bien oui, c'est une araignée. Laissez cette petit bête tranquille. Je ne vois pas pourquoi vous écraseriez une araignée qui ne vous a rien fait. Si encore c'était pour la manger... » Ainsi parlait Clérambard dans la pièce de Marcel Aymé. La manger ? Ceux qui la mangent ne savent rien, rien de nos phobies, de nos angoisses, de nos cauchemars. Ils s'en moquent, des cauchemars, puisqu'elle apporte des protéines qui leur manquent. Ils ne vont pas y regarder de si près, les Indiens d'Amazonie qui font courir des mygales sur leur visage devant les touristes et négocient chèrement les photos du spectacle. Ils ne vont pas compter les pattes, les Chinois qui les croquent dans la rue, bien grillées : ils leur trouvent même un goût de crevette. Cela vient sans doute de l'éducation gastronomique des enfants, plus proche des produits de la nature que de ceux de l'industrie. Dans certaines régions d'Asie, la marmaille se contente d'un piment comme sucette. « La pie qui chante » ne volette pas sur le Mékong. Mais nous, que tout effraie, nous n'arrivons même pas à cohabiter dans nos chambres à coucher avec une pauvre petite chose qui ne cherche qu'une moitié consentante pour agrémenter ses nuits d'automne. Nous qui essayons d'expliquer nos peurs en les reliant à notre enfance, nous devrions apprendre que le passé n'y est pour rien et que, si nous étions raisonnables, nous nous contenterions d'admirer cette folle, noire, énorme, bien étalée sur la une cloison blanche, au lieu de rester pétrifiés sur place, à éructer et à appeler à l'aide : elle va sûrement nous sauter à la figure. On raconte l'histoire de ce jeune homme saisi de terreur qui alla chercher sa carabine à plomb et mitrailla l'innocente visiteuse. Le plus téméraire l'écrasera d'un coup de savate. Il n'en restera pas grand-chose, sauf si c'est un spécimen démesuré : les pattes dépasseront de la semelle. Mais le tueur se repentira de son exploit en voyant les dégâts sur la peinture. Sans son zèle assassin, la bête aurait déguerpi, toute seule, pour se cacher dans un trou, ou ailleurs, au grè des reliefs du mur. Il est d'ailleurs étonnant, pour quelqu'un qui recherche plutôt les coins obscurs, de se mettre en scène en pleine lumière en négligeant effrontément les risques. Progresser dans les étages d'une maison demande de la cuisse et du jarret. La bête à huit pattes se moque pas mal des escaliers. Elle s'extrait de la plate-bande du jardin après s'être repue tout l'été des insectes rendus fous par le parfum des fleurs, et elle se met en route sur le carrelage du sol. Elle a du mal à marcher sur les surfaces lisses : elle dérape... Peu importe, elle doit avancer, monter à l'assaut des murs, de nuit, mètre après mètre, jusqu'au plafond, où elle passera la journée sans que personne ne la débusque alors qu'il aurait suffi de lever les yeux. Un étage un jour, un deuxième le lendemain, pour finir en haut de l'immeuble, où un habitant la verra et l'écrasera, cette belle araignée à la forme parfaite et à l'envergure confondante. Après tant d'efforts ! Mais la question se pose : comment a-t-elle pu arriver là ? Il n'y a pas la moindre végétation alentour, apparemment rien à manger, et pourtant elle se la coule douce sur le mur. Drôle de bête. Chacun a son idée sur l'animal : la maîtresse de maison, découvrant une araignée quand elle fait son grand ménage de printemps ou d'automne, glapit dans son torchon, puis démantibule la toile à coup de balais, arrière, charogne ! Le scientifique étudie sous la loupe ses tarses et métatarses de chitine après l'avoir trucidée à l'alcool. Le marchand de tissus lui rend hommage sans le savoir en débitant sa migaline au mètre, une étoffe de coton très fin qui sert à fabriquer des chemises de nuit. Elle est partout ! Si vraiment vous ne voulez pas avoir affaire à elle, offrez à votre maison une charpente en châtaignier, un bois qui a l'avange de ne pas être attaqué par les termites ou autres voraces. L'araignée n'y trouvant pas sa nourriture, ne s'y installe pas. L'humanité lui doit sa survie. Nous serions dévorés par les insectes, aux comportements pourtant admirables, si l'araignée ne se servait pas la première, avant d'être elle-même servie comme repas à quelque oisillon. La bonne entente n'est pas assurée dans un monde où chacun se nourrit d'autrui sans vergogne. Vous pouvez rechigner aux charmes d'une guêpe qui en veut à votre steak ou à votre fruit, mais reconnaissez la perfection de la mécanique : elle découpe un morceau de viande aussi grand qu'elle et l'emporte entre ses pattes en peinant sous le poids, pour le manger seule, dans un lieu tranquille. Les Egyptiens de l'Antiquité attribuaient des vertus au scarabée, qu'ils tenaient pour sacré, et qu'ils portaient en collier vivant et gigotant autour du cou. Grand dignité accordée à un coléoptère nourri de bouse, mais aux reflets de jade et de lapis-lazuli ! Cro-magnon mangeait déjà le miel des abeilles sauvages, le bourdon vole au-dessus des kiosques à musique, ou Rimski-Korsakov l'honore d'une petite politesse, la coccinelle aide le jardinier en dévorant les pucerons suceurs de sève, la fourmi trime au coeur d'une collectivité besogneuse. Tout ce menu peuple ne badine pas avec sa raison d'être sur terre, s'agresse et se mange entre soi, et va son chemin, du haut de ses six pattes. Mais l'araignée en possède huit, d'où un graphisme singulier qui la met d'emblée à part dans la société animale. D'autres bestioles, iules, scolopendres et myriapodes, en ont beaucoup plus sans que l'on y trouve à redire. Qu'ils aient une trompe ou non, tous butinent et batifolent sur les rosiers, mais elle, elle se cache, se tapit, guette et réussit toujours son coup. La dame se montre parfois vacharde avec son amoureux, qui a intérêt à se carapater après avoir accompli son devoir s'il ne veut pas se faire cadenasser dans la soie à des fins alimentaires : elle se nourrirait volontiers de ce pauvre bougre plus petit qu'elle et facile à attaquer. On l'accuse de piquer, alors qu'elle ne fait que mordre, elle n'a pas de dard, contrairement à la première guêpe venue, bien plus redoutable. Pourtant elle est remarquablement équipée, avec ses chélicères qui secrètent le venin, et liquéfient les proies. Ce sont des sortes de crocs, comparables aux instruments de la « fameuse trousse de chirurgie » comme l'écrit Jean-Henri Fabre, le très savant « biographe » des espèces connues de nos régions, au début du XXè siècle. L'arrogante ménagère, mortifiée d'avoir peur, se rebiffe quand, au grenier ou à la cave, en frôlant un mur, ses cheveux s'emmêlent dans des tissages de soie plus difficiles à détruire que des capuches en nylon, et vitupère contre l'admirable artisane. Tous ces désagréments valent aux araignées invectives, ragots et cris de putois qui offensent les auteurs d'histoires, les réalisateurs de film, les sculpteurs, les compositeurs, les danseurs et les fabricants de bijoux que sa forme griffue a inspirés, alors que la création artistique ignore tout du perce-oreille. Que
ceux qui ont une araignée au plafond, ou qui font la
différence entre les araignées du matin, chagrin,
celles de midi, profit ou souci, celles du tantôt,
cadeau, ou
celles du soir, espoir, se retrouvent en bonne
compagnie dans cet
essai dont la seule intention n'est que de rendre
justice à
une brave bête..."
Dominique
Jacobs - Splendeurs de l'araignée
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