Le Trochiscanthe nodiflore
[TN]
n°671 (2019-22)
mardi 28 mai 2019
"Lettre hebdomadaire" du site "Rencontres
Sauvages"
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Canard colvert La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs) samedi 23 mars 2019 Foulque macroule (avec des taches blanches sur le côté de la tête...) La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs) samedi 23 mars 2019 Canard colvert (au repos) La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs) samedi 23 mars 2019
La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs) samedi 23 mars 2019 <image recadrée>
La
Rivière-Drugeon (Haut-Doubs) La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs) samedi 30 mars 2019 Foulque
baîllant
La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs) samedi 30 mars 2019 <image recadrée>
Toilette
<image recadrée>
La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs) samedi 30 mars 2019 La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs) samedi 30 mars 2019
La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs) samedi 30 mars 2019 La
Rivière-Drugeon (Haut-Doubs)
Troupe de Cigogne
blanchesamedi 30 mars 2019 La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs) jeudi 11 avril 2019
<image recadrée> Images prises à partir de la Station d'Epuration... La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs) jeudi 11 avril 2019 Sur une patte... Foulque
macroule nourrissant son poussin La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs) jeudi 2 mai 2019 Reflet La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs) jeudi 2 mai 2019 La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs) jeudi 2 mai 2019 La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs) jeudi 2 mai 2019 Nourrissage d'un poussin La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs) jeudi 2 mai 2019 La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs) jeudi 2 mai 2019 <image recadrée>
Dans un rayon de soleil !La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs) jeudi 2 mai 2019 La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs) jeudi 2 mai 2019 <image recadrée> <image recadrée>
La
Rivière-Drugeon (Haut-Doubs)jeudi 2 mai 2019 <image recadrée>
<image recadrée>
La
Rivière-Drugeon (Haut-Doubs)
La
Rivière-Drugeon (Haut-Doubs)jeudi 2 mai 2019 samedi 25 mai 2019 Au repos La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs) samedi 25 mai 2019 A la recherche de nourriture sur le
barrage...
La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs) samedi 25 mai 2019 Les poussins
ont bien grandi !
La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs) samedi 25 mai 2019 Il est maintenant autonome pour rechercher sa
nourriture...
La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs) samedi 25 mai 2019
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« Venez, venez, ma chère Jeanne, puisque cette sans-coeur a eu le front d'aller au spectacle sans vous.
Les deux silhouettes gravissaient les marches qui conduisent au chemin de ronde. Le cratère de la scène illuminée rendait l'ombre alentour plus profonde encore. C'était en juillet, à la Citadelle de Sisteron. Dans la nuit, au sommet des remparts, le gonfanons claquaient doucement à l'éternel vent du Nord. Sous les murs de la forteresse qui tranche dans le vif entre Provence et Dauphiné, une vieille histoire se déroulait. Ces défenses, autrefois inviolables, ne servaient plus que de décor dérisoir pour simuler un Paris du Moyen Age. On y entendait hennir des chevaux, rire des actrices habillées en princesses, ferrailler à coups d'épée factices des bretteurs dépenaillés. De perfides intrigues se tramaient au pied de l'escarpe vertigineuse. Les exclamations de vengeance, de triomphe, d'horreur, frappaient les échos des citernes, allaient se répercuter là-bas, de l'autre côté de la Durance, contre le rocher de la Baume. Ils n'interrompaient ni ne gênaient le crissement tranquille des grillons entre les pierres ni le dernier trille des cigales sur les pins tièdes du cimetière. Le donjon nombé d'une froide clartée rouge se signalait maléfique à l'attention des spectateurs, trônant sur le drame, attendant son heure. « Venez, Jeanne ! Hâtons-nous ! Vous allez tout rater ! » Tirée en avant à force de gestes impérieux, Jeanne trébuchait sur les galets du chemin de ronde. Le faisceau de lumière qui encadrait l'immense glacis de la scène l'éblouissait et l'attirait comme un soleil. « Là, ma chère Jeanne ! Voyez ! Cette bicoque qui supporte la sirène d'alarme ! Nous y serons aux premières loges ! Bien à l'abri. Par cette fenêtre, nous verrons tout ! N'est-ce pas que c'est superbe ? » La grande ombre s'était emparée du bras de Jeanne et la main de fer la poussait devant cette ouverture béante où soudain s'encadraient la scène et le public dans un creuset en fusion. « Vous voyez ? Vous voyez bien ? En bas, dans le lit à baldaquin, c'est Marguerite de Bourgogne. Et cet homme à ses pieds, en costume vert pistache, c'est son amant, mais c'est aussi son fils !
Jeanne reculait instinctivement, affolée, prête à fuir, mais la main de fer la retenait au premier plan, la voix ferme la rassurait. « Mais non, ma pauvre Jeanne ! Comment voulez-vous ? Elle est toute au spectacle. Vous la dominez de plus de cinquante mètres. N'ayez pas peur, voyons ! Oh ! Vous allez tout rater ! Vous avez vu ? Les rampes s'éteignent. Les projecteurs changent de couleur. Ça va être le clou du spectacle. Marguerite va faire jeter ses amants dans la Seine depuis le haut de la Tour de Nesle... Ah, le donjon ! Regardez ! Il s'éclaire et tout le reste plonge dans l'obscurité... Vous allez voir. Bientôt les amants vont jaillir des fenêtres... Malheureusement, il faut se pencher pour bien voir, d'ici... Nous sommes trop près du donjon. Mais penchez-vous, ma chère Jeanne. Penchez-vous bien... N'ayez pas peur, je vous tiens, solidement... Penchez-vous encore ! Vous allez voir défenestrer les amants... Penchez-vous ! Penchez-vous bien ! »
Le cri traversa l'espace. Le public pantelant vit jaillir du donjon rouge sombre ces formes oblongues et chatoyantes qui figuraient des amants de princesses, morts dans la joie. Mais pourquoi l'un des mannequins n'était-il pas illuminé dans sa chute ? Pourquoi, éjecté de la bicoque toute noire, hors du faisceau des projecteurs, échappait-il à cette orchestration lumineuse qui était le clou du spectacle ? Quelque chose avait dû se coincer dans le mécanisme de la mise en scène, conséquence, sans doute, d'un malentendu entre techniciens... « En revanche, se dit Laviolette, ce cri était prodigieux ! Plus vrai que nature ! Il m'a fait frissonner moi ! Et pourtant Dieu sait !... » Le commissaire Laviolette était bon public. Il s'amusait au mélodrame et jamais, étant en convalescence chez lui, à Piégut, il n'aurait manqué cette représentation de La Tour de Nesle, à la citadelle de Sisteron. Il ne regrettait pas la soirée. La nuit était envoûtante. Tout concourrait à la félicité d'un homme qui savait goûter aux joies populaires avec un plaisir sans mélange. Sur le public même planait un certain mystère. On le sentait coriace, réservé, peu enclin aux démonstrations d'enthousiasme, « assez semblable, songeait Laviolette, à son imprenable citadelle ». « Assez semblable, se disait-il encore, à cette infirme qu'on a déposée tout à l'heure à côté de moi, dans son fauteuil roulant... » C'était une grande femme rousse en tailleur bleu marine dont le revers s'ornait d'un ruban cramoisi. « Mâtin ! » avait songé Laviolette, qui ne portait jamais ses décorations. Il se posait au sujet de sa voisine une foule de questions, mais, étant parfaitement immobile, elle était aussi parfaitement hermétique. La plupart des êtres sont impatients de s'imposer à autrui, tant ils se jugents passionnants. Même seuls, même au théâtre, ils s'agitent, ils soupirent, ils s'inventent certains gestes propres – selon eux - à les révéler sous leur meilleur jour... Mais cette spectatrice ne trahissait aucune de ces faiblesses. Ses traits étaient immobiles, sa contenance modeste, et elle ne jetait pas un regard sur son entourage. Elle était lisse, sans aspérités. « Toutefois, se dit Laviolette, cette absence volontaire de toute manifestation extérieure porte en soi son propre aveu. Elle est secrète. Elle se surveille. Quelque chose l'habite qu'elle ne veut pas laisser voir. Mais dans ce cas, ce ruban ostensible est une erreur ! » Quand le cri retentit, figeant d'horreur l'assistance, Laviolette sentit frémir contre son bras, celui de sa voisine. Il l'observa à la dérobée. Elle tanguait un peu de droite à gauche, le buste légèrement décollé du dossier. Il sembla à Laviolette que, valide, elle se fût jetée en avant. « Curieux, se dit-il, cette soudaine émotion chez cette personne impassible ! » Ce fut l'affaire d'un clin d'oeil. L'infirme se referma sur son quant-à-soi. Mais elle n'était plus aussi sereine. Son attention parfois se détournait de la scène où les princesses aux seins nus mimaient tant bien que mal l'amour. Son regard escaladait l'escarpe, se fixait tout à tour sur le donjon écarlate et la bicoque sombre. Brusquement, elle tourna la tête vers les frondaisons où se dissimulaient les batteries de projecteurs. Et, quand elle se tint enfin tranquille, Laviolette remarqua que les doigts de sa voisine se crispaient sur le fermoir de son réticule à mailles d'argent. Cependant sur la scène tout était consommé. Marguerite contemplait fixement le sac ruisselant d'eau de Seine que Buridan déchirait d'un large coup de couteau. Lorsque surgit le cadavre du damoiseau au costume pistache, qui avait eu l'honneur de mourir d'amour pour elle, le hurlement qu'elle poussa fut sublime. Une ondée froide inonda l'échine des spectateurs. Parmi la foule debout qui s'en allait, une spectatrice glissa avec satisfaction à une autre : « Tu
vois, je te l'avais dit que c'était son fils ! »..."
Pierre
MAGNAN - Le secret des Andrônes
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