Le Trochiscanthe nodiflore
[TN]
n°665 (2019-16)
mardi 16 avril 2019
"Lettre hebdomadaire" du site "Rencontres
Sauvages"
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bleue, charbonnière, noire et à longue queue Mésange bleue (floue !) Courvières (Haut-Doubs) mercredi 20 mars 2019 <image recadrée> mercredi 20 mars 2019 <image recadrée>
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Courvières
(Haut-Doubs)mercredi 20 mars 2019 Mésange charbonnière (flou !) Courvières (Haut-Doubs) jeudi 21 mars 2019 La
Rivière-Drugeon (Haut-Doubs)
samedi 23 mars 2019 Mésange
noire
La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs) samedi 23 avril 2019 <image recadrée>
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Courvières
(Haut-Doubs)
<image recadrée>jeudi 28 mars 2019 jeudi 28 mars 2019
La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs) samedi 30 avril 2019 La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs) samedi 30 avril 2019 <image recadrée> Accouplement
- flou !
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<image recadrée> <image recadrée> <image recadrée> Aménagement
du nid
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La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs) samedi 30 avril 2019 <image recadrée> Une charbonnière
fait de même !
La
Rivière-Drugeon (Haut-Doubs)La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs) samedi 30 avril 2019 samedi 30 avril 2019 <image recadrée> La
Rivière-Drugeon (Haut-Doubs)
La
Rivière-Drugeon (Haut-Doubs)samedi 30 avril 2019 samedi 30 avril 2019 Mésange à
longue queue
Bouverans (Haut-Doubs) samedi 6 avril 2019 Bouverans
(Haut-Doubs) vendredi 12 avril 2019 La
Rivière-Drugeon (Haut-Doubs)
samedi 13 avril 2019 Parade
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La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs) samedi 13 avril 2019 <image recadrée>
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La
Rivière-Drugeon (Haut-Doubs)
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samedi 13 avril 2019 Courvières
(Haut-Doubs)
samedi 13 avril 2019 A la recherche de restes... sur la mangeoire
!
Courvières
(Haut-Doubs)Courvières (Haut-Doubs) samedi 13 avril 2019 dimanche 14 avril 2019 Courvières (Haut-Doubs) dimanche 14 avril 2019 |
"Lewis s'agita sur son banc. Quand les giboulées cessèrent, il partit flâner dans le dédale des ruelles derrière la brasserie Watkins. Il s'arrêta devant la boutique d'un tonnelier et regarda les barils neufs rangés parmi des monceaux de copeaux jaunes. Il entendit une fanfare dans une rue avoisinante et marcha à sa rencontre. Devant l'hôtel du Green Dragon, un groupe de passants regardait le cortège funèbre. Le défunt était un colonel du régiment de Hereford, mort de ses blessures à la guerre. La garde d'honneur marchait les yeux fixés sur la pointe de leurs épées. Le tambour portait une peau de léopard. Ils jouaient la Marche funèbre de Saül. Les roues de la prolonge d'artillerie grinçaient sur la macadam et le cercueil, recouvert du drapeau britannique, glissait devant le regard fixe des dames. Quatre automobiles noires suivaient, avec la veuve, le maire et le cortège. Des corneilles s'échappèrent du beffroi quand les cloches se mirent à sonner. Une femme en manteau de renard attrapa le bras de Lewis et clama d'une voix stridente :
Lewis s'esquiva par une ruelle en direction du marché. Des effluves de café en grains le retinrent devant une fenêtre en saillie. Sur les étagères étaient disposés de petits paniers d'osier remplis de monticules coniques de thé. Les noms sur les étiquettes – Darjeeling, Keemun, Lapsang Souchong, Oolong – le transportaient vers un Orient mystérieux. Les cafés se trouvaient sur les étagères du bas, et dans chaque grain, chaud et brun, il voyait les lèvres chaudes et brunes d'une négresse. Il rêvassait à des huttes de jonc et à des mers paresseuses quand la cariole d'un boucher passa près de lui : « Fais attention, mon vieux ! » et des éclaboussures d'eau boueuse tachèrent son pantalon. Dans Eign Street, il s'arrêta pour admirer une casquette de tweed exposée dans la vitrine des tailleurs pour hommes Parberry et Williams. M. Parberry en personne se tenait sur le seuil, se balançant d'un pied sur l'autre, ses mèches de cheveux noirs huileux enroulées autour du crâne.
La boutique sentait la toile cirée et le pétrole. M. Parberry enleva la casquette de la vitrine, tripota l'étiquette, annonça le prix, cinq shillings et six pence, et ajouta :
Lewis passa l'ongle du pouce sur le bord crénelé des pièces de deux shillings qu'il avait dans sa poche. Il venait de toucher son salaire, une livre en pièces d'argent. M. Parberry mit la casquette de travers sur la tête de Lewis et le fit se tourner vers la glace. La taille convenait. C'était une casquette très élégante.
Il étala les casquettes sur le comptoir mais il n'y en avait pas deux identiques. Lewis insista :
L'homme se mit en colère et bredouilla :
A une heure, Lewis entra au restaurant City and County pour déjeuner. La serveuse lui demanda de patienter un instant, lui dit qu'elle aurait une table dans cinq minutes. Il choisit sur le menu un plat de viande et rognons et un roulé à la confiture comme dessert. Des fermiers mal rasés s'empiffraient de rognons et de boudin et un monsieur protestait auprès de la serveuse qui avait oublié de s'occuper de lui. De temps en temps, le bruit des assiettes se détachait du brouhaha et une bordée d'injures sortait de la cuisine. Des bouffées de graisse à frire et de tabac emplissaient la salle. Un chat tigré se faufilait entre les jambes des clients et le sol était couvert de taches de sciure imprégnées de bière. La serveuse mal soignée revint, sourit, mit les mains sur les hanches et dit : « Alors, mon joli ? » Et Lewis prit la fuite. Il acheta un petit pâté à un marchand ambulant et, très abattu, se mit à l'abri dans l'entrée d'un magasin de mode. Des mannequins en robe d'après-midi regardaient fixement de leurs yeux en verre bleu la rue pluvieuse ; un portrait de Clemenceau était disposé à côté de ceux du roi et de la reine. Il allait mordre dans son pâté quand il se mit à frissonner. Il regarda ses ongles qui blanchissaient. Il sentit que son frère était en dange et courut vers la gare. Le train pour Rhulen attendait sur le quai numéro un. Il faisait chaud dans le compartiment et les fenêtres étaient couvertes de buée. Il continuait de claquer des dents et sentait la chair de poule sous sa chemise. Une jeune fille aux joues rouges entra, posa son panier et s'assit dans le coin le plus éloigné. Elle enleva son châle en tricot, son chapeau et les posa sur la banquette. Il faisait très sombre. Les lumières étaient allumées. Le train s'ébranla avec un coup de sifflet et une secousse. Lewis essuya de sa manche la vitre embuée et regarda les poteaux télégraphiques qui apparaissaient, l'un après l'autre, sur le reflet rosé de la jeune fille.
Il essuya encore la fenêtre. Les sillons d'un champ filèrent, comme les rayons d'une roue. Il reconnut la plantation de Cefn et Black Hill recouvertes de neige. Il attendait, la porte ouverte, prêt à sauter quand le train entra en gare de Rhulen.
Quatre heures avaient déjà sonné quand il arriva à la Vision et Rebecca était seule dans la cuisine en train de repriser distraitement une chaussette.
Il alla dans l'entrée pour changer sa pèlerine mouillée contre une sèche, se couvrit d'un suroît et sortit dans la neige.
La saison de l'agnelage touchait à sa fin et les brebis, avec les agneaux les plus précoces, paissaient dans la montagne. Pendant dix jours il avait fait beau. Les grives installaient leurs nids et dans le vallon les bouleaux étaient saupoudrés de vert. Personne n'imaginait qu'il neigerait encore.
Il frissonna, le dos et les jambes raidis. Mary alla chercher ses bottes et ses guêtres et se rendit compte, tout d'un coup, qu'il avait vieilli. Il se baissa pour nouer ses lacets, se fit un tour de reins et retomba sur la chaise.
Benjamin siffla le chien et partit à travers champs en direction de Cock-a-Loftie. De là, il prit un chemin plus raide vers l'escarpement. Quand il en atteignit le bord, un corbeau s'envola d'un buisson d'épines en coassant. Alors le brouillard s'épaissit et les moutons, quand il pouvait les voir, ressemblaient à de petits nuages de vapeur. Il se mit à neiger. La neige tombait en flocons épais et laineux. Le vent se leva et poussa la neige dans le chemin. Il aperçut quelque chose de sombre à côté de lui : c'était le chien qui secouait les flocons sur son dos. Des gouttes glacées lui tombaient dans le cou et il comprit que sa casquette s'était envolée. Ses mains étaient dans ses poches mais il ne les sentait plus. Ses pieds paraissaient si lourds qu'il pouvait à peine imaginer faire un pas de plus. Et, juste à ce moment-là, la neige changea de couleur. Elle n'était plus blanche mais d'un rose crémeux et doré. Elle n'était plus froide. Les touffes de roseaux n'étaient plus piquantes mais douces et veloutées. Tout ce qu'il désirait maintenant était de s'allonger dans cette neige chaude et confortable, et de dormir. Ses genoux commençaient à fléchir quand il entendit la voix de son frère hurler à son oreille : « Tu dois continuer. Tu ne dois pas t'arrêter. Je vais mourir si tu t'endors. » Alors, il continua, levant un pied après l'autre, il revint vers les rochers qui bordaient la falaise. C'était vraiment là l'endroit pour se pelotonner avec le chien, à l'abri du vent, et pour s'endormir. Tout était blanc quand il se réveilla et il lui fallut un certain temps pour comprendre que cette blancheur n'était pas la neige mais les draps de son lit. Lewis était à son chevet et une claire lumière de printemps se glissait à travers la fenêtre.
Bruce
Chatwin - Les jumeaux de Black Hill
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