Le Trochiscanthe nodiflore
[TN]
n°658 (2019-09)
mardi 26 février 2019
"Lettre hebdomadaire" du site "Rencontres
Sauvages"
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Moineau domestique mâle Courvières (Haut-Doubs) samedi 19 janvier 2019 <image recadrée> Courvières (Haut-Doubs) dimanche 20 janvier 2019 Courvières (Haut-Doubs) dimanche 20 janvier 2019 <image recadrée> Courvières (Haut-Doubs) samedi 16 février 2019
Courvières
(Haut-Doubs)
dimanche 17 février 2019 <image recadrée> Courvières (Haut-Doubs) dimanche 17 février 2019 <image recadrée> Courvières (Haut-Doubs) dimanche 17 février 2019 Moineau
domestique femelle
Courvières (Haut-Doubs) dimanche 17 février 2019 Courvières
(Haut-Doubs)
vendredi 22 février 2019 Courvières
(Haut-Doubs)
vendredi 22 février 2019 Courvières
(Haut-Doubs)
vendredi 22 février 2019 <image recadrée>
<image recadrée>
Courvières
(Haut-Doubs)
vendredi 22 février 2019 Courvières
(Haut-Doubs)
samedi 23 février 2019 Courvières
(Haut-Doubs)
samedi 23 février 2019
Courvières
(Haut-Doubs)
samedi 23 février 2019 <image recadrée>
Courvières
(Haut-Doubs)
dimanche 24 février 2019 Envol
Courvières (Haut-Doubs) dimanche 24 février 2019 |
"M. Cho
m'accueille, affable comme à son habitude. - Ce n'est rien, monsieur Cho, ce n'est rien... - Je ne savais pas que vous aviez fait la guerre, monsieur Alexandre, que vous aviez combattu ici. Moi aussi, moi aussi, j'ai combattu, j'ai vécu cet enfer... - J'ai combattu
les troupes françaises, monsieur Alexandre, j'ai
combattu contre vous, j'étais un bodoi, jeune paysan
engagé contre l'impérialisme, j'avais seize ans et
le goût du sang français, aveugle, j'obéissais aux
ordres, je détestais ce que vous représentiez, ce
que vous faisiez subir à mon peuple, je vous
maudissais, vous vomissais, j'en voulais à votre
race prétendument supérieure, à votre pays qui
m'avait enlevé mon père et mon frère, tous les deux
tombés au champ d'honneur, et je me haissais
moi-même de porter autant de haine dans le coeur, la
guerre a détruit mon adolescence, monsieur
Alexandre, pourri une partie de ma vie, toute cette
haine, cette violence, ces morts, ces corps blessés,
mutilés, déchiquetés, images d'horreur qui me
hantent encore, me hanteront toujours, ces cris
d'innocents, de coupables, tout ce sang versé,
j'étais à Diên Biên Phù, monsieur Alexandre, tous
mes camarades y ont laissé leur peau, une boucherie,
monsieur, nous avons gagné, mais combien d'hommes de
valeur avons-nous perdus ? Monsieur Alexandre, j'ai
eu mal pendant des années, j'ai encore mal parfois
quand je repense à notre jeunesse volontaire,
sacrifiée, héroïque, je fais des cauchemars,
monsieur Alexandre, souvent, heureusement j'ai
réussi à guérir de la haine, et c'est une femme, ma
femme, qui m'a guéri, soigné les maux de mon âme,
toutes mes blessures intimes, profondes, j'ai trouvé
la paix avec elle, une forme de paix, même si je
reste marqué au fond, je le suis à vie, par les
années au front, j'ai fini par trouver la paix,
monsieur Alexandre, alors quand je vous ai entendu
parler avec la fille, j'ai eu envie de vous dire que
je vous comprenais, j'ai senti votre peine, et votre
amour pour cette Maï Lan dont vous parliez si
intensément, vous m'avez touché, monsieur Alexandre,
j'espère que vous la retrouverez, dans cette vie ou
une autre, je suis persuadé qu'elle vous attend,
quelque part, ailleurs qu'en vous-même, monsieur
Alexandre, je ne vous connais pas, mais je ressens
la sincérité de votre coeur, et puis je dois vous
dire, j'ai connu une Maï Lan après la libération du
pays, elle travaillait à l'hôpital, nous nous sommes
perdus de vue il y a quinze ans environ, elle et sa
petite fille allaient déménager dans le Nord, et sa
famille avait sollicité mon aide et celle de mes
frères, monsieur Alexandre, elle et sa petite fille,
une merveilleuse petite fille, avec un de ces rires
grands qu'on n'oublie pas, elle avait la joie de
vivre, la petite, la joie, monsieur Alexandre, elle
avait la joie, elle devait avoir quatre ou cinq ans,
six ans au plus, monsieur Alexandre, et elle n'avait
pas de père, je veux dire que personne au village ne
connaissait son père, personne, la famille disait
qu'il était mort pendant la guerre, la petite
ressemblait à sa mère, monsieur Alexandre, elle
avait le même visage lune, les mêmes yeux d'amande,
et elles riaient ensemble, fort, monsieur Alexandre,
tellement fort, et quand je vous ai entendu parler
l'autre soir, je me suis rappelé, j'ai pensé à
elles, et puis à la guerre aussi, la guerre qui est
revenue en boomerang, et l'angoisse, et les tirs, et
les bombes, le napalm, l'humanité qui brûle, à vif,
les ners qui craquent, les odeurs de pisse et...
enfin... vous voyez, monsieur Alexandre, oui, vous
voyez, vous savez de quoi je parle, parce que vous
êtes un soldat, vous aussi, vous êtes comme moi,
nous sommes pareils, nous savons ce que ce conflit a
coûté en âmes, de votre côté et du nôtre,
d'ailleurs, avec le recul des années, je me dis
qu'il n'y a qu'un seul côté, définitivement, qui
vaille toutes les peines et tout l'héroisme des
hommes, c'est celui de la vie, mais nos pays
respectifs avaient choisi la mort, pour des raisons
différentes certes, c'était la liberté ou la mort
pour nous, la poursuite de la colonisation ou la
mort pour vous, mais en définitive c'est la mort qui
l'a emporté, la mort de l'Homme, monsieur Alexandre,
n'êtes-vous pas d'accord avec moi ? Et où avez-vous
combattu exactement ? En Cochinchine ? Dans la
cuvette aussi, vous y étiez, lors de l'affrontement
final ? Monsieur Alexandre ? ..."
Marc
Alexandre OHO BAMBE - Diên Biên Phù
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