Le Trochiscanthe nodiflore
[TN]
n°643 (2018-43)
mardi 23 octobre 2018
"Lettre hebdomadaire" du site "Rencontres
Sauvages"
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Pie Courvières (Haut-Doubs) samedi 6 octobre 2018 Courvières
(Haut-Doubs),
derrière ma ferme comtoise... samedi 6 octobre 2018
Perchée Courvières (Haut-Doubs) samedi 6 octobre 2018 Courvières
(Haut-Doubs)
Mésange
charbonnièresamedi 6 octobre 2018 <image recadrée> Courvières (Haut-Doubs) samedi 6 octobre 2018 Dans l'ombre Courvières (Haut-Doubs) samedi 6 octobre 2018 <image recadrée>
Courvières
(Haut-Doubs)samedi 6 octobre 2018 Mésange charbonnière Courvières (Haut-Doubs) dimanche 14 octobre 2018 <image recadrée> Moineau
domestique femelle Moineau
domestique mâle Rougequeue
noir femelle
<image recadrée> <image recadrée>
Couple<image recadrée> Mésange
charbonnière <image recadrée>
Portrait,dans l'ombre <image recadrée> <image recadrée>
Moineau
domestique mâle, Moineau
domestique mâle à suivre...
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"Commençons par une définition : 1) Les classiques sont ces livres dont on entend toujours dire : « Je suis en train de le relire… » et jamais : « Je suis en train de le lire… » Cela du moins parmi ceux à qui l’on suppose de « vastes lectures » ; la règle ne vaut pas pour la jeunesse, âge auquel la relation avec le monde, et avec les classiques en tant que partie du monde, a précisément forme de première rencontre. Le préfixe itératif devant le verbe « lire » peut renvoyer à une petite hypocrisie de la part de ceux qui rougiraient d’admettre qu’ils n’ont pas lu un livre fameux. Pour les rassurer, il suffira de faire observer que, si vastes que puissent être les « lectures de formation » d’un individu, il reste toujours un nombre immense d’œuvres fondamentales qu’on n’a pas lues. Que celui qui a lu tout Hérodote et tout Thucydide lève la main ! Et Saint Simon ! Et le cardinal de Retz ! Même les grands cycles romanesques du XIXème siècle sont plus nommés que lus. En France, on commence à lire Balzac à l'école et, à en juger par le nombre des éditions en circulation, on peut croire que les Français continuent de le lire plus tard. Mais, si l'on faisait en Italie un sondage, je crains que Balzac n'apparaisse que vers les derniers rangs. Les passionnés de Dickens en Italie ne représentent qu'un groupe restreint de personnes qui, lorsqu'elles se rencontrent, se mettent aussitôt à évoquer épisodes et personnages comme s'il s'agissait de gens de leur connaissance. Il y a quelques années, Michel Butor, enseignant en Amérique et las de s'entendre toujours interroger sur Emile Zola, qu'il n'avait jamais lu, se décida à lire tout le cycle des Rougon-Macquart. Il découvrit quelque chose de bien différent de ce qu'il croyait : une fabuleuse généalogie mythologique et cosmogonique, qu'il décrivit dans un très bel essai. Tout cela pour dire que lire pour la première fois un grand livre à l’âge mûr est un plaisir extraordinaire : différent (mais ni supérieur ni inférieur pour autant) du plaisir qu’on aurait eu à le lire dans sa jeunesse. La jeunesse communique à la lecture, comme à toute autre expérience, une particulière saveur et une particulière importance ; tandis qu’à l’âge mûr on apprécie (ou l’on devrait apprécier) beaucoup plus de détails, on repère des niveaux, on distingue des sens. Nous pouvons, à partir de là, tenter une autre définition : 2) Sont dits classiques les livres qui constituent une richesse pour qui les a lus et aimés ; mais la richesse n’est pas moindre pour qui se réserve le bonheur de les lire une première fois dans les conditions les plus favorables pour les goûter. De fait, les lectures de jeunesse peuvent se révéler peu profitables par suite de l’impatience, de la distraction, de l’inexpérience des modes d’emploi, de l’inexpérience de la vie. Elles peuvent (éventuellement en même temps) être formatrices dans la mesure où elles donneront une forme à nos expériences futures, en leur fournissant des modèles, des termes de comparaison, des schémas de classification, des échelles de valeur, des paradigmes de beauté ; toutes choses qui continuent à opérer même lorsqu’il ne nous que peu de chose, ou même rien, du livre que nous avons lu dans notre jeunesse. En relisant ce livre à l’âge mûr, il nous arrive de retrouver ces constantes dont nous avions oublié l’origine, et qui font désormais partie de nos mécanismes intérieurs. L’œuvre littéraire possède cette force spécifique : se faire oublier en tant qu’œuvre tout en laissant sa semence. La définition que nous pourrions alors donner serait la suivante : 3) Les classiques sont des livres qui exercent une influence particulière aussi bien en s’imposant comme inoubliables qu’en se dissimulant dans les replis de la mémoire par assimilation à l’inconscient collectif ou individuel. C’est pourquoi l’on devrait consacrer, à l’âge adulte, un temps à la redécouverte des plus importantes lectures de sa jeunesse. Car, si les livres ne changent pas (mais en réalité ils changent à la lumière d’une perspective historique différente), nous-même avons changé, et nos retrouvailles avec eux sont des événements nouveaux. Que l’on emploie le verbe « lire » ou « relire » n’a dès lors plus aucune importance. Et, de fait, on pourrait dire : 4) Toute relecture d’un classique est une découverte, comme la première lecture. 5) Toute première lecture d’un classique est en réalité une relecture. La définition n°4 peut être considérée comme le corollaire de celle-ci : 6) Un classique est un livre qui n’a jamais fini de dire ce qu’il a à dire. Tandis que la définition n°5 appelle une formulation plus explicite, telle que : 7) Les classiques sont des livres qui, quand ils nous parviennent, portent en eux la trace des lectures qui ont précédé la nôtre et traînent derrière eux la trace qu’ils ont laissée dans la ou les cultures qu’ils ont traversées (ou, plus simplement, dans le langage et les mœurs). Cette définition vaut aussi bien pour les classiques anciens que pour les modernes. Si je lis L’Odyssée, je lis le texte d’Homère, mais je ne puis oublier tout ce que les aventures d’Ulysse ont fini par signifier au cours des siècles, et je ne puis ne pas me demander si ces sens étaient implicites dans le textes ou si ce sont des dépôts, des déformations ou des extensions successifs. En lisant Kafka, je ne puis faire autrement que de vérifier ou de repousser la légitimité de l’adjectif « kafkaïen » qu’on entend à tout instant employé à tort et à travers. Si je lis Pères et Fils de Tourgueniev ou Les Possédés de Dostoïevski, je ne puis que me rappeler comment ces personnages ont continué de se réincarner jusqu’à nos jours. La lecture d’un classique doit toujours nous réserver quelque surprise par rapport à l’image que nous en avions. Aussi ne recommandera-t-on jamais assez de lire directement les textes originaux en écartant le plus possible les bibliographies critiques, les commentaires, les interprétations. L’Ecole et l’Université devraient servir à faire comprendre qu’aucun livre parlant d’un livre n’en dit davantage que le livre en question. Elles font tout cependant pour faire croire le contraire ; et l’on constate un renversement des valeurs tel que l’introduction, l’apparat critique, la bibliographie sont utilisés comme un rideau fumigène qui dissimule ce que le texte a à dire et ce qu’il ne peut dire qu’à condition qu’on le laisse parler sans un intermédiaire qui prétend en savoir plus que lui. Nous pouvons en conclure que : 8) Un classique est une œuvre qui provoque sans cesse un nuage de discours critiques, dont elle se débarrasse continuellement. Le classique ne nous enseigne pas nécessairement quelque chose de neuf ; parfois, nous y découvrons quelque chose que nous avions toujours su (ou cru savoir), sans savoir que c’était ce livre-là qui l’avait dit le premier (ou qu’il s’y attachait de façon particulière). Et cette surprise est, elle aussi, une surprise pleine de satisfaction, comme l’est toujours la découverte d’une origine, d’une relation, d’une appartenance. De là, on pourrait faire dériver une définition comme : 9) Les classiques sont des livres que la lecture rend d’autant plus neufs, inattendus, inouïs, qu’on a cru les connaître par ouï-dire. Naturellement, cela ne se produit que lorsque le classique fonctionne comme tel, c’est-à-dire établit un rapport personnel avec celui qui le lit. Si l’étincelle ne jaillit pas, rien à faire : on ne lit pas les classiques par devoir ou par respect, mais seulement par amour. Du moins hors de l’école : celle-ci a pour rôle de faire connaître, tant bien que mal, un certain nombre de classiques, parmi lesquels (ou par rapport auxquels) chacun pourra ensuite reconnaître ses classiques. L’école est tenue de nous donner des instruments pour opérer un choix ; mais les choix qui comptent sont ceux qui se font après et en dehors d’elle. C’est seulement au fil des lectures désintéressées que nous pouvons un jour tomber sur le livre qui deviendra notre livre. Je connais un excellent historien de l'art, homme de vaste culture, qui, parmi tous les livres, a pris pour objet de ses prédilections les plus profondes Monsieur Pickwick : à tout propos, il cite des fragments du livre de Dickens et il associe tous les événements de la vie à des épisodes de cet ouvrages. Peu à peu, l'univers, la vraie philosophie, lui-même ont pris la forme de Monsieur Pickwick, par un phénomène d'identification absolue. On en arrive là à des idée des classiques très haute et très exigeante :
Italo
Calvino - Pourquoi lire les classiques ?
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