Le Trochiscanthe nodiflore
[TN]
n°639 (2018-39)
mardi 25 septembre 2018
"Lettre hebdomadaire" du site "Rencontres
Sauvages"
explications sur le nom de cette
lettre : [ici]
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Pour regarder et écouter,
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Les posters que je vais présenter :
sur le thème de la "loge n°5" 2016 2017
2018
Affiche du Comice
Le site
Les décorations
Devant la ferme...
Moulin en fonctionnement
Ancienne
meule du moulin de Courvières
Don Quichotte et les moulins
Moulin
rouge sur la place du village
(dessin de Picasso) Moulin de Hollande
Ombre des moulins Vache selon Prévert Moulin d'Alphonse Daudet...
Moulin
de Courvières et la chèvre de M. Seguin !! (le vrai !!) et bien d'autres décorations à découvrir... Venez nombreux !, le 29 septembre prochain ! |
Famille de Cygne La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs) samedi 11 août 2018 Foulque
macroule jeune
La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs) samedi 18 août 2018
Etirement
La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs) samedi 18 août 2018
Foulque
macroule jeune
La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs) samedi 18 août 2018 La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs) dimanche 2 septembre 2018 La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs) dimanche 2 septembre 2018
Toilette La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs) dimanche 2 septembre 2018 La
Rivière-Drugeon (Haut-Doubs)
Contorsionsdimanche 2 septembre 2018 <image recadrée> La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs) dimanche 2 septembre 2018 Portrait La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs) dimanche 2 septembre 2018 Sieste dimanche 2 septembre 2018 Foulque macroule adulte La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs) dimanche 2 septembre 2018 Foulque macroule : jeune La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs) dimanche 2 septembre 2018 dimanche 2 septembre 2018
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Suggestion de
lecture : "La brèche est une parcelle de terrain située tout juste à l'ouest de la rue McPhillips. Un champ étroit s'étirant sur quatre lots et interrompant le maillage serré des maisons construites de part et d'autre de la rue ; un vide qui coupe à travers toutes les avenues, de Selkirk jusqu'à Leila, à l'extrême limite du quartier North End. Certains ne lui donnent pas de nom, ne s'y arrêtent même pas. Moi, je ne l'appelais rien du tout, je savais seulement qu'il était là. Mais quand ma Stella a déménagé juste à côté, elle l’a appelé « la Brèche », ne serait-ce que pour elle-même. Personne ne lui avait jamais fait mention de l’existence d’un autre nom et, pour une raison quelconque, elle a pensé qu’elle devrait lui en donner un. C’est une terre appartenant à Hydro, qui lui avait vraisemblablement été réservée à l’époque où l’on ne trouvait pas grand-chose dans les environs. Quand toutes les basses terres du secteur ouest de la rivière Rouge n’étaient qu’herbes hautes et lapins, quelques arbustes en grappes parsemant le chemin jusqu’au lac, plus au nord. Le quartier s’est développé autour de la Brèche. Les maisons ont d’abord été construites pour les immigrants venus de l’Europe de l’Est, qui ont été repoussés du mauvais côté de la voie ferrée et tenus à l’écart des riches quartiers du sud de la ville. Quelqu’un m’a déjà dit que les maisons du quartier North End étaient à la fois grandes et bon marché, mais bâties sur des terrains minuscules. C’était à l’époque où il fallait posséder une certaine superficie de terre pour disposer du droit de vote, et tous ces lots comptaient quelques centimètres de moins que le minimum requis. Les grands pylônes métalliques d’Hydro ont dû être érigés plus tard. Énormes et gris, ils s’élèvent de chaque côté de l’étroite parcelle de terrain, supportant deux câbles d’argent souples, bien au-dessus de la plus grande des maisons. Les pylônes surgissent tous les deux pâtés de maisons, encore et encore, filant loin au nord. Ils se rendent peut-être même jusqu’au lac. Lorsque Stella et sa famille se sont installées près des pylônes, sa petite Mattie leur a donné le nom de « robots ». Robots, c’est un nom qui leur va bien. Ils ont tous une tête carrée et se tiennent les pieds écartés, comme un soldat au garde-à-vous, avec deux bras aériens qui soulèvent les fils haut dans le ciel. Ils forment une armée figée montant la garde, voyant tout. Autour d’eux, on a construit des maisons, aujourd’hui délabrées ; des marées humaines les ont envahies, puis vidées. Dans les années soixante, une fois que les Indiens inscrits au Registre ont été autorisés à quitter les réserves, plusieurs ont migré vers la ville et se sont installés dans le quartier. C’est à cette époque que les Européens ont lentement commencé à le déserter, comme un homme abandonnant une femme endormie dans la nuit noire. À présent, il y a énormément d’Indiens ici, de grosses familles, de bonnes personnes, mais aussi des gangs, des prostituées, des planques à drogués, et toutes ces belles et grandes maisons s’affaissent, fatiguées comme les vieillards qui les habitent encore. La zone entourant la Brèche est légèrement moins pauvre ; on y retrouve plus d’ouvriers, juste assez pour que les travailleurs qui y vivent pensent que le problème ne les concerne pas et qu’ils sont à l’abri du drame. Il y a davantage d’automobiles dans les entrées que de l’autre côté de McPhillips. C’est un bon quartier, mais on peut encore y voir la misère, si on sait où regarder. Si on sait voir les maisons dont les fenêtres sont en permanence recouvertes d’un drap. Si on sait voir les voitures qui arrivent tard le soir, se garent en plein milieu de la Brèche, loin de toute demeure, et y restent seulement une dizaine de minutes avant de repartir. Ma Stella voit ces choses. Je lui ai enseigné comment regarder et être à l’affût en tout temps. Je ne sais pas si c’était bien ou mal, mais elle est toujours en vie, alors il doit y avoir du bon dans tout ça. J’ai toujours aimé cet endroit que ma fille appelle « la Brèche ». L’été, j’avais l’habitude de le traverser en marchant. On peut y emprunter un sentier menant jusqu’à la limite de la ville, et si on ne regarde que l’herbe au sol, on a l’impression de se trouver en campagne tout le long. Les personnes âgées y cultivent de grands jardins aux rangs de maïs et de tomates bien ordonnés, tout proprets et jolis. Par contre, on ne peut pas traverser la Brèche à pied durant l’hiver. Personne ne déblaie de chemin dans ce lac de vent et de blanc, qui n’est alors qu’un champ de neige froide et mordante qui devient poudrerie à la moindre bourrasque. Et au moment où la neige touche les câbles d’Hydro à vif, ceux-ci émettent un bourdonnement agaçant. Le bruit est constant et juste assez discret pour qu’on puisse faire comme si on ne l’entendait pas, pareil à une voix qui murmure, mais dont on ne distingue pas les paroles. Et bien que les pylônes fassent plus de trois étages de haut, lorsqu’il neige, leurs câbles semblent tout près du sol, vraiment bas ; ils chuchotent un son qui ressemble presque à de la musique, seulement pas aussi doux. On peut l’oublier. Ce n’est qu’un bruit blanc, et certaines personnes parviennent à ignorer les choses de ce genre. D’autres les entendent, mais finissent par s’y faire. Il neigeait quand c’est arrivé. Le ciel était rose et gonflé, et la neige avait finalement commencé à tomber. Même depuis l’intérieur de sa maison, ma Stella entendait le bourdonnement aussi distinctement que sa propre respiration, ce qui se produit, elle le sait, les jours où le ciel se charge de nuages. Mais comme pour tout ce à travers quoi elle est passée, elle a juste appris à vivre avec. I Stella
Stella est assise à la table de la cuisine en compagnie de deux policiers et, pendant de longues minutes, personne ne dit rien. Tous sont simplement assis, baissent les yeux ou détournent le regard, durant ce silence qui s'étire. Le plus âgé des agents s'éclaircit la voix. Il sent le vieux café et la neige ; il parcourt des yeux la maison de Stella, sa cuisine étincelante et son salon sombre, comme s'il essayait de trouver la preuve de quelque chose. Le plus jeune, lui, relit les notes griffonnées dans son cahier à spirales aux pages gondolées et froissées. Une couverture sur les épaules, Stella pose une de ses mains autour de sa tasse de café brûlant ; malgré la chaleur qui monte en elle, elle continue de trembler. De son autre main, elle forme une boule avec un Kleenex mouillé. Elle fixe le plancher. Ses mains ressemblent à celles de sa mère – des mains qui semblent trop abîmées pour appartenir à une jeune femme. Des mains de vieille. Sa Kookom avait des mains semblables, et maintenant qu'elle est une vieille femme des pieds à la tête, ses mains sont devenues pratiquement transparentes, et la peau de ses paumes est élimée. Les mains de Stella ne sont pas encore aussi détériorées, mais elles ont quand même l'air trop plissées, en trop mauvais état pour son corps – comme si elles avaient vieilli avant elle. Le policier respire bruyamment. Stella finit par lever les yeux et rassemble ses forces pour recommencer à tout expliquer, encore. Les deux agents sont assis, les épaules relevées ; aucun ne touche aux tasses de café fumant que Stella a versées et placées devant eux. Ils ont toujours leur veste d'uniforme sur le dos. La radio accrochée à leur épaule crache des voix, des numéros et des signalements étouffés, parasités. Ses efforts pour ne pas pleurer en face de ces étrangers se sont avérés vains. L'agent Scott, le plus jeune, brise finalement le silence.
Il regarde Stella du coin de l'oeil. De sa voix neutre, lente, il insiste sur les mots s'est déroulé et là-bas. Sa bouche se contracte, animée par une sympathie préfabriquée que Stella sait être forcée, mais accepte quand même. L'agent Christie, le plus âgé, ne la regarde pas, se contente d'approuver en remuant rapidement son menton barbu et en se raclant à nouveau la gorge. Stella pense : il s'ennuie. Le plus jeune – c'est qu'il est vraiment jeune -, lui, semble zélé, voire excité. L'agent Scott essaie d'avoir l'air gentil, encore, et lui demande une fois de plus :
Stella laisse s'échapper une larme en clignant des yeux et secoue la tête. A travers la fenêtre, elle observe la Brèche, ce terrain vague à côté de la maison. Elle n'a pas besoin de regarder pour savoir qu'il neige doucement. Elle entend le faible bourdonnement, le ronronnement subtil des pylônes d'Hydro, situés en dehors de son champ de vision. Le ciel demeure rose vif dans la nuit, gonflé de la neige encore à venir. La Brèche est une ardoise blanche et vierge s'étirant vers les habitations au loin. La lumière de la lune et celle des lampadaires se réfléchissent sur la neige et sur le revêtement des maisons, dont les fenêtres sont noires, bien sûr. Toutes les fenêtres sont noires, sauf celles de Stella..." ."
Katherena
Vermette - Ligne brisée
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