Le Trochiscanthe nodiflore
[TN]
n°636 (2018-36)
mardi 4 septembre 2018
"Lettre hebdomadaire" du site "Rencontres
Sauvages"
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Repos La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs) samedi 14 juillet 2018 La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs) samedi 14 juillet 2018 La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs) dimanche 15 juillet 2018 La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs) dimanche 15 juillet 2018
Essorage
La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs) dimanche 15 juillet 2018 La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs) dimanche 15 juillet 2018 Jeune Poule
d'eau La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs) dimanche 22 juillet 2018 Fuligule
morillon femelle et ses petits
La
Rivière-Drugeon (Haut-Doubs)La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs) dimanche 22 juillet 2018 dimanche 22 juillet 2018 Bain La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs) dimanche 22 juillet 2018 Etirement La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs) dimanche 22 juillet 2018 La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs) dimanche 15 juillet 2018 <image recadrée> La
Rivière-Drugeon (Haut-Doubs) Reflet Bain
La
Rivière-Drugeon (Haut-Doubs) Caneton de Canard
colvert samedi 11 août 2018 <image recadrée> La
Rivière-Drugeon (Haut-Doubs) La
Rivière-Drugeon (Haut-Doubs)
La
Rivière-Drugeon (Haut-Doubs)samedi 11 août 2018 samedi 11 août 2018 Détail
La
Rivière-Drugeon (Haut-Doubs)La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs) samedi 18 août 2018 samedi 18 août 2018 Et si on leur disait que leur plumage ne peut
être mouillé... (hydrofuge !)
La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs) samedi 18 août 2018 La
Rivière-Drugeon (Haut-Doubs)
La
Rivière-Drugeon (Haut-Doubs)samedi 18 août 2018 dimanche 2 septembre 2018 Portrait La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs) dimanche 2 septembre 2018 <image recadrée> Sieste
La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs) dimanche 2 septembre 2018 Portrait
La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs) dimanche 2 septembre 2018
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"BIBLIOTHEQUES Les hasards de la vie m'ont un peu marié aux bibliothèques. Mon père était bibliothécaire et parlait quatre langues, ma mère les parlait avec la même aisance et était sans doute la plus piètre cuisinière à l'ouest de Suez.C'est dire que, dans mon enfance, le coupe-papier l'emportait sur le couteau à pain et que cette constellation familiale a fait de moi un grand bouffeur de livres et un voyageur à l'épreuve de n'importe quelle tambouille. En fin de carrière, mon père était directeur de la Bibliothèque universitaire de Genève : deux millions d'ouvrages, une fabuleuse caverne d'Ali-Baba. Lorsque j'ai commencé mes études de lettres, dans ce même jardin des Bastions où université et bibliothèque se côtoient, mon père m'en a fait une « conduite » pour que j'utilise au mieux cet incomparable instrument de travail. On aura beau normaliser, informatiser, filmographier, chaque bibliothèque conservera son odeur spécifique, sa stratégie, ses sésames et ses secrets. Je me sens fondé à cette affirmation pour en avoir pratiqué beaucoup, dans notre vieille Europe comme outre-mer. Une fois décodées et percées à jour, les bibliothèques sont comme les violons : qu'ils aient cent ou trois cents ans, plus on les joue, plus ils se prêtent. J'ai un souvenir très plaisant de cette visite : je voyais enfin mon père, grand érudit et sorcier des grimoires, sur son terrain et dans ses oeuvres. Le sociologue hollandais Van den Berg relève dans son ouvrage Les Metabletica combien, avec la dérive vers le secteur tertiaire, l'image du père est devenue abstraite, quasi inexistante pour l'enfant qui grandit. Un père actuaire, banquier, assureur ? On ne voit rien. Un père tonnelier, forgeron, encadreur, pêcheur, on voit. Cette fois-ci, je voyais : nous étions dans la « Réserve » : un manuscrit sur parchemin Le Voyage à Jérusalem de Bernard de Breytenbach avec de superbes bois coloriés, ou L'Histoire de la fée Mélusine, premier ouvrage profane illustré dans l'histoire de l'imprimerie, publiée à Genève en 1483, et dont il n'existe plus que deux exemplaires au monde : soit, l'incunable le plus rare de cette planète. Ou encore les manuscrits de Germaine de Staël, reliés en peau de requin « d'une superbe couleur de foutre », comme le conservateur des manuscrits se plaisait à le souligner, avec mille bonnes raisons. Lors de cette visite, j'ai été émerveillé et ému par la précision et le « savoir orné » - sans pédanterie – avec lesquels mon père replaçait pour moi chacune de ces merveilles dans leur géographie et leur histoire. C'était comme si cet homme, d'une réserve britannique, m'avait introduit dans son sérail secret et me présentait ses rutilantes maîtresses. Des années après sa mort, les hasards – encore une fois – de l'existence ayant fait de moi un photographe-chercheur d'images, je suis allé planter mon matériel dans l'atelier de photocopie, petit local qui fleurait bon la pomme flétrie car le préposé à cette besogne en avait toujours une corbeille pleine « juste pour l'odeur » qui lui donnait du coeur à l'ouvrage. Je me suis alors mis à explorer ces trésors de Golconde. Les Genevois sortaient du militantisme calvinien et, soutenus par la théologie très éclairée des XVIIè et XVIIIè siècles, n'ont pas tardé à comprendre qu'il était plus facile d'aimer les plantes que les hommes. Les Genevois, dont la parcimonie n'est plus à célébrer, n'ont jamais lésiné sur l'achat de livres touchant aux sciences naturelles, qu'ils ont ensuite très souvent légués à la collectivité : d'où la deuxième bibliothèque du monde après celle de Kew Gardens (Londres), aujourd'hui au Conservatoire de botanique, et un extraordinaire éventail d'ouvrages d'histoire des sciences conserveés à la Bibliothèque universitaire. J'ai donc passé des heures de félicité absolue, à découvrir cet immense archipel des images qui m'a autant cultivé que les études ou les voyages que j'ai pu faire ou ferai peut-être encore. Sans compter le plaisir presque gustatif que c'est que de cadrer, photographier, tirer soi-même, dans le silence de la chambre noire, les documents qu'on a dénichés. Quand mes trouvailles me faisaient fondre de plaisir, quand c'en était vraiment trop, je me débondais un peu en allant trouver mes savants collègues du « Musée d'histoire de la Réformation » pour leur montrer un frontispice d'une minéralogie allemande qui sentait un peu le fagot rosicrucien ou de ces traités de ces abbés hydro-électro-mécaniciens qui faisaient fureur dans les salons parisiens du XVIIIè siècle, où j'avais trouvé par exemple « petite échelle, fort officieuse, pouvant se rouler en la poche, et propice aux entreprises galantes ». Et je n'ai pas oublié le jour où, ouvrant le traité d'anatomie de Rivière, publié par Estienne (1545), volume quasi neuf légué à la bibiothèque en 1715, et jamais consulté parce que déjà caduc ou jugé libertin à cause des superbes femmes à chignon élégamment éviscérées, j'en avais décollé les pages avec un léger chuintement, l'encre, quatre siècles après l'édition, n'étant pas sèche. Journées entières de cette lanterne magique qui allait du Xvè au Xxè siècle, dans le silence et la lumière tamisée de cette petite officine et dans « passé-présent » qui me montait à la tête. Heures vécues avec les images de Mantegna, de Dürer, de Calcar ou de Callot, et de tant d'autres, vivant dans un temps autre et sortant de ma petite « cagna » tout ébloui par le soleil de fin d'après-midi sur les pelouses de l'université, garnies d'odalisques-étudiantes en minijupes, et me disant, avec mes cinquante kilos de matériel sur le dos, et considéré par toutes comme un portefaix ou un Aliboron, que la « petite échelle fort officieuse » serait tout à fait de saison..."
Nicolas
Bouvier - La guerre à huit ans
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