Le Trochiscanthe nodiflore
[TN]
n°628 (2018-28)
mardi 10 juillet 2018
"Lettre hebdomadaire" du site "Rencontres
Sauvages"
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Pinson des arbres mâle Courvières (Haut-Doubs) samedi 7 avril 2018 samedi 7 avril 2018 Courvières
(Haut-Doubs)
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dimanche 8 avril 2018
Courvières
(Haut-Doubs)
dimanche 8 avril 2018 Chardonneret
élégant
Courvières
(Haut-Doubs)Courvières (Haut-Doubs) samedi 28 avril 2018 samedi 28 avril 2018 <image recadrée> <image recadrée>
Dans mon jardin
potagerCourvières (Haut-Doubs) samedi 28 avril 2018 Courvières
(Haut-Doubs)
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samedi 28 avril 2018 <image recadrée>
Sur le mur
du potager
Courvières (Haut-Doubs) samedi 28 avril 2018 Courvières
(Haut-Doubs)
de facesamedi 28 avril 2018 <image recadrée> <image recadrée>
Courvières
(Haut-Doubs)
mardi 1er mai 2018 <image recadrée> <image recadrée>
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EnvolCourvières
(Haut-Doubs)
mardi 1er mai 2018
Courvières
(Haut-Doubs)
samedi 5 mai 2018
Sur mon compost
Courvières (Haut-Doubs) samedi 5 mai 2018 Courvières
(Haut-Doubs)
Courvières
(Haut-Doubs)samedi 5 mai 2018 samedi 5 mai 2018 <image recadrée> <image recadrée>
Courvières (Haut-Doubs) samedi 5 mai 2018 <image recadrée> Couple : toilette
sur fond de "Montbéliardes"...
Courvières (Haut-Doubs) samedi 5 mai 2018 Courvières
(Haut-Doubs)
A la recherche de brindilles
: samedi 5 mai 2018 pour la construction du nid Courvières (Haut-Doubs) mercredi 9 mai 2018 <image recadrée> Courvières (Haut-Doubs) mercredi 9 mai 2018 <image recadrée>
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Courvières
(Haut-Doubs)mercredi 9 mai 2018 Courvières
(Haut-Doubs)
Courvières
(Haut-Doubs)mercredi 9 mai 2018 mercredi 9 mai 2018 Courvières (Haut-Doubs) mercredi 9 mai 2018 Courvières
(Haut-Doubs)
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mercredi 9 mai 2018 Courvières
(Haut-Doubs)
dimanche 20 mai 2018 Courvières
(Haut-Doubs)
samedi 26 mai 2018 <image recadrée> Courvières
(Haut-Doubs)
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samedi 26 mai 2018 Courvières
(Haut-Doubs)
Sur l'azursamedi 26 mai 2018 Courvières
(Haut-Doubs)
vendredi 29 juin 2018
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mardi 4
juillet 2017 |
"Chez lui, il trouva sa mère endormie. Il laissa quatre cents euros sur la table de nuit et tira la porte de sa chambre. Dans la sienne, au lieu de préparer son sac, il se laissa tomber sur le lit les bras écartés. Ce message avait été comme un coup de poing dans l'estomac. Ça lui avait coupé le souffle. Fait mal, terriblement mal. C'est quoi, un type qui abandonne son enfant, qui le laisse grandir seul avec sa mère, sans lui donner un sou, sans s'occuper de lui ? Il roula sur le côté. Il le savait : c'est une merde. Un raté. Un lâche. Cette petit mort qu'il sentait là, dans sa poitrine, chaque fois qu'il repensait à son enfance. D'un bond, il alla ouvrir la porte de l'armoire. Prit en une brassée tous ses sweats et ses pulls d'hiver, qu'il jeta par terre. Voilà. La seule chose, parmi ses maigres affaires, qui ait de la valeur. Une couverture plastifiée, un numéro d'emplacement jauni qu'il avait appris par coeur : N V E 0579 ESAMI. Le rayon réservé : Consultation uniquement. Ils l'avaient demandé le coeur battant, pendant que le monsieur chargé des prêts et des retours les dévisageait d'un air dubitatif. Ils avaient parié sur leur mètre soixante-quinze et les poils qui commençaient à leur venir au menton, tâchant de s'en persuader eux-mêmes : ils étaient majeurs. Le coude de Zeno avait touché le sien. L'adrénaline, comme si un million d'euros les attendait de l'autre côté du comptoir. Ils avaient montré la carte volée à Nanni, un type de la tour G qui faisait semblant d'étudier la philosophie. Ils avaient eu l'impression que derrière eux les étudiants penchés sur leurs livres avaient tous levé la tête. C'était en 2004. Dix mois avant la fin de tout. Ils allaient tous les deux au collège Salvemini, de l'autre côté du périphérique. Dans la même classe depuis la maternelle. A une heure, ils étaient sortis et s'étaient regardés. Qui les attendait, chez eux ? Leur mère, et personne d'autre. Ils s'étaient dit : Pourquoi pas ? Allons faire les grands seigneurs. Allons regarder notre avenir de plus près. Le saisir à pleine mains. Dans toutes les matières, à part la discipline, ils avaient la mention « Excellent ». Ils écoutaient, mémorisaient aussitôt et lisaient tout le temps. Il y avait une petite bibliothèque dans leur quartier, au milieu du parc, inaugurée deux ans plus tôt. Ils s'étaient inscrits. La bibliothécaire avait appris à connaître leurs noms. Ils avaient écumé tout le rayon littérature, à l'exception de la romance. Ils s'étaient pris de passion pour les Français et les Russes du XIXè siècle. Manuel s'efforça de se rappeler comment ça lui était venu, cet emballement pour Dostoïevski. Peut-être avec ces reportages sur les bagnes en Sibérie, ou bien la phrase de la prof : « C'est trop difficile pour vous. » Ils étaient les seuls ados du quartier à emprunter des livres. Crime et châtiments, La Douce. Mais un jour, une bande de crétins avaient lancé des pierres dans les fenêtres de la bibliothèque, enfoncé la porte et couvert les murs d'inscriptions débiles. Un après-midi, Manuel et Zeno l'avaient trouvée fermée, les livres avaient disparus. Les travaux pour la remise en état n'avaient jamais débuté. Le seul qu'ils n'aient pas lu, c'était les Frères Karamazov. Le plus gros, le dernier. Alors, cet après-midi d'avril après le collège, ils étaient partis en direction de la rue mythique. Celle des palais du Moyen-Age. Où viennent de toutes les régions d'Italie des étudiants qui n'ont rien en commun avec leurs voisins de palier au foyer. Le trajet du bus, sans ticket, à la recherche du livre perdu. Ils étaient descendus via Irnerio, avaient remonté la via Mascarella pour déboucher derrière le Théâtre municipal, où travaillait la mère de Zeno. Et la via Zamboni leur était apparue dans toute sa splendeur historique, avec ses universités, ses punks à chiens. Magnifique. Marcher dans cette rue, à douze ans. Se glisser à l'intérieur des facultés : droit, statistiques, lettres et philisophie. Echapper à l'attention des gardiens en se mêlant habilement aux groupes d'étudiants. Monter ces escaliers énormes ornés de statues de plâtre dans des niches. Et puis le défi majeur : entrer dans un amphithéâtre où l'on respirait encore l'odeur des cours, monter sur la chaire et chanter Lose Yourself en baragouinant de l'anglais pendant trois bonnes minutes, avant de se faire repérer. Se rappeler ça, le plus beau jour de sa vie, lui donnait envie de pleurer et de démolir le mur. Avant de rentrer, ivres d'aventures, ils étaient allés à la bibliothèque de lettres. Des rayonnages en bois jusqu'au plafond, des fresques. Le vertige, tant il y avait de livres. Ils avaient cherché dans les fichiers, joué leur scénario à la perfection. Et du ventre de ce lieu fabuleux était remonté à la surface le livre qu'il tenait entre ses mains. Il s'assit, le garda longtemps sur ses genoux. L'été pendant lequel ils l'avaient lu, il ne voulait même pas y penser. Trente pages chacun. Le matin et l'après-midi. Sur les toits, dans les caves, sur les trottoirs. Entre une bouteille d'alcool volée, une partie de foot et un feu de poubelle. Ils lisaient à voix haute. Le père absent, la mère, les fils trop unique et trop seuls, tout disparaissait. Il ouvrit au hasard : Combien d'horribles tragédies ne réserve pas aux hommes le réalisme ! Ou encore : Je suis ivre spirituellement. Et puis : Il est mieux de bien se connaître au moment de se séparer. Les phrases qu'ils avaient soulignées. Oui, il aurait mieux valu se connaître quand ça finissait, plutôt que commencer par tomber amoureux. C'était ce qui leur était arrivé : amoureux de leurs pensées à l'unisson. Ils avaient tellement parlé ; tellement lu. Zeno était Alexeï, et Manuel était Mitia. Ils s'étaient juré qu'ils iraient au lycée et ensuite à l'université, tous les deux. Qui tu serais aujourd'hui si Zeno ne t'avait pas trahi ? Se demanda Manuel. Ce type qui laisse Adele aller toute seule ce matin à la clinique ? Un salaud ? Est-ce que tout serait différent s'ils étaient restés amis ? Il regarda sa chambre-cagibi. Il devait partir. Qu'est-ce que c'est, avoir un enfant ? Il n'arrivait pas à imaginer. Qu'aurait-il pu lui dire, lui apprendre ? Dans ce trou à rats. Je suis pas capable, se répondit-il, je peux pas. Il remplit son sac, y fourra machinalement le livre et le chargea sur son épaule : Riccione c'était la chance de sa vie. Sa revanche. La sienne, celle de personne d'autre..."
Sylvia
Avallone - La vie parfaite
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