Le Trochiscanthe nodiflore
[TN]
n°619 (2018-19)
mardi 8 mai 2018
"Lettre hebdomadaire" du site "Rencontres
Sauvages"
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Mâle Courvières (Haut-Doubs) dimanche 1er avril 2018 samedi 7 avril 2018 samedi 7
avril 2018
dimanche 8
avril 2018
Sur mon compostdimanche 8 avril 2018 Dans mon pommier dimanche 8 avril 2018 dimanche 8
avril 2018
dimanche 8
avril 2018<image recadrée> <image recadrée> Sur le manche de ma bêche
dimanche 8 avril 2018 samedi 14
avril 2018
samedi 14
avril 2018
Portrait
samedi 14 avril 2018 <image recadrée>
samedi 14 avril 2018 Femelle
Araignéesamedi 21 avril 2018 samedi 21 avril 2018 <image recadrée> samedi 21
avril 2018
samedi 21
avril 2018
samedi 21
avril 2018
dimanche 22
avril 2018
dimanche 22
avril 2018
Toilette
dimanche 22
avril 2018
Portraitdimanche 22 avril 2018 dimanche 22 avril 2018 <image recadrée> dimanche 22
avril 2018
Dans mon potager
dimanche 22 avril 2018 Sur le muret, en contre-jour...
dimanche 22
avril 2018
dimanche 22 avril 2018 dimanche 22
avril 2018
dimanche 22
avril 2018
<image recadrée> dimanche 22
avril 2018
Sous la pluiesamedi 28 avril 2018 samedi 28 avril 2018 Au soleil
samedi 28 avril 2018 ça gratte !
samedi 28 avril 2018 Avec une proie
(une chenille)
samedi 28
avril 2018samedi 28 avril 2018 <image recadrée> Floue ! samedi 28 avril 2018 samedi 28
avril 2018
samedi 28
avril 2018<image recadrée> dimanche 29
avril 2018
Toilettedimanche 29 avril 2018 dimanche 29
avril 2018
Pissenlitdimanche 29 avril 2018 dimanche 29 avril 2018 Courvières (Haut-Doubs)
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"Les majuscules J'ai ici, sur ma table de travail, mélangés pêle-mêle, quelques milliers de substantifs : semblables à autant de petits vers dont chaque segment est constitué d'une lettre. Certains restent là, raides, immobiles, apparemment en léthargie : voici « jurisconsulte », voici « procrastination », voici « capitulé ». On dirait des morts. D'autres au contraire font des mouvements lents, comme des anguilles dans les paniers. D'autres encore ont une vitalité frénétique, se débattent, au point de ressembler à des serpentaux devenus fous. Parmi les plus frénétiques je remarque « archiduc », « général », « normalisation », « région », « automatisation » (presque tous ceux qui finissent en -ION semblent avoir été piqués par la tarentule). « Caravansérail » bondit ici et là, dans de brusques sursauts. Bon. Si l'on observe avec une loupe on constate que dans leur grande majorité, au niveau de la tête, ils présentent une petite enflure. Chez certains, c'est une sorte de bosse, chez d'autres on dirait un tumescence. C'est l'initiale qui tend à se gonfler dans l'espoir de devenir une majuscule. Les substantifs, et même certains adjectifs particulièrement prétentieux, se sont montés la tête, il veulent percer, se distinguer, se faire remarquer et saluer avec respect. Pouvons-nous leur faire des reproches, les réprimander, leur infliger une sévère leçon de modestie ? Non. Ce serait une injustice. C'est de notre faute. Pouvons-nous leur faire des reproches, les réprimander, leur infliger une sévère leçon de modestie ? Non. Ce serait une injustice. C'est de notre faute. C'est nous qui, avec les majuscules, voulons faire figure, affirmer notre importance personnelle, et en figure, affirmer notre importance personnelle, et en même temps celle des choses qui nous appartiennent. C'est nous qui, en adulant une personne ou une chose, savourons le reflet de l'importance qu'elle s'attribue. C'est nous qui, par conformisme, affectons l'humilité et le respect devant les autorités constituées, les institutions, et tout ce qui concerne la chose publique et les valeurs officiellement reconnues. Maintenant personne ne veut contester l'opportunité d'écrire Dieu, et non dieu, si l'on parle du Tout-Puissant, République et non république, si l'on parle de l'Italie, Eglise et non église si l'on fait allusion à la communauté des croyants. Mais de semblables termes, qui exigent un signe de respect particulier, il ne doit pas y en avoir, dans notre dictionnaire, plus de quelques dizaines. Tandis que dans les journaux on trébuche, on peut dire à chaque ligne, sur des majuscules absolument abusives. C'est une question de climat, malheureusement. L'emphase, la grandiloquence, le superlatif sont dans l'air. Voici le Président de la Cour (est-ce qu'on ne comprendrait pas tout aussi bien sans les majuscules ? Croyez-vous qu'il y ait le risque qu'on le prenne pour un éléphant ou un fer à repasser ?) Voici le Secrétaire Général, le Vice-Secrétaire, l'Organisme, le Proviseur, le Directeur, l'Inspecteur, le Doyen, la Nation, le Droit, Monsieur le Député, l'Entreprise, les Agents de Police, l'Art, le Chantre ou le Poète (si l'on parle, supposons de Carducci), le Maître (si l'on parle, supposons, de Ponchielli), l'Exposition, la Revue. Voici « Il », avec la majuscule, comme s'il s'agissait d'un dieu, lorsqu'on parle d'un défunt important, comme si, privé de la majuscule, le personnage, dans sa tombe, devait se mettre à bouder. Voici, le torse en avant, et coiffés d'un comique casque de parade, les Sociétaires, les Congressistes, les Membres du Conseil, les Bienfaiteurs, les Patronnesses, et peut-être les Employés de la Voirie Urbaine. Personnellement, si j'étais un tyran, je fixerais une amende de mille lires – pas la décapitation, ni la prison à perpétuité, vous voyez qu'au fond je suis un être doux – pour chaque majuscule qui n'est pas absolument nécessaire. Mais, comme je ne suis pas un tyran, je me défoule comme je peux. J'ai pris un petit marteau et vlan ! je fanque de grands coups sur les substantifs, là où l'on remarque une protubérance initiale suspecte, afin de l'aplatir. Vlan ! Des coups de marteau sur la tête. Ça ne sert à rien ? Je le sais. Mais au moins je m'offre cette satisfaction."
Dino
Buzzati - Nous sommes au regret de...
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