Le Trochiscanthe nodiflore
[TN]
n°606 (2018-06)
mardi 6 février 2018
"Lettre hebdomadaire" du site "Rencontres
Sauvages"
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Moineau domestique femelle Courvières (Haut-Doubs) lundi 1er janvier 2018 Etourneau sansonnet Courvières (Haut-Doubs) lundi 1er janvier 2018 Courvières (Haut-Doubs) lundi 1er janvier 2018 <image recadrée> sur le "piquet aux Cladonies" Courvières (Haut-Doubs) samedi 6 janvier 2018 <image recadrée>
<image recadrée>
Rougegorge Courvières (Haut-Doubs) samedi 6 janvier 2018 Courvières (Haut-Doubs) samedi 6 janvier 2018 <image recadrée> Courvières
(Haut-Doubs)
"bisou"
!samedi 13 janvier 2018 <image recadrée> <image recadrée> Corneille
noire Dans l'ombre
: <image recadrée>
Corneille
noire <image recadrée>
Courvières
(Haut-Doubs)samedi 27 janvier 2018 <image recadrée> Femelle <image recadrée> Mâle
<image recadrée>
Courvières
(Haut-Doubs)<image recadrée> samedi 27 janvier 2018 <image recadrée>
Courvières
(Haut-Doubs)
samedi 27 janvier 2018
Toilette Courvières (Haut-Doubs) samedi 13 janvier 2018 Tout près !
Courvières (Haut-Doubs) samedi 27 janvier 2018 Courvières
(Haut-Doubs) Mâle
et femelle
sur une branche Mésange
charbonnière Sur le "piquet
aux Cladonies" Portrait
<image recadrée>
<image recadrée> Portrait II |
"Le présage de l'Apocalypse n'avait pas disparu pour autant. La comète brillait d'un éclat de plus en plus vif et emplissait presque tout le ciel. On pouvait maintenant la voir à travers les nuages, et elle éclairait le paysage même la nuit. Tuirevi Hillikainen se mit à célébrer l'office tous les deux jours, et l'église était quasiment toujours pleine. Eemeli ordonna à ses administrés de se confectionner des masques de lin et de stocker de l'eau potable dans les caves. Vachers et vachères devaient dormir à l'étable avec les bêtes afin de les rassurer. Enfin, au matin du 24 novembre 2023, la cuiller de l'organiste Severi Horttanainen lui tomba de la bouche. La terre trembla, une clarté éblouissante aveugla ceux qui regardaient le ciel. Tous se ruèrent aux abris, pour autant qu'ils le purent. Eemeli Toropainen, assis dans la cave de son manoir sur un tonneau de cent litres de bière, ordonna à Taina d'ouvrir la bonde. Si c'était la fin du monde, autant l'accueillir en vidant la barrique. C'était bien la fin du monde. L'Asie disparut. L'Europe but la tasse. On n'entendit plus jamais parler de l'Amérique. Une série de trois grosses météorites s'étaient détachées de la comète pour frapper notre coupable planète. Le coup fut rude. Le pôle Nord se déplaça d'un bloc, déchirant de son champ magnétique les entrailles de l'humanité. Puis vinrent l'obscurité, le vent et le brouillard, qui persistèrent deux jours. Une odeur de lave et de soufre flottait sur le monde. Il régnait un peu la même atmosphère que lors des ténèbres de juin. Quand la nuit de la fin du monde fit enfin place à l'aurore, le président de la Fondation funéraire Eemeli Toropainen sortit de sa cave et regarda le paysage. Le soleil brillait maintenant sous un autre angle. Son disque rougeoyait. On entendit bientôt, en provenance du sud, des cris de volatiles inconnus. Le premier à se poser dans la pinède d'Ukonjärvi fut, dans un cancanement affreux, un flamant rose au plumage noirci. Il fut suivi d'une troupe entière d'étranges oiseaux de mer à la queue tristement carbonisée. Ils se perchèrent, l'air malheureux, sur le faîte de l'église. Des Ukonjärviens venus aux nouvelles commençaient à se rassembler sur la colline de l'église. L'atmosphère était indéfinissable. Rien d'étonnant à cela, quand on vient de vivre la fin du monde. Eemeli Toropainen ne savait que répondre aux questions, si ce n'est que malgré la catastrophe, le village ne semblait guère avoir changé. La radio était muette, le reste de la planète n'émettait plus un bruit, mais Ukonjärvi était intact. Eemeli Toropainen en conclut que l'on pouvait se préparer à fêter Noël comme si de rien n'était. La période de l'avent fut étrange, car le temps se réchauffa et prit des allures printanières. Les lacs débâclèrent début décembre. Les chatons des saules bourgeonnère et les bergeronnettes refirent leur apparition. Les boutons-d'or étaient en fleur. Le soir du réveillon, les enfants chantèrent un vieux noël traditionnel : Sommes-nous en été en plein coeur de l'hiver Et les oiseaux bientôt vont-ils foire
leur nid ?
Déjà dans le sapin les bougies ont fleuri, La froide et sombre nuit s'éclaire de lumière. Le lendemain de Noël, on aperçut les premières hirondelles. Gasouillant de tout coeur, elles se mirent à faire leur nid sous le rebord du toit de l'église. L'herbe verdissait déjà sur la colline. Tout prouvait que le monde était sens dessus dessous, mais le résultat n'était pas si mauvais, en tout cas vu d'Ukonjärvi. Compte-tenu du brusque changement de climat, Eemeli Toropainen décida de remplacer les réjouissances du nouvel an par une authentique Saint-Jean finlandaise. On alluma au bord de l'eau, près de l'église, un bûcher plus haut que d'ordinaire. Venus de tous les hameaux, les habitants de la commune se rassemblèrent autour du feu. On se régala de vendaces en croûte et l'on but de la bière. On parla aussi beaucoup du sort de la planète. Pour le reste, la belle Saint-Jean d'Ukonjärvi fut conforme à la tradition, si ce n'est que le soleil se coucha avec un décalage de plus de cinquante degrés par rapport à la normale, dans le sens inverse des aiguilles d'une montre, donc au sud-ouest. Après avoir passé une courte nuit d'été sous l'horizon, il se leva, non pas à l'est comme d'habitude, mais presque au nord-nord-ouest. L'ombre de l'église s'étendait sur le lac, alors qu'auparavant, à l'aurore, elle recouvrait le cimetière, dans la direction opposée. Les tombes baignaient à présent dans la lueur de l'aube. On ne resta pas à s'étonner outre mesure des caprices du soleil de la Saint-Jean. Les Ukonjärviens trouvaient qu'il y avait plus important à faire, dans ce monde, que regarder d'où venait la lumière. Dès le lendemain, ils partirent travailler aux champs, car les semailles attendaient. Il fallait se hâter, c'était déjà le solstice d'été. Ailleurs en Europe, la situation était tout autre. La fin du monde laissait forcément des traces. A Paris, Montparnasse baignait sous six mètres d'eau. Des poissons de mer nageaient dans les rues et les cafés. Deux morues examinaient d'un oeil morne le menu détrempé par les marées d'une brasserie qui proposait du « cabillaud frit pour deux » au prix tout à fait raisonnable de 140 francs. On était en 2023. Du côté de l'ancien lit de la Seine, on entendit approcher un bruit de moteur étouffé. Une Parisienne ridée surgit de la brume, l'air chagrin, dans une petite barque à l'arrière de laquelle ronronnait un antique hors-bord de marque Arlette. Elle parcourut quelques artères du quartier avant de reprendre la direction de Montmartre. Le brouillard glacé se referma sur elle."
Arto
Paasilinna - Le Cantique de l'Apocalypse
joyeuse
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