Le Trochiscanthe nodiflore
[TN]
n°605 (2018-05)
mardi 30 janvier 2018
"Lettre hebdomadaire" du site "Rencontres
Sauvages"
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Mésange bleue Courvières (Haut-Doubs) dimanche 3 décembre 2017 Rougegorge
familier
Courvières (Haut-Doubs) samedi 16 décembre 2017 Pie sous la neige Courvières (Haut-Doubs) samedi 16 décembre 2017 Courvières
(Haut-Doubs)
Courvières
(Haut-Doubs)samedi 16 décembre 2017 samedi 16 décembre 2017 <image recadrée>
<image recadrée> <image recadrée> <image recadrée>
Dans la neige...
Courvières (Haut-Doubs) samedi 16 décembre 2017 <image recadrée>
Courvières
(Haut-Doubs)
Le floconsamedi 16 décembre 2017 Courvières (Haut-Doubs) samedi 16 décembre 2017 <image recadrée> Sous la neige
Courvières (Haut-Doubs) samedi 16 décembre 2017 Courvières
(Haut-Doubs)
dimanche 17 décembre 2017 <image recadrée> Mésange
charbonnière
Courvières (Haut-Doubs) dimanche 17 décembre 2017 <image recadrée> Courvières
(Haut-Doubs)
dimanche 17 décembre 2017 <image recadrée> Sur le piquet aux Cladonies
Courvières (Haut-Doubs) dimanche 17 décembre 2017 <image recadrée> Courvières
(Haut-Doubs)
Courvières
(Haut-Doubs)samedi 23 décembre 2017 <image recadrée> samedi 23 décembre 2017 <image recadrée> Courvières
(Haut-Doubs)
samedi 23 décembre 2017 <image recadrée>
Courvières
(Haut-Doubs)
dimanche 24 décembre 2017 Courvières (Haut-Doubs) dimanche 24 décembre 2017 <image recadrée> dimanche 24 décembre 2017 <image recadrée>
Courvières
(Haut-Doubs) Courvières (Haut-Doubs) dimanche 24 décembre 2017 <image recadrée> Courvières (Haut-Doubs) dimanche 24 décembre 2017 <image recadrée> Courvières
(Haut-Doubs) Courvières (Haut-Doubs) dimanche 24 décembre 2017 <image recadrée> Merle noir mâle Courvières (Haut-Doubs) lundi 25 décembre 2017 Merle noir mâle
Dans le GivreCourvières (Haut-Doubs) lundi 25 décembre 2017 Courvières (Haut-Doubs) lundi 25 décembre 2017 <image recadrée> Rougegorge Courvières (Haut-Doubs) lundi 25 décembre 2017 <image recadrée> |
"A la recherche du "grand commencement" C'était l'été 2003, une chaleur à crever. J'avais pour guide Vieri Pilepic, un natif de Fiume, qui connaît ces cîmes boisées mieux qu'une martre. La voiture passa devant la petit église de Volosca, avec ses deux clochers à bulbe, le stade de Kantrida, les quartiers prolétaires de Fiume, l'odeur des ruelles, les bars aux effluves de café turc, le théâtre de la communauté italienne qui a survécu, et de là, devant la Rijecica, l'Eneo de l'Antiquité, le cours d'eau qui donne son nom à Rijeka-Fiume et fend le petit val rocheux qui servit un temps de frontière entre l'Italie et la Yougoslavie ; le pont qui l'enjambe fut un lieu d'antagonismes et de contrebande, de guerres et d'amours furibondes. La montagne se dressait toujours au-dessus de nous. Elle menait, loin au-dessus de la baie du Quarnaro (Kvaner), vers le sanctuaire du Tersatto, où les marins qui avaient échappé au neverin accrochaient leurs ex-voto, ou bien vers le Grobnik, l'esplanade où, à ce que l'on racontait, les Croates - de tout temps fascinés par le dieu Mars - avaient vaincu les Turcs. "Fiume est une ville parfaite, me dit Vieri en souriant. Le matin tu peux escalader les Alpes, et le soir te pol tociar i pie in mar [tu peux tremper tes pieds dans la mer]" Encore une baie, la quartier de Kastrena, puis le fjord de Buccari (Bakar). Nous prîmes un sentier qui descendait, avec des gradins de pierre cachés au milieu des lentisques. Au fond, une petite crique isolée et deux vieilles remises de pêcheurs. Une eau grecque, vert bouteille, avec une source sous-marine qui venait faire onduler la surface. La dernière mer, le dernier bain, un plongeon qui me fit l'effet d'un baptême, avant une longue abstinence qui ne paraissait devoir finir que sur la Côte d'Azur. Sur la plage, nous ouvrîmes la carte des Alpes et découvrîmes qu'il n'existait pas un seul point, en mer Méditerranée, où la ligne de partage des eaux avec une autre mer fût plus voisine. Seize kilomètres seulement pour rejoindre le versant danubien. Il paraissait impossible que l'eau de pluie qui tombait là-haut, à pic sur l'Adriatique, pût descendre jusque dans la mer Noire. Seize kilomètres, beaucoup moins qu'à Trieste, où le changement de versant est pourtant extrêmement proche. C'était là-haut, à l'aplomb de la mer, que commençaient les Alpes. Dans un endroit qui avait nom Vrata, le terme qu'utilisent aussi les Dalmates pour désigner un détroit entre deux îles. Nous montâmes à pied et au cours de ces seize kilomètres - soit à peine plus de deux milles austro-hongroises - nous eûmes l'impression de passer de la Grèce à la Bohême. En bas, des tavernes servant des calamars grillés et du malvoisie. En haut, des auberges offrant du goulash d'ours. Deux mondes séparés par un féroce escarpement, où l'hiver la bora atteint les deux cents kilomètres à l'heure et se déverse sur la mer comme une masse liquide, arctique, pesante. Un terrain difficile où parfois les trains - entre Fiume et Zagreb - glissent en raison de l'inclinaison excessive. Cette pente résumait toute la barbare différence existant, en Méditerranée, entre la côte et l'arrière-pays pastoral. De Zadar jusqu'en bas, tout le monde sait à quoi s'en tenir : en 1991, la guerre qui a détruit la Yougoslavie est toujours venue des montagnes, des habitants trop nerveux des Alpes dinariques, ces montagnes de la lune. Cette dénivellation était à l'origine de toutes les batailles. Le commencement des Alpes ne figurait dans aucun guide. Et, à fortiori, la route pour y arriver en partant de la mer. Aussi était-ce à nous d'en établir le tracé, à vue de nez. La voie la plus directe montait le long de pentes envahies d'arbustes épineux qui avait jadis été des vignes. "Ici, on produisait un grand vin du genre marsala", me dit Vieri. Et il me montra un petit escalier qui rejoignait notre route, taillé au milieu des terrasses tapissées de maquis : la via Carolina, créée par Napoléon, grandiose et oubliée. Ce ne fut pas un départ, mais un décollage à la verticale, sur une surface rugueuse et privée d'eau, le long d'une étendue de pierrailles éblouissante, surchargée d'odeurs, qu'on aurait pu croire brûlée à l'acide sulfurique. Nous montâmes avec lenteur, à contrejour, dans une chaleur turque, mais avec le plaisir clandestin d'une aventure à deux pas de chez nous, absolument seuls sur une route jalonnée d'antiques bornes. Un peu plus bas, des milliers de voitures rôtissaient à la queue leu leu en direction de la Dalmatie. Et des millions de cigales stridulaient dans le romarin.
Il nous suffit de monter un peu pour avoir une vue à vol d’oiseau. Nous avions devant nous la mer dans laquelle s’était achevée la croisière des Argonautes. À l’horizon, les îles de Cherso (Cres) et Lussino (Lošinj), qu’on appelle les Apsyrtides, parce qu’elles sont nées des membres d’Apsyrte, le frère de Médée, qu’elle avait tué et dépecé en s’enfuyant sur la mer avec Jason, afin de ralentir la poursuite du roi de Colchide à qui son amant venait de dérober la Toison d’or. Plus près de la côte, Veglia (Krk) et Arbe (Rab), dites les Électrides, parce que c’était là qu’arrivait l’ambre de l’embouchure de la Vistule et qu’en grec « ambre » se dit elektron. Le terrain est calciné, c’est presque le désert de Libye. Pas la moindre konoba – auberge –, pas un bar, pas même une buvette. Ici, avec le vent qui souffle, les bateaux ne sont même pas à l’abri sur la terre ferme. Les pêcheurs les suspendent à des piquets, comme les chaloupes d’un transatlantique. Nous-mêmes n’étions pas sur une montagne, mais sur le flanc d’un gigantesque navire. En contrebas, superbe dans le mistral, un voilier allait s’infiltrer entre Sveti Grgur et Goli Otok, les deux îles de l’horreur, où Tito avait incarcéré des milliers de dissidents. Au sud-ouest, du côté du Velebit, le précipice était deux fois plus profond que du côté de Buccari. L’automne précédent, j’avais bivouaqué là-haut, à mille six cents mètres d’altitude, dans une espèce de belvédère dément qui avait nom Rossijevo Sklonista. Je n’avais pas fermé l’oeil, car la bora fendait les bois comme une lame et le terrain grouillait de loirs en folie. Mais l’insomnie ne m’avait nullement contrarié : au-dessous de moi, je voyais l’archipel dont les petits phares clignotaient, plongé dans un lac noir de silence. Au-dessus, des milliards d’étoiles. Pilepic marchait vite. Là-haut tout était puissant : le roc, l’odeur de sauge, la température, la sensation de se cacher dans une terre de partisans. Nous étions seuls et impossibles à repérer, poursuivis par le soleil à travers un paysage lunaire. Toute la côte orientale de la mer Adriatique regorge de petits défilés rocheux, de balcons naturels, de pics d’où l’on ne voit rien d’autre que la pierre, la mer et le ciel. La vallée la plus septentrionale, la dernière de toutes, est celle que je préfère : la Rosandra, à deux pas de Trieste. Une blessure karstique emplie de vent, dans laquelle presque rien n’a changé au cours des deux derniers millénaires. Un havre où c’est un luxe que de se réfugier, où la vie paraît trouver le petit coin idoine pour reprendre son souffle. À six cents mètres, tout changea. Des prairies, des vaches, des tilleuls, les premiers sapins, les premières remises à bois sur la route, les premières petites maisons coiffées d’un toit très pentu pour évacuer la neige. Au-delà du hameau de Benkovac, passage d’un premier col, à neuf cents mètres d’altitude. La mer disparut à la hauteur d’un crucifix en bois, au bord de la route, puis nous arrivâmes à Fuzine, le village où l’on servait le célèbre goulasch de gibier dans une sauce aux myrtilles. C’était là le « grand commencement », notre col de Vrata qui, en serbocroate, signifie « porte », et c’est en effet un seuil qui vous ouvre l’univers danubien..."
Paolo
Rumiz - La légendes des montagnes qui
naviguent
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