Le Trochiscanthe nodiflore
[TN]
n°602 (2018-02)
mardi 9 janvier 2018
"Lettre hebdomadaire" du site "Rencontres
Sauvages"
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Sur le grillage Courvières (Haut-Doubs) samedi 18 novembre 2017
Courvières (Haut-Doubs) samedi 18 novembre 2017 <image recadrée> Courvières (Haut-Doubs) samedi 18 novembre 2017
Mâle dans
un Erable
Courvières (Haut-Doubs) samedi 18 novembre 2017 Femelle Courvières (Haut-Doubs) samedi 18 novembre 2017 Mâle et Femelle Courvières (Haut-Doubs) dimanche 3 décembre 2017 Mâle dans
le Givre
Ombre sur
la neigeCourvières (Haut-Doubs) dimanche 3 décembre 2017 Courvières (Haut-Doubs) dimanche 3 décembre 2017 Flou ! derrière la neige Courvières (Haut-Doubs) dimanche 3 décembre 2017 <image recadrée> Sur le piquet aux CladoniesCourvières (Haut-Doubs) dimanche 17 décembre 2017 <image recadrée> Dans l'ombre Courvières (Haut-Doubs) dimanche 17 décembre 2017 Dans la neige Courvières (Haut-Doubs) dimanche 17 décembre 2017 Sous la neige
Courvières (Haut-Doubs) dimanche 17 décembre 2017 Et la neige tombe, tombe... Et la neige tombe, tombe ... et la neige tombait.Deux p'tits moineaux sur une branche. Le premier dit : "Bonjour, mon vieux. Ca va ? Moi, pas mal. Si tu veux, Nous allons faire connaissance. Je viens tout drè de Concarneau..." Mais le second répondit : "No !" ... et la neige tombe, tombe ... et la neige tombait. Deux p'tits moineaux sur une branche. Le premier dit : " Je vois c'que c'estPauvre garçon ! Il est muet ! Hoplà, monsieur ! Hé ! Vieille branche ! Viens près de moi, nous aurons chaud !" Mais le second répondit : "No !" ... et la neige tombe, tombe ... et la neige tombait. Deux p'tits moineaux sur une branche. Le premier dit : "Mon Dieu, quel temps !Rien à se mettre sous la dent : Plus de cheval ! Plus de ... pitance. En usais-tu chez toi, plumeau ?" Mais le second répondit : "No !" Car c'était un moineau Anglais. ...et la neige tombe, tombe... et la neige tombait. Samivel Sur le piquet aux Cladonies <image recadrée> Femelle à
sa toilette <image recadrée> Dans le
givre
Courvières
(Haut-Doubs)
dimanche 31 décembre 2017 <image recadrée>
Courvières (Haut-Doubs) dimanche 31 décembre 2017 Courvières
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"1
Ce matin Rino m'a téléphoné, j'ai cru qu'il voulait encore de l'argent et me suis préparée à le lui refuser. Mais le motif de son appel était tout autre : sa mère avait disparu. « Depuis combien de temps ? — Quinze jours. — Et c’est maintenant que tu m’appelles ? » Mon ton a dû lui paraître hostile ; pourtant je n’étais ni en colère ni indignée, juste un tantinet sarcastique. Il a tenté de répliquer mais n’a pu émettre qu’une réponse confuse, gênée, moitié en dialecte et moitié en italien. Il s’était mis dans la tête, m’a-t-il expliqué, que sa mère était en vadrouille quelque part dans Naples, comme d’habitude. « Même la nuit ? — Tu sais comment elle est. — D’accord, mais quinze jours d’absence, tu trouves ça normal ? — Ben oui. Ça fait longtemps que tu ne l’as pas vue, c’est encore pire : elle n’a jamais sommeil, elle va et vient, elle fait tout ce qui lui passe par la tête. » Il avait quand même fini par s’inquiéter. Il avait interrogé tout le monde, fait le tour des hôpitaux et s’était même adressé à la police. Rien, sa mère n’était nulle part. Quel bon fils ! Un gros bonhomme sur la quarantaine, qui n’avait jamais travaillé de sa vie et n’avait fait que trafiquer et gaspiller. J’ai imaginé avec quelle diligence il avait dû faire ses recherches : aucune. Il n’avait pas de cervelle, et rien ne lui tenait à cœur hormis sa propre personne. « Elle ne serait pas chez toi ? » m’a-t-il soudain demandé. Sa mère ? Ici à Turin ? Il connaissait bien la situation, et ne parlait que pour parler. Lui oui, c’était un voyageur, et il était venu chez moi une dizaine de fois, sans y être invité d’ailleurs. Sa mère, qu’au contraire j’aurais accueillie avec plaisir, n’était jamais sortie de Naples de toute sa vie. Je lui ai répondu : « Elle n’est pas chez moi, non. — Tu es sûre ? — Rino, s’il te plaît : je te dis qu’elle n’est pas là. — Mais alors elle est où ? » Il s’est mis à pleurer : je l’ai laissé mettre en scène son désespoir, avec des sanglots qui commençaient par être feints avant de devenir réels. Quand il a terminé je lui ai conseillé : « S’il te plaît, comporte-toi comme elle le voudrait, pour une fois : ne la cherche pas. — Mais qu’est-ce que tu racontes ? — Tu m’as entendue. C’est inutile. Apprends à vivre tout seul, et ce n’est pas la peine de me chercher non plus. » J’ai raccroché.
2
La mère de Rino s'appelle Raffaella Cerullo, mais tout le monde l'a toujours appelée Lina. Pas moi : je n'ai jamais utilisé ni ce premier ni ce deuxième prénom. Depuis plus de soixante ans, pour moi elle est Lila. Cela fait au moins trois décennies qu'elle me répète vouloir disparaître sans laisser de trace, et il n'y a que moi qui sache vraiment ce qu'elle veut dire. Elle n'a jamais eu à l'esprit une quelconque fugue, un changement d'identité, ou rêvé de refaire sa vie ailleurs. Et elle n'a jamais pensé au suicide, dégoûtée comme elle est à l'idée que Rino se retrouve avec son corps et soit obligé de s'en occuper. Son intention a toujours été différente : elle voulait se volatiliser, disperser chacune de ses cellules, et qu'on ne retrouve plus rien d'elle. Et comme je la connais bien, ou du moins je crois la connaître, je parie qu'elle a trouvé un moyen de ne pas laisser la moindre trace dans ce monde, pas un cheveu, nulle part.
3
Les jours ont passé. J'ai surveillé ma messagerie électronique et mon courrier, mais sans espoir. Je lui ai écrit très souvent, mais elle ne m'a presque jamais répondu : cela a toujours été son habitude. Elle préférait le téléphone ou les longues nuits passées à bavarder quand je descendais à Naples. J'ai ouvert mes tiroirs et les boîtes en métal dans lesquelles je conserve des souvenirs de toutes sortes – bien peu de chose. J'ai jeté beaucoup d'affaires, en particulier la concernant, et elle le sait. J'ai découvert que je n'ai rien d'elle, pas une photo, pas un message, pas un petit cadeau. Je m'en suis étonnée moi-même. Est-il possible qu'en tant d'années elle ne m'ait rien laissé d'elle, ou pis encore, que je n'aie jamais voulu garder quelque chose d'elle ? Oui, c'est bien possible. Cette fois, c'est moi qui ai téléphoné à Rino, même si je l'ai fait à contrecoeur. Il ne répondait ni sur son fixe ni sur son portable. Il m'a rappelée dans la soirée, à sa convenance. Il parlait avec une voix qui essayait d'apitoyer : « J'ai vu que tu as appelé. Tu as des nouvelles ?
Il m'a tenu des propos desordonnés. Il voulait aller à la télé, à l'émission qui s'occupe des personnes disparues : y lancer un appel, demander pardon à sa mère pour tout et la supplier de rentrer. Je l'ai écouté patiemment et puis lui ai demandé : « Tu as regardé dans son armoire ?
Naturellement il ne lui était jamais venu à l'esprit de faire ce qui était le plus évident. « Va voir. » Il y est allé et s'est rendu compte qu'il n'y avait rien, même pas un vêtement de sa mère, d'été ou d'hiver, seulement de vieux cintres. Je l'ai envoyé fouiller la maison. Ses chaussures avaient disparu. Ses livres aussi. Disparues toutes les photos. Disparus les films. Disparu son ordinateur, même les vieilles disquettes qu'on utilisait autrefois, tout, la moindre trace de ses activités de fée de l'électronique – elle qui avait fait ses premières armes avec les ordinateurs dès la fin des années soixante-dix, à l'époque des fiches perforées. Rino était stupéfait. Je lui ai proposé : « Prends tout le temps que tu veux, et ensuite appelle-moi pour me dire si tu as trouvé ne serait-ce qu'une épingle qui lui appartienne. » Il m'a rappelé le lendemain, très agité : « Il n'y a rien.
Je l'ai rassuré et lui ai recommandé de garder son calme : il était hautement improbable que quelqu'un veuille quoi que ce soit de lui ! « Je peux venir quelques jours chez toi ?
J'ai raccorché et quand il m'a rappelée, je n'ai pas répondu. Je me suis assise à mon bureau. Lila va trop loin, comme d'habitude, ai-je pensé. Elle élargissait outre mesure le concept de trace. Non seulement elle voulait disparaître elle-même, maintenant, à soixante-dix ans, mais elle voulait aussi effacer toute la vie qu'elle laissait derrière elle. Je me suis sentie pleine de colère. Voyons qui l'emporte cette fois, me suis-je dit. J'ai allumé mon ordinateur et ai commencé à écrire notre histoire dans ses moindres détails, tout ce qui me restait en mémoire..."
Elena
Ferrante - L'amie prodigieuse
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