Un petit texte :
"Partout les bourgeons s'ouvraient ; tous les arbres allumaient
peu à peu des feuilles neuves. C'était comme la lueur
de plusieurs lunes. Une lueur blanche pour les feuilles d'aulnes, les
pétales d'érables, les feuilles de fayards, la mousse
des peupliers ; une lueur mordorée pour les bouleaux dont le
petit feuillage reflétait les troncs et se reflétait dans
l'écorce ; une lueur de cuivre pour les saules ; une lueur rose
pour les alisiers et un immense éclairage vert qui dominait tout,
la lueur des feuillages sombres, les pins, les sapins et les cèdres.
Les
odeurs coulaient toutes fraîches. ça sentait le sucre,
la prairie, la résine, la montagne, l'eau, la sève, le
sirop et le bouleau, la confiture de myrtille, la gelée de framboise
où l'on a laissé des feuilles, l'infusion de tilleul,
la menuiserie neuve, la poix de coordonnier, le drap neuf. Il y avait
des odeurs qui marchaient et elles étaient si fortes que les
feuilles se pliaient sur leur passage. Et ainsi elles laissaient derrière
elles de longs sillages d'ombres. Toutes les salles de la forêt,
tous les couloirs, les piliers et les voûtes silencieusement éclairés,
attendaient.
De
tous les côté on voyait les profondeurs magiques de la
maison du monde..."
Jean
GIONO – Que ma joie demeure