Le Trochiscanthe nodiflore [TN]

n°586 (2017-37)

mardi 19 septembre 2017

"Lettre hebdomadaire" du site "Rencontres Sauvages"
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A Vivaldi - Laudate pueri

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Etourneau sansonnet :
portraits et attitudes
Courvières (Haut-Doubs)
juillet et août 2017



Sur un piquet : un adulte
Courvières (Haut-Doubs)
dimanche 2 juillet 2017

Ôte-toi de là que je m'y mette !



Un jeune



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Dans l'herbe

Toilette
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Courvières (Haut-Doubs)
dimanche 2 juillet 2017

ça gratte !

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Courvières (Haut-Doubs)
dimanche 2 juillet 2017


Courvières (Haut-Doubs)
dimanche 2 juillet 2017
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Jeune, sur le museau d'une génisse
Courvières (Haut-Doubs)

samedi 8 juillet 2017

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Envol
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Au milieu du troupeau de "Montbéliardes"
Courvières (Haut-Doubs)

dimanche 9 juillet 2017

Perchoir insolite

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Sous la pluie
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en Troupe
vendredi 28 juillet 2017

Adulte
Courvières (Haut-Doubs)

vendredi 4 août 2017

Courvières (Haut-Doubs)
vendredi 4 août 2017
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Posés sur l'antenne de la TV...
(que je n'ai pas !)
Courvières (Haut-Doubs)

samedi 19 août 2017
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Courvières (Haut-Doubs)
samedi 19 août 2017
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Suggestion de lecture :

"Il détacha le cheval et il le fit reculer jusqu'à la place en le tenant par le mors. La bête renâclait ; elle soufflait entre ses mâchoires ouvertes une odeur d'herbe crue, écoeurante : sucrée et pourrie. Père se dit : il faut qu'elle ait mangé de la charogne pour qu'il sente mauvais comme ça. C'est une drôle de bête – en même temps, il la poussait par le bridon pour la faire reculer -, elle te regarde avec des yeux chavirés. Qu'est-ce qu'elle fabrique, comme ça, avec ses oreilles de chauve-souris et ses yeux blancs ?

« Recule », dit-il, comme le cheval essayait de délivrer sa tête ; il lui secoua le mors dans les dents. Il le mena ainsi jusqu'au coin de la rue et il monta sur la charrette. « Allez, dit-il, maintenant, fais ton affaire, porte-moi. »

La rue de Verdun était déserte. La place du monument était déserte. La rue de l'église était déserte. La route s'en alla dans les champs. Un détour ramena le village droit devant elle. Il était en gloire dans le soleil rouge. Les maisons serrées couvraient presque toute la petite colline, sauf le sommet vers lequel on voyait à travers des pins le chemin de croix d'un oratoire. Le dôme bubelonné de la petite chapelle émergeait des feuillages comme le bourgeon écumeux d'une vague et sur le plus haut de sa cime un ange de pierre de taille dressé sur la pointe de ses orteils ouvrait ses ailes immobiles au milieu du vent. Puis la route retourna face au couchant. Le soleil baissait dans un prodigieux entassement de nuages. La lumière volait à ras de terre ; elle frappait et jaillissait dans l'entrechoquement des collines, elle allongeait l'ombre des arbres. On passe là-dessous comme sous des portes, se dit Père. En effet, on avait subitement de la fraîcheur, comme sous une arche ; au-delà on retrouvait la tiédeur de l'air. Et le soir tomba pendant qu'il montait lentement vers les hauteurs.

Longtemps avant d'arriver au défilé, il commença à entendre là-bas, loin devant lui, le grondement du couloir de rochers. Tout de suite après avoir vu le village et son ange, puis le monde rouge des nuages, il avait fermé les yeux. Et depuis il s'était laissé porter, se contentant juste de suivre du corps le déhanchement de la charrette et pour tout le reste : à la grâce de Dieu ; sauf quand le cheval s'arrêtait pour arracher une mâchée de folle avoine. Alors, sans ouvrir les yeux, il lui disait simplement : « Avance. »

Il passait comme ça sous plus de cent ombres d'arbres, et chaque feuillage lui disait : saule, ou tilleul, ou cyprès, ou mûrier, ou bien, fayard et il y avait alors une plus grande fraîcheur ; le tunnel était plus long ; ou bien ormeaux, et il avait alors une odeur de laine parce qu'en temps ordinaire les moutons viennent se coucher dans les grandes racines de l'arbre. Cela durait le temps de trois, quatre, cinq, six pas de cheval, des fois dix ou douze, et de l'autre côté de l'ombre il retrouvait le doux soleil couchant, le sang palpitait dans ses paupières, la tiédeur touchait son visage. Quand le défilé commença à gronder, il se dit : Là-haut, c'est la grande porte. Bientôt, je serai chez moi. Il écouta venir à lui ce bruit d'écho dans lequel galopaient les eaux. A la fin, il entrouvrit les paupières. Le soir était venu. Le miraculeux pays des nuages s'était couvert de forêts ténébreuses. Bleues et grasses, elle retombaient dans le ciel le long de farouches escarpements. A leur avancée terrestre, il vit se dresser la haute porte de rochers. Le pas du cheval se ralentit. Il approcha. Les grandes crinières du torrent grésillaient dans les aulnes. Père chercha les pans de son manteau. Il les tira sur son ventre, il remonta le col sur ses épaules ; il ne pouvait plus guère bouger comme si l'air était devenu, autour de lui, la profondeur d'une argile ; il croisa seulement ses bras sur sa poitrine comme une chenille qui ferme son cocon. Et il entra.

La gorge était froide. Les bruits du soir y retentissaient. Les aigles gris rentraient de la chasse. Ils flottaient comme des balles d'orge contre le front des rochers. Les sepentements de la nuit les engloutissaient, puis ils surgissaient d'un remous et glissaient sur le ciel de perle. A la lisière de la forêt de sapins, une aiglonne sautait dans les fougères en piétinant sa proie. Enfin, elle se posa sur elle, assura ses griffes ; sous ses ailes, elle bougeait encore un peu ses grosses cuisses blanches. Elle s'envola. Elle était lourdement chargée. Elle essaya de remonter le glacis en volant au ras des chênes verts. Elle donnait de si forts coups d'ailes qu'elle frappait le balancement de sa prise. Elle glissa de côté et lâcha sa proie : une hase pleine qui se creva le ventre sur une branche. Il y resta pendu des tripes et un chapelet de petits levrauts roses. L'aiglonne plongea sous l'arbre. Quand elle se dégagea des feuillages, elle emportait cette fois la bête avec aisance.

La nuit toucha la forêt. Les sapins relevèrent leurs capuchons et déroulèrent leurs longs manteaux. De grandes pelletées de silence enterraient le bruit du torrent. Une buse miaula. Les aigles étaient rentrés dans le rocher. Une étoile sortit du rocher et recommença à planer ; un petit vent âpre ébouriffait ses plumes d'or. Longtemps elle resta seule, pendant qu'autour la nuit s'approfondissait. Alors les grandes constellations se levèrent. Une qui avait des éclats rouges se tint toute droite sur la queue comme un serpent. Une autre prit son vol en triangle comme les canards sauvages. Une planète palpita comme la lanterne du bûcheron sous les arbres. Des vertes, des bleues, surgissaient des endroits les plus sombres. On entendait le vent racler le ciel autour des étoiles. Elles prenaient tout de suite l'éclat le plus vif comme le jet d'une source de feu ; elles se réunissaient en famille en forme d'araignée, d'anguille, de poisson, de reins, de fouines, de flanc de chat, de queue de cheval, d'oeil, de chevelures, de fouets, de roues, d'éclatement continu de poussières. La voie lactée commença à frapper un peu de partout les ténèbres avec sa tête de vieux fleuve ; enfin elle se fit un lit et lentement, elle déversa dans l'ouest, son lourd ruisseau de laitance.

Père fermait ses yeux de toutes ses forces. Mais par une petite fente entre ses paupières, la nuit malgré tout suintait. Elle lui embarrassait le sang de formes extraordinaires. Il eut brusquement une si effroyable curiosité de ce que l'ombre faisait en lui qu'il cria. Des doigts de fer lui ouvrirent les yeux comme on casse un oeuf. Une énorme étoile éclata dans sa tête.

Le cheval s'aperçut tout de suite que ce qu'il attendait depuis le matin venait d'arriver. Père était devenu tout d'un coup très lourd. A chaque coup de collier, ce poids mort mal placé, toujours assis sur le siège, balançait. Il fallait le faire tomber sur le plancher de la charrette. Le cheval engagea une roue sur le talus, tira de biais avec un coup de reins très sec, et Père tomba sur le plancher de la charrette.

Les chevaux ont un grand appétit de la nuit. Celui-là commença à prendre tout de suite ses libertés et, d'abord, il marcha pour lui-même. Il avança en relevant joyeusement les jambes. Il secoua la tête et il éternua pour s'éclaircir les narines. Un appel courut la forêt. Le gras de résine se mit à sentir très fort. Le cheval dressa une de ses oreilles. Il avait souvent entendu le nocturne. Mais à ce moment-là il était toujours enfermé dans l'étable. Tout ce qu'il pouvait faire, c'était de détacher sa longe, venir renifler sous la porte et hennir au risque de se remplir les naseaux de poussière.

Dès que les étoiles paraissent, ce qui commence, c'est le nocturne. Toutes les bêtes et toutes les plantes y sont très sensibles. Parmi les arbres de montagne, le plus sensible, c'est l'alisier ; après vient l'érable. Mais de loin la plus sensible de toutes les plantes, c'est un arbuste de la plaine ; le jasmin. La moins sensible est la bardane ; cela se reconnaît à ce qu'elle a des poils sur les feuillles. Pas de duvet : du poil, et rare, et raide. Le duvet, quand il est soyeux, sensibilise, au contraire, sans aller toutefois jusqu'à cette compréhension presque géniale des feuilles lancéolées et nerveuses du jasmin, lisses comme d'un usage millénaire. Et, pour les bêtes, le poil soyeux les rend également intelligentes ; ou tout au moins, est la marque qu'elles le sont ; ou tout au moins, qu'elles sont extraordinairement sensibles, prêtes à saisir les plus minuscules intentions, prêtes à jouir de cette magique harmonie sensuelle de la nuit. Le nocturne ! L'hermine par exemple, dont les traces de fuite révèlent quatre petites pointes de griffes groupées très éloignées les unes des autres et laissent ainsi voir tout ce qu'il a fallu d'ondulations du corps pour se glisser à travers l'épaisseur de ce qui est la nuit. Quelquefois en terrain gras, ou s'il a plu, il y a entre chaque groupe de pattes des traces légères, presque invisibles. C'est le long pelage d'été brun-roux qui a traîné. La bête a creusé les reins sous une caresse. Venue d'où ?

La foulée du blaireau est au contraire lourde : deux pattes tombant presque au même endroit l'une sur l'autre. Il semble qu'il n'y a rien d'autre, là, que l'avancée régulière d'une bête têtue. Mais si la terre est molle, si on regarde de près, si l'homme solitaire, après avoir écouté tous les bruits, se penche sur l'empreinte en retenant les craquements de ses membres, s'il reste là-dessus, penché, sachant lui aussi ce qu'est le nocturne, il verra combien de furtives convulsions dans l'empreinte de la patte qui ressemble à une main d'enfant affamé. Tout en marchant elle pétrissait la terre sans que ce soit un mouvement nécessaire à la marche. Le nocturne n'est pas suavité ou délices, ou tout ce qu'on a dit sur le chant du rossignol, c'est autre chose : (nocturne chaud, plein de draperie comme le sang des porcs) il est suavité si on a vu avec quelle ondulation de suavité le furet boit à la veine jugulaire du lapin. Nocturne : la vie se transvase. Ce qui se vide geint ; ce qui se remplit rote. Dans le nocturne chacun porte sa destinée comme une glande à salive : on ne peut rien manger sans elle ; on ne peut rien ressentir sans qu'elle sue.

Le cheval frétillait de la croupe, tourbillonnait de la queue et malgré les brancards il ondulait des flancs et faisait à chaque pas des ronds de jambes. En même temps, il riait de toutes ses dents et la lueur des étoiles allumait une pâquerette au coin de ses babines sur la boucle du bridon..."


Jean GIONO - L'Oiseau bagué



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