Le Trochiscanthe nodiflore [TN]
n°572 (2017-23)
mardi 6 juin 2017
"Lettre hebdomadaire" du site "Rencontres
Sauvages"
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Rougequeue noir mâle, sous les nuages... La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs) samedi 15 avril 2017 <image recadrée> La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs) lundi 17 avril 2017
<image recadrée> Rougequeue
noir femelle, dans un pommier <image recadrée>
Rougequeue
noir mâleCourvières (Haut-Doubs) dimanche 17 avril 2017 Rougequeue
noir femelle,
dans les fleurs de Véronique Petit-Chêne Courvières (Haut-Doubs) dimanche 17 avril 2017 Rougequeue
noir femelle
Courvières (Haut-Doubs) dimanche 17 avril 2017 <image recadrée>
Rougequeue
noir femelle, tout près !
Courvières (Haut-Doubs) dimanche 17 avril 2017 Rougequeue
noir femelle, devant les poireaux !
Courvières (Haut-Doubs) dimanche 17 avril 2017 Rougequeue
noir femelle,
devant le pied de Rhubarbe du jardin... Courvières (Haut-Doubs) dimanche 17 avril 2017
Rougequeue
noir mâle, sous la pluie
Courvières (Haut-Doubs) dimanche 17 avril 2017 au loin : le "champ d'naviots"... Courvières (Haut-Doubs) samedi 22 avril 2017 <image recadrée>
<image recadrée>
<image recadrée> <image recadrée> Rougequeue
noir mâle
Courvières (Haut-Doubs) samedi 22 avril 2017 Rougequeue
noir mâle, devant le pied de Rhubarbe.
Courvières (Haut-Doubs) samedi 22 avril 2017 Rougequeue
noir mâle : devant les poireaux... (je suis en train de le retourner !) Courvières (Haut-Doubs) samedi 22 avril 2017 Rougequeue
noir mâle Rougequeue
noir mâle, dans le pommier Sur la bordure de mon jardin...
<image recadrée> Rougequeue
noir mâle Rougequeue
noir mâle Rougequeue
noir mâle, face à face... A suivre...
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"Chère Marceline Desbordes-Valmore, vous m'avez pris le coeur à la gare du Nord. Il faisait froid. Il y avait tellement de monde, et en vérité personne. J'ai cherché un abri, un lieu humain. Je l'ai trouvé: le dos appuyé contre un pilier j'ai ouvert votre livre et j'ai lu votre poème Rêve intermittent d'une nuit triste. Je l'ai lu quatre fois de suite. Il n'y avait plus que la lumière rose de votre chant - ce rose que Rimbaud vous a volé, entrant dans votre écriture comme un pilleur de tombe égyptienne. Qu'importe : vous revoilà. Intacte et régnante par votre coeur en torche. La vie avec vous a été d'une brutalité insensée. Plus ses coups étaient violents, plus votre chant s'allégeait. Votre amour a triomphé de vos assassins. Ils ne voyaient pas que vos larmes étaient de feu. Je lisais, je lisais, je lisais. Votre poème avait fait disparaître Paris et le monde. Il n’y a que l’amour pour accomplir ce genre de miracle. La grâce de vos images jetait sur mon visage des reflets de rivière. Et ce rose, ce rose ! Mon Dieu, comme c’était beau – d’une beauté de noisetier, de soleil dans ses limbes. Si je vous vois en rose c’est parce que cette couleur n’entre jamais en guerre et semble toujours au bord de défaillir dans l’invisible. Vous lire ainsi, debout, dans le froid d’une gare, c’était une déclaration de vie, une échelle plantée sur le sol, appuyée sur le ciel. Votre voix m'arrive avant les mots qu'elle porte. Vous lire c'est regarder le poitrail de l'oiseau qui se gonfle, vous savez, cette joie atomique qui lui monte à la gorge juste avant de chanter. Nous sommes revenus ensemble au Creusot. Les livres agissent même quand ils sont fermés. Les voix, chère Marcelline, ce sont les fleurs de l'éternel mises dans votre bouche. Elles fleurissent notre crâne de mort à venir. Elles ne s'éteignent pas avec nous, elles s'éloignent, et c'est le travail du poème que de les faire revenir près de nous. La voix de mon père avait quelque chose de la croûte d'un pain chaud. Elle s'ouvrait, se donnait, était par elle-même nourricière. Votre voix à vous : le chant d'une rivière inquiète qui ne dort jamais. Ce n'est pas une image. Je vais chercher là-bas de quoi éclairer ici. C'est ce qu'on appelle « poésie », n'est-ce pas ? Il faudrait un autre nom ou même aucun, et simplement dire : croyez-le ou nom, mais en entendant le chant de la rivière dans le bois de Saint-Sernin, j'ai vu un livre plus beau que tous les livres. Il était signé Marcelline et s'écrivait avant ma naissance, après ma mort, tout le temps et toute l'éternité. Chère Marcelline Desbordes-Valmore vous m'avez pris le coeur à la gare du Nord et je ne sais quand vous me le rendrez. C'est une chose bien dangereuse que de lire..."
Christian Bobin - La grande vie "Le roman n'impose rien. Il est moins péremptoire qu'une kalachnikov, mois despostique q'un discours prononcé en chaire, il n'est pas invasif comme un parfum ni même agaçant comme le vombrissement d'une mouche. Le roman est une liberté : tu l'ouvres, tu le referme à volonté, tu peux même l'abandonner inachevé sur un banc, tu ne lui dois rien. Nul besoin de finir ton assiette ! Il se grignotte par petits bouts ou se boit cul sec. Certains l'ouvrent au hasard et se contentente d'y picorer quelques lignes avant de décider de s'y glisser ou non. Il y a tant de façons de le déguster. Le roman est un véhicule à mille vitesses, une porte, une multitude de voix. Il témoigne des grandes révolutions sociales, des métamorphoses de nos regards, de l'avènement de l'intime. C'est un espace à déplier, à partager, de fines tranches de texte à laisser fondre à voix haute sur le bout de sa langue, un paradis artificiel, une chambre à soi, un coup d'un soir à voix basse, un tissu de mots, un textile troué à ravauder en silence aux couleurs de sa sensibilité, de sa sensualité. Le roman est une graine. Et qui sait ce qu'il fera surgir en nous, car cette matière du livre devient la nôtre. Comment se démêler des romans lus ? Comment savoir ce qu'on leur doit ? Le pouvoir du roman est subtil et lent. J'ai été un
homme bien des fois, j'ai été fou, étranger,
esclave, fils de pute, idiot, j'ai été
Michel-Ange, j'ai été une lignée et un enfant
adultérin, j'ai tué, j'ai aimé, migré, enfanté,
désiré, j'ai joui et souffert. Je suis morte tant
de fois. J'ai trouvé l'autre à l'autre bout du
monde tout en m'enfonçant au plus profond de moi.
J'ai touché l'humanité, senti une force commune,
une immense empathie par la grâce d'un
millefeuille de papier, et le souffle de l'auteur
s'est mêlé à mon souffle pour faire oeuvre.
Les romans lus et oubliés m'ont dissoute et étoffée, multipliée et unifiée. Certains me hantent la nuit. Je suis un peu ici et un peu là. Je suis ce livre que je porte au-devant de mon corps à bout de bras, bouclier de papier, je suis l'écran où s'enfonce mon regard dans ce petit troquet et l'au-delà de la page. Dans ma bulle, hors du temps, j'explore le monde, je sillonne les possibles, je vis Calcutta, je visite Dublin, je chronique Mars. Je m'absente à moi-même en me plongeant dans une sublime solitude peuplée de personnages à animer. Le roman est un courant intime qui remue nos profondeurs et fait parfois remonter des souvenirs oubliés tout en nous entraînant au-dehors dans des mondes que nous n'avons jamais vus, jamais visités. Le roman n'impose rien, il se perd, se déchire, se laisse contester, biffer, surinterpréter, adapter. Même radical, il nous assouplit, c'est un exercice de tolérance qui nous aide à baisser la garde, nous permet de comprendre l'autre, de vivre ensemble, d'imaginer demain. Je suis une bibliothèque de possibles, je suis de chair et d'encre. Je suis lectrice de romans..." Carole Martinez - extrait de "le Un" n°157 - mercredi 31 mai 2017
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