Le Trochiscanthe nodiflore
[TN]
n°569 (2017-20)
mardi 16 mai 2017
"Lettre hebdomadaire" du site "Rencontres
Sauvages"
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Rougequeue
noir mâle, dans l'ombre...
Courvières
(Haut-Doubs)dimanche 9 avril 2017 ...puis au soleil ! Rougequeue noir femelle <image recadrée>
Pinson des
arbres mâle
Linotte
mélodieuse femelle Serin cini <image recadrée>
Linotte
mélodieuse mâle Pinson des
arbres mâle Mésange
noire <image recadrée> <image recadrée>
<image recadrée>
<image recadrée>
Linotte
mélodieuse mâle Bergeronnette
grise Courvières (Haut-Doubs) jeudi 13 avril 2017 <image recadrée> Chardonneret
élégant
Linotte
mélodieuse mâle
Serin cini <image recadrée> <image recadrée>Grive draine Pinson des
arbres mâle Bergeronnette
grise Linotte
mélodieuse mâle Linotte
mélodieuse femelle, Chardonneret
élégant : mangeant des graines de pissenlit Merle noir mâle Etourneau
sansonnet <image recadrée>
Chardonneret Bouvreuil
pivoine mâle Pinson des
arbres mâle Linotte
mélodieuse femelle <image recadrée>
<image recadrée>
Pigeon
ramier A la recherche de nourriture... <image recadrée>
<image recadrée>
Pinson des
arbres mâle Chardonneret
élégant
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Suggestion de
lecture :
" Tsirk Cet automne-là, au cirque, il n'y avait pas de ménagerie, de dompteurs de fauves ni de dresseurs (ils tournaient en Ukraine). Sur la piste, comme il se doit, les hommes et les femmes caoutchouc, acrobates, clowns, voltigeurs, funambules, fildeféristes et trapézistes, à tour de rôle ou ensemble, selon l'ordre établi. Le cirque faisait salle comble grâce au duo Bounine, dont les entrées, qui servaient traditionnellement à désennuyer le public pendant les changements de décors, prenaient de plus en plus de place dans le spectacle. Bounine était aussi acrobate. Il était bourru et bougon sauf sur scène. Né à Moscou avant la révolution bolchévique d'un père aristocrate et d'une mère actrice, il avait eu le goût de la comédie assez tôt. Pendant six mois, dans la vingtaine, il avait partagé une femme avec un vieux poète futuriste. L'autre avait gagné. C'est pour oublier cette femme que Bounine avait créé un personnage comique, qu'il avait rapidement transformé en auguste. Le cirque l'avait embauché et, depuis plusieurs années. Bounine formait les plus grands artistes de sa discipline. Il avait essayé la guitare, vers l'âge de trente-cinq ans, mais il n'avait aucune oreille musicale. La justesse, il la trouvait dans les mots et les tours qui font rire les foules. Le nain de la troupe ? Vous l'auriez cherché sans le trouver. Mais ç'aurait pu être la fillette qui babillait dans les parages. Elle avait trois ans et apprit à marcher sur la piste rouge et dans les studios de pratique où la plupart des numéros étaient conçus. Elle n'avait plus de mère depuis un an, partie avec un comédien de second ordre ; on n'en parlait pas trop, il fallait éviter le sujet. Pavel l'élevait dans un ancien palais transformé en appartement communautaire, en kommunalka circassienne. La petite s'appelait Maria, ou Macha, pour la famille du cirque. Elle assistait à toutes les répétitions de son père, était de toutes les tournées intra-muros, mais le soir, lorsqu'il était en représentation, c'est une tireuse de tarot, Eva, sorte de préceptrice aux talents honnêtes dans le domaine ancillaire, qui prenait soin d'elle. La petite fille ne fréquentait pas le jardin d'enfants. En fait, elle se mêlait peu aux autres enfants. Un jour, sans doute, elle serait formée, se joindrait à une troupe et pratiquerait son métier. Elle serait peut-être écuyère ou fildefériste, comme sa mère, mais pas clown. Les femmes qui font rire les autres ne trouvent pas de maris, disait Pavel. Les femmes ne « font » pas clown, voilà tout. En observant Eva dans son travail, il avait appris à prendre soin de Macha, à la nourrir, à la laver. L'enfant s'était mise à parler toute seule un midi, sans qu'il y eût à y mettre d'effort. Il avait deux vices, les femmes et l'alcool, qu'il cachait tant bien que mal à sa fille. Il savait faire des nattes, qu'il fixait en couronne sur sa tête, mais dormait rarement seul dans le salon. Il voyait trois femmes en alternance, chacune ignorant l'existence des deux autres. Pavel était jongleur à ses heures, et sa polygamie, une déformation professionnelle. Chaque matin, il prenait le thé avec Bounine dans la cuisine commune. On entendait encore ronfler comme un moteur le voisin de la chambre est, un technicien, et, lorsqu'il était rentré tard la veille, sa femme lançait des objets sur les murs pour se faire comprendre. La table était ronde, brune et massive ; elle servit d'appui à la fillette pendant ses premiers déplacements. Depuis quelques mois, Macha mangeait sa première purée de la journée avec eux. Son babil ne les dérangeait pas, c'était une rumeur enjouée qui arrivait à enterrer le chahut des voisins. Le petit-déjeuner se déroulait selon un rituel immuable. Pavel préparait le thé pendant que Bounine sortait les journaux de la veille et lui faisait la lecture des passages qu'il jugeait inspirants, à intégrer dans une entrée. Ils s'entendaient sur la façon de présenter l'actualité, rédigeaient quelques gags. Parfois, lorsqu'ils étaient bloqués, ils consultaient un écrivain professionnel du cirque. Une phrase, un mot les relançait, mais, orgueilleux, ils prenaient presque toujours le contre-pied des suggestions de l'auteur. Ce matin du 31 octobre 1961, l'élément d'actualité sur lequel Pavel se tâtait, c'était le retrait de la dépouille de Staline du Mausolée. Bounine avait le dernier mot, comme tous les maîtres, et il n'était pas question de créer une entrée sur le dérangement de la momie. Il proposa autre chose. - Demain soir, on est à Iaroslav. Les robes à fleurs jaunes qu'on trouve partout. Les femmes ne veulent plus les porter. On ne veut plus les voir. Je demanderai à Eva de nous coudre deux habits de ce tissu fleuri. Le lendemain, il s'exécutèrent en banlieu de Moscou autour d'un réfrigérateur Oka3. A dix reprises, entre deux numéros, ils s'amusèrent autour de l'appareil en robes de femme ; des entrées courtes pendant lesquelles on préparait le numéro suivant. Macha dormait dans la caravane avec Eva. Qui travaillait avec le même jeu de cartes depuis cinq ans. L'envers des cartes était tellement usé qu'on en distinguait à peine le motif un peu entêtant et ses initiales, EAB, apposées sur chacune. L'endroit des cartes représentait des scènes de la vie du XIXème siècle et des figures archétypales. Bounine n'aimait pas trop qu'elle utilise son jeu à Moscou, mais, en tournée, de temps en temps, à condition qu'elle ne demande pas d'argent (du pain, des fleurs, un demi-saucisson, un livre, mais pas d'argent), il fermait les yeux. Il la trouvait très Rom, mate et originale, mais belle, fiable, et elle s'occupait bien de la fille de Pavel. A l'occasion, la Tzigane lui donnait des conseils sur sa santé (« Attention à ta main droite, ce soir, tu pourrais te blesser sur piste ») et sur les femmes (« Celle-là, la brune, non, elle a des maladies ») ; des conseils qu'il avait là aussi l'orgueil de ne pas suivre. ."
Perrine
Leblanc - L'Homme blanc
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