Le Trochiscanthe nodiflore
[TN]
n°544 (2016-44)
mardi 15 novembre 2016
"Lettre hebdomadaire" du site "Rencontres
Sauvages"
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Rougequeue noir femelle Courvières (Haut-Doubs) dimanche 9 octobre 2016 dimanche 9 octobre 2016 <image recadrée> Pour regarder, ou cliquez [ici]
Buse variable, cachée dans l'Aubépine Courvières (Haut-Doubs) dimanche 9 octobre 2016 Chat noir
et vaches Courvières (Haut-Doubs) dimanche 9 octobre 2016 <image recadrée>
Portrait<image recadrée> Ombre et lumière Courvières (Haut-Doubs) dimanche 9 octobre 2016 Pour regarder, ou cliquez [ici] <image recadrée>
Courvières
(Haut-Doubs)
dimanche 9 octobre 2016 <image recadrée>
En contre-jour
Etourneau
sansonnetCourvières (Haut-Doubs) dimanche 9 octobre 2016 Courvières (Haut-Doubs) samedi 15 octobre 2016 <image recadrée>
Dans l'herbe
Courvières (Haut-Doubs) samedi 15 octobre 2016 Portrait
Courvières (Haut-Doubs) samedi 15 octobre 2016
Deux Corneilles
noires
Courvières (Haut-Doubs) samedi 15 octobre 2016 Chardonneret élégant Courvières (Haut-Doubs) dimanche 16 octobre 2016 J'ai un peu "triché" en installant dans le jardin des Cardères coupées... Courvières (Haut-Doubs) dimanche 16 octobre 2016 <image recadrée> Milan royal Courvières (Haut-Doubs) dimanche 16 octobre 2016 Milan royal
et troupe d'Etourneau
Rougequeue
noir femelleCourvières (Haut-Doubs) dimanche 16 octobre 2016 Courvières (Haut-Doubs) dimanche 16 octobre 2016 Buse
variable Courvières (Haut-Doubs) dimanche 30 octobre 2016 <image recadrée> Deux Pies
Courvières (Haut-Doubs) dimanche 30 octobre 2016 Deux Buses
variables
Courvières (Haut-Doubs) dimanche 30 octobre 2016 Pie et Etourneaux sansonnets
Courvières (Haut-Doubs) dimanche 30 octobre 2016 Génisses
et Etourneaux
Courvières (Haut-Doubs) mardi 1er novembre 2016 Vol d'Etourneaux
DortoirCourvières (Haut-Doubs) mardi 1er novembre 2016 Courvières (Haut-Doubs) mardi 1er novembre 2016 Pas de [TN] la semaine prochaine, je suis en vacances... A la prochaine !!
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"J'avance le long de la vallée de la rivière Roseaux, les montagnes sont toutes proches maintenant, les flancs des collines se resserrent. Le paysage est d'une pureté extraordinaire, minéral, métallique, avec les arbres rares d'un vert profond, debout au-dessus de leurs flaques d'ombre, et les arbustes aux feuilles piquantes, palmiers nains, aloès, cactus, d'un vert plus aigu, pleins de force et de lumière. Les nuages passent au ras des collines, légers, très blancs dans le ciel pur. Il n'y a déjà plus d'eau dans le ruisseau. Je cherche des yeux le Comble du Commandeur, je crois le reconnaître, là-bas, au fond de l'engorgement de la vallée. Mais où est le ravin en cul-de-sac, et la source tarie ? Carte à la main, à l'ombre d'un badamier, je cherche à comprendre où je suis. J'ai dû aller trop loin. Tout à l'heure, sur le sentier qui longe la rivière Roseaux, j'ai été dépassé par une jeune fille, quatorze ans à peine, svelte et agile comme les cabris qui vivent sur les collines. Je l'ai questionnée, elle m'a écouté, l'air intimidé, effrayé peut-être. Visage cuivré et doux, yeux d'agate. Ravin, source, elle ne comprend pas ces mots-là. En créole, je lui demande la fontaine. Elle me montre le haut de la vallée, là où le ruisseau desséché se perd dans l'escarpement de la montagne Roseaux. Puis elle s'est sauvée très vite, disparaissant à travers les broussailles. Quelques instants après, toujours assis à l'ombre de l'arbre, je l'ai vue sur le blanc de la montagne, au bout de la vallée. Qu'a-t-elle pensé ? Peut-être qu'avec mon sac à dos, mon appareil photo et mes cartes à la main elle m'a pris pour un prospecteur. J'aime ce paysage ocre et noir, cette herbe dure, ces pierres de lave jetées comme pour tracer quelque message d'au-delà des temps. Je comprends que mon grand-père ait ressenti ce trouble, cette interrogation. Chaque coin, chaque pan de roche, chaque accident du relief semblent porter un sens secret. Il y a des signes, les pierres sont marquées. Ce sont les porcs et les cabris qui habitent vraiment ce pays. Les chemins, les murs, les cachettes sont pour eux. Les maisons des hommes, accrochées aux pentes, disséminées au fond de l'Anse aux Anglais parmi les cocos, comme des nids de guêpes maçonnes. Quelques libellules aussi, et ces minuscules mouches noires qui irritent les yeux, les oreilles. Et le vent qui passe, qui balaie, froid, venu d'outremer, passages du vent dans les herbes et sur les pierres, silence, fraîcheur fugitive de l'océan. Chasse des nuages.
Quand je reviens sur mes pas, je le vois tout à coup. Il a fallu que je grimpe jusqu'au sommet de la colline de l'est. Devant moi, dominant la rivière desséchée, la pointe volcanique qui a servi de repère à la quête de mon grand-père. C'est elle qu'il a appelée la Vigie du Commandeur. Le Comble du Commandeur est derrière moi, au sud-ouest. Je sais maintenant que le ravin et la source sont tout près. Je prends repère sur une maison au toit de tôle, dans l'estuaire de l'Anse aux Anglais, et je redescends. Quand j'arrive au niveau de la maison, je remonte la pente des collines, sur le versant est. Devant moi, tout à coup, de l'autre côté d'un vallon asséché, je vois la pierre d'où l'on aperçoit la Vigie telle que mon grand-père l'a dessinée en 1910 : trois pics, dont les deux premiers tracent les jambes d'un M majuscule. Est-ce l'érosion, ou le résultat d'une tempête ? Il me semble que les dents du roc sont émoussées. Il manque une saillie à droite, du côté de la mer. Je redescends, et maintenant, je reconnais le ravin, comme si j'y étais déjà venu : c'est une sorte de corridor dans le roc, terminé par la muraille abrupte de la colline. Je contourne l'à-pic, et je suis au fond du ravin. Aucun doute, c'est ici. Il y a trois grands arbres, des tamariniers. A l'ombre, je regarde le ravin, la pierre ocre, rougeâtre, tellement séchée par le soleil qu'elle s'effrite comme du sable. A droite, et à gauche, je vois les traces de coups laissées par mon grand-père. Deux plaies au fond du ravin, que le temps n'a pas encore effacées : la terre est plus claire, les roches sont plus dures. Soleil de feu, chaleur, moucherons. Mais l'ombre du vieux tamarinier est bien douce. Non loin, au pied de la falais, une case, un corral, des chèvres, des cochons. On entend quelqu'un siffler à tue-tête, joyeusement, infatigablement.
Les nuits sont si longues, si belles, pures, sans insectes, sans rosée, avec seulement le bruit du vent qui arrive en longues lames, faisant murmurer les feuilles aiguës des vacoas. Les nuits profondes, infinies. Ce sont elles qu'il a dû aimer aussi, quand elles venaient d'un coup sur l'île, assombrissant la mer, après que le disque du soleil avait plongé de l'autre côté des collines, à l'ouest. Comme elles étaient plus profonde ici, plus dures aussi, comparées à la douceur un peu mélancolique des couchers de soleil à Rose Hill. Ici, pas de traînées de nuages, ni de brumes hésitantes, pas de ces couleurs qui s'estompent : la mer pâle et dure, le ciel qui s'embrase brièvement, rouge de braise, et le disque d'or qui s'anéantit derrière l'horizon des montagnes, dans la mer, comme un bateau qui sombre. Puis, la nuit qui annihile tout, la nuit, comme sur la mer. Alors des myriades d'étoiles, fixes, claires, et le nuage pâle de la galaxie. Enfin, la lune qui se lève tard, au-dessus des collines, et qui monte, blanche, ébouissante. Le vent, par
rafales si puissantes qu'elles pourraient me
renverser. Le vent, comme sur la mer. Au ras des
collines courent les nuages.
JMG Le
Clézio - Voyage à Rodrigues
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