Le Trochiscanthe nodiflore
[TN]
n°542 (2016-42)
mardi 1er novembre 2016
"Lettre hebdomadaire" du site "Rencontres
Sauvages"
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Brume Lac de Saint-Point (Haut-Doubs) samedi 6 août 2016 Lac de Saint-Point (Haut-Doubs) samedi 6 août 2016
Château de Joux La Cluse et Mijoux (Haut-Doubs) samedi 13 août 2016 Le Tilleul La Cluse et Mijoux (Haut-Doubs) samedi 13 août 2016 Alisier
blanc
La Cluse et Mijoux (Haut-Doubs) samedi 13 août 2016 Le bon
sens...
La Cluse et Mijoux (Haut-Doubs) samedi 13 août 2016 Pour regarder et écouter, ou cliquez [ici] Passerelle
Tourbière de Frasne (Haut-Doubs) samedi 13 août 2016 Reflet d'un Bouleau
La TourbièreTourbière de Frasne (Haut-Doubs) samedi 13 août 2016 Tourbière de Frasne (Haut-Doubs) samedi 13 août 2016 Les Génisses
Tourbière de Frasne (Haut-Doubs) samedi 13 août 2016 Les Génisses
Courvières (Haut-Doubs) dimanche 14 août 2016 La loge
Courvières (Haut-Doubs) dimanche 14 août 2016 Courvières
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dimanche 21 août 2016 Courvières
(Haut-Doubs)
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(Haut-Doubs)
dimanche 28 août 2016 samedi 3 septembre 2016
Forêt du Risoux Mont d'Or (Haut-Doubs) dimanche 11 septembre 2016 Repos sur
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Mont d'Or (Haut-Doubs) dimanche 11 septembre 2016 Crins
Mont d'Or (Haut-Doubs) samedi 24 septembre 2016 Ombre des
pare-neige
Mont d'Or (Haut-Doubs) samedi 24 septembre 2016 L'alpage
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veau
Mont d'Or (Haut-Doubs) samedi 24 septembre 2016 Fougère
Mont d'Or (Haut-Doubs) samedi 24 septembre 2016 Lever du
soleil
Le lac de Joux
est sous la brume...Mont d'Or (Haut-Doubs) samedi 24 septembre 2016 Mont d'Or (Haut-Doubs) samedi 24 septembre 2016 Sommet du
Mont d'Or
Mont d'Or (Haut-Doubs) samedi 24 septembre 2016 Le village
Courvières (Haut-Doubs) samedi 24 septembre 2016 Le retour du
troupeau
Courvières (Haut-Doubs) samedi 24 septembre 2016 Arrêt à la
pierre à sel
Courvières (Haut-Doubs) samedi 24 septembre 2016 "Poya"
Courvières (Haut-Doubs) samedi 24 septembre 2016 Pour regarder, ou cliquez [ici] Portrait
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Courvières (Haut-Doubs) samedi 24 septembre 2016 Cuir
Courvières (Haut-Doubs) samedi 24 septembre 2016
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Chapitre II Cernunnos, dieu-Cerf du renouvellement Le voici donc, ce dieu-Cerf, Cernunnos, qui est attesté par une soixantaine de représentations figurées et premièrement par une inscription gallo-romaine conservée au musée de Cluny, dieu particulièrement ancien qui hante l’imaginaire occidental jusqu’au « cerf rouge » quasi-mythique poursuivi par un dénommé La Futaie, dans ce roman-poème épique, presqu’halluciné, de Maurice Genevoix, La Dernière harde (1938). La traduction usuelle du théonyme est « (dieu) cornu », mais il n’est pas certain, compte tenu des noms celtiques de la « corne » (gallois carn, breton karn), qu’elle soit exacte. Le thème kern- désigne en celtique le sommet de la tête et il s’apparente aux mots indoeuropéens désignant des bêtes à corne en général et le cerf en particulier. La représentation, sur une plaque du chaudron de Gundestrup30, du dieu aux bois de cerf, assis dans une posture bouddhique, tenant le torque (collier des guerriers celtes, puis romains) d’une main, un serpent de l’autre, et entouré d’animaux, dont un cerf, laisserait à penser que Cernunnos est le Jupiter gaulois dans l’aspect de maître des animaux. Son nom est attesté par quatre inscriptions : la plus célèbre est celle du pilier des nautes de Paris31. Une autre, une tablette de cire découverte en Roumanie, atteste de son assimilation à Jupiter et qu’un collège funéraire lui était consacré. Enfin, la plus ancienne est en langue gauloise et donne la forme « Karnonos ». L’iconographie comporte donc un dossier d’une soixantaine de représentations. Parfois des torques sont accrochés à ses bois ; il est toujours assis en tailleur. Il tient un sac de pièces qu’il répand ou un panier plein de nourriture, deux représentations de l’abondance. Il est parfois tricéphale ou à trois visages. On peut l’interpréter comme dieu des morts et de la richesse, mais cela reste conjectural. Les bois de cerf peuvent symboliser la puissance fécondante et les renouvellements cycliques, car ils repoussent pendant la saison claire de l’année celtique ; il est entouré d’animaux, ce qui en fait un Maître du règne animal. Jérémie Benoît, qui relie judicieusement Cernunnos au Carnaval, développe une explication symbolique convaincante : « Cernunnos a donc été perçu d’abord comme une divinité solaire, lumineuse. Pour comprendre ce fait, il convient de se reporter aux bois qu’il porte sur la tête, les cerfs ayant “l’étonnant privilège de perdre chaque année et de voir repousser avec le printemps leur ramure en signe de renouveau”. Ces bois, ainsi que nous l’avons vu, sont le signe du cycle solaire. Là se situe la clef du personnage. (…) Le cerf est donc l’image de la nature dans son éternel recommencement (la palingénésie)… » L’historien du chamanisme et du paganisme indo-européen reconnaît, en Cernunnos, un « dieu primordial », qui « commande aux forces de la nature dont il est le symbole grâce à ses bois caducs, de même qu’il est l’image de l’arbre cosmique de l’univers ». Il précise : « Il est donc le dieu du savoir supérieur comme il est le dieu souverain. Il totalise en lui les trois fonctions (de l’idéologie indoeuropéenne). Tellurique, sombre, funèbre (le serpent), il est tout autant lumineux, car il est l’incarnation du cycle de la nature. Il s’élève comme il s’éteint aux périodes-clefs de l’année. C’est pour cela qu’il fera si long feu, jusqu’au Moyen Âge… » Sa posture bouddhique et sa présence sur un sceau de la civilisation de l’Indus (dieu à « cornes », assis en tailleur, entouré d’animaux) prouve une origine indo-européenne. On peut aussi signaler qu’à l’époque proto-hittite il existait dans la civilisation du Hatti (la civilisation proto-hittite des Hattis perdure jusque vers la fin du IIIe millénaire) un culte du cerf. Jérémie Benoît souscrit aussi à l’hypothèse d’une origine très ancienne du dieu-Cerf, « dans la préhistoire ». Chapitre III Le cerf, guide solaire des âmes égarées Le cerf ! Voici un excellent guide pour notre quête. L’historien Jérémie Benoît en a suivi très finement la trace dans toute l’histoire du continent européen, des origines chamaniques indo-européennes et sibériennes jusqu’au Moyen Âge chrétien. Selon lui, le cerf possède une ramure qui l’apparente au feu solaire qui brûlait sur la tête des guerriers. Dieu initiatique donc, symbole de la lumière, il rencontrait son complément avec la fée des eaux qui, comme Viviane et Mélusine, était seule susceptible d’éteindre sa vigueur, voire de l’épouser. Animal chassé, conducteur d’âmes, il était le grand dieu Cernunnos des Celtes, dieu du cycle de la nature dont la caducité des bois symbolisait la mort et la renaissance. Jérémie Benoît a cette belle formule synthétique : « Qui connaît l’esprit du cerf, qui parvient à se pénétrer de son esprit parvient en conséquence au sommet du savoir et entre en harmonie totale avec l’univers, comme cela est le cas pour les guerriers. » Et il prolonge par une note : « Le phénomène est omniprésent chez les Celtes, et la littérature médiévale nous en a conservé la trace. C’est bien souvent en courant le cerf lors d’une chasse que les guerriers entrent dans un monde autre, celui des esprits, donc celui de la connaissance suprême… » Voici bien la fonction psychopompe du cerf, que l’on retrouve « dans de nombreux récits médiévaux, bretons en particulier ». Au Moyen Âge, le cerf prend une nouvelle place dans les récits épiques. Il est représenté comme un guide envoyé par Dieu, celui qui montre le chemin. Le cerf est l’un des symboles du divin incarné. Dans la tradition chrétienne médiévale, il symbolise le Christ lui-même et le conducteur des belles âmes vers les sommets de la sainteté. Le Bestiaire de Pierre de Beauvais (vers 1217), un des plus fidèles au Physiologus latin (source commune à la plupart des bestiaires médiévaux), cite ainsi David, dans le psaume XLI (Vulgate) : « De même que le cerf désire se plonger dans les sources des eaux courantes, de même mon âme aspire à Toi, mon Dieu. » Avant d’ajouter : « Le cerf fréquente volontiers les montagnes élevées. L’Ecriture dit que les grands monts sont les apôtres et les prophètes ; et les cerfs représentent les hommes sages et les fidèles qui, par l’intercession des apôtres et des prêtres, parviennent à la connaissance de Dieu. » Ainsi, encore, une biche est intervenue dans la vie de Clovis en 507, au moment de sa célèbre victoire de Vouillé contre les Wisigoths. On retrouve dans l’Histoire des Francs (Liber Historiae Francorum) de Grégoire de Tours (538-593) comment l’intervention de cette biche lui a donné la victoire en lui montrant un gué pour franchir une rivière, lui et son armée, et en lui permettant ainsi de remporter la bataille : « L’armée étant arrivée sur les bords de la Vienne, on ignorait entièrement dans quel endroit il fallait passer ce fleuve, car il était enflé par une inondation de pluie. Le roi ayant prié pendant la nuit le Seigneur de vouloir bien lui montrer un gué par où l’on pût passer, le lendemain matin, par l’ordre de Dieu, une biche d’une grandeur extraordinaire entra dans le fleuve aux yeux de l’armée et, passant à gué, montra par où on pouvait traverser. » Petit-fils de Charles Martel, Charles Ier le Grand, dit Charlemagne (747-814), était le fils de Pépin le Bref et de Bertrade (Berthe aux grands pieds). Il a été roi des Francs et empereur d’Occident. Il est, on le comprend bien, l’archétype du roi dans tout le légendaire médiéval. On retrouve le mythe du cerf sauveur dans la Chanson de Roland, un des premiers écrits en français, daté d’environ 1090. Un des passages de cette épopée raconte comment Charlemagne a pu franchir la Gironde en crue grâce à l’intervention d’un cerf blanc. En Occident, le cerf est assimilé au Christ depuis le IIIe siècle. Il apparaît dans la vie des saints à de nombreuses reprises : saint Edern (Bretagne), sainte Hélidie (Puy de Dôme), sainte Begge (Wallonie)… Mais l’apothéose de ces épisodes hagiographiques est la conversion de saint Hubert*, au temps mérovingiens, en 683. Son histoire, très
inspirée de celle de saint Eustache, connaît
plusieurs variantes, surtout à partir du XVe siècle.
En voici une parmi des dizaines : « Hubert, fils de Bertrand, duc d’Aquitaine et arrière-petit-fils de Clovis, était, en l’an 683, un seigneur célèbre dans toute la Gaule, du fait de son intelligence, de sa richesse et de sa bonté. Il était âgé de vingt-huit ans et jouissait d’une renommée des plus flatteuses et d’une santé superbe. Il avait un visage loyal, ouvert et souriant. Ayant délaissé la Neustrie où la corruption des grands lui causait souci et offense, il passait ses jours en Ardenne, chez son parent, Pépin d’Heristal, comme lui puissant seigneur et maire du palais des rois Austrasie. On ne connaissait à Hubert qu’une seule passion vive, irrésistible, furieuse : la chasse ! A part cela, peut-être à cause de cela, car la chasse le tenait éloigné des inévitables et ordinaires querelles, il avait une grande réputation de sagesse. Pourtant il ne pratiquait aucune religion, étant, certes, trop occupé de vénerie pour adorer aucun dieu. Il avait complètement oublié l’enseignement très chrétien reçu de sa tante, sainte Ode, qui lui servit de préceptrice, car la princesse Hugberne, sa mère, était morte en le mettant au monde. Un jour d’hiver, Hubert partit a cheval pour la chasse, dès les premières lueurs de l’aurore. C’était le jour de la fête de la Nativité de Notre Seigneur… Du givre était épandu sur les arbres, du brouillard flottait au creux des vallons, quelques flocons de neige tombaient. Et comme il commençait à chasser, un cerf dix-cors, entièrement blanc, d’une taille extraordinaire, bondit d’un fourré et s’élança devant lui, l’entrainant dans les profondeurs de la forêt. Après plusieurs heures, le cerf ne montrait toujours aucune fatigue, alors qu’Hubert était rompu. Pourtant la course folle continua. Soudain, dans une vision de lumière, Hubert vit entre les bois du cerf l’image du Crucifié et il entendit une voix qui lui disait : - Hubert ! Hubert ! Jusqu’à quand poursuivras-tu les bêtes dans les forêts ? Jusqu’à quand cette vaine passion te fera-t-elle oublier le salut de ton âme ? Hubert, saisi d’effroi, se jeta à terre et, comme saint Paul, il interrogea la vision : - Seigneur ! Que faut-il que je fasse ? - Va donc, reprit la voix, auprès de Lambert, mon évêque, à Maëstricht. Convertis-toi. Fais pénitence de tes pêchés, ainsi qu’il te sera enseigné. Voilà ce à quoi tu dois te résoudre pour n’être point damné dans l’éternité. Je te fais confiance, afin que mon Eglise, en ces régions sauvages, soit par toi grandement fortifiée. Et Hubert de répondre, avec force et enthousiasme : - Merci, ô Seigneur. Vous avez ma promesse. Je ferai pénitence, puisque vous le voulez. » Le médiéviste Philippe Walter a remarqué que la fête de saint Hubert, le 3 novembre, se situe très précisément dans la période du Samain irlandais (Samonios gaulois, qui deviendra Hallowen et la Toussaint, selon les contextes culturels), le nouvel an celte, période pendant laquelle la « liaison » est permise « entre le monde des humains et le monde féérique », « moment où les êtres de l’Autre Monde ont provisoirement la permission de rendre visite aux vivants, (…) où les vivant peuvent accéder furtivement à l’Autre Monde. » Il en conclut, à juste titre, que « la légende de saint Hubert se présente, en fait, comme la réécriture chrétienne d’un récit maintes fois attesté dans la littérature médiévale d’origine celtique » et qu’« il s’agit de la rencontre d’un humain et d’un animal qui n’est que la métamorphose d’une créature de l’Autre Monde… » Et souligne : « Dans la légende christianisée de saint Hubert, le cerf-fée est devenu un avatar du Christ. Tout en conservant son don de parole, il peut influencer la destinée de celui qu’il rencontre : en convertissant le pécheur à la vraie foi ou en découvrant au jeune homme innocent les vérités de l’amour. Dans un cas comme dans l’autre, le cerf a joué son rôle d’animal psychopompe ; il a conduit un personnage trop humain vers sa vérité ultime. Il a surtout servi de médiateur entre le monde humain et l’Autre Monde à un moment critique de transition et de passage : Samain. » Retenons bien ce schéma initiatique de conversion (metanoïa) du noble ensauvagé qui, comme Hubert, fait pénitence. C’est celui que l’on retrouvera bientôt dans la quête de Perceval, telle que raconté dans le Conte du Graal de Chrétien de Troyes à la fin du XIIe siècle. Et comprenons que l’homme médiéval, chevalier ou chasseur, ne rencontre ou ne poursuit jamais un cerf (ou une biche) sans craindre (ou espérer) passer à travers le miroir qui sépare le monde d’ici-bas du paradis (ou de l’enfer) des fées…"
Antoine
Peillon - L'Esprit du Cerf Pour
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cliquez [ici] *Saint-Hubert
: est le saint patron du village de Courvières...
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