Le Trochiscanthe nodiflore
[TN]
n°540 (2016-40)
mardi 18 octobre 2016
"Lettre hebdomadaire" du site "Rencontres
Sauvages"
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Sur la proue d'un bateau... Lac de Saint-Point (Haut-Doubs) samedi 6 août 2016 Sur la plage...
Lac
de Saint-Point (Haut-Doubs)Lac de Saint-Point (Haut-Doubs) samedi 6 août 2016 samedi 6 août 2016
Toilette Lac de Saint-Point (Haut-Doubs) samedi 6 août 2016 <image recadrée>
Propriété
privéeLac de Saint-Point (Haut-Doubs) samedi 6 août 2016 <image recadrée>
<image recadrée>
A la proue d'un bateau
II...
Rougequeue
noir mâleLac de Saint-Point (Haut-Doubs) samedi 6 août 2016 Courvières (Haut-Doubs) lundi 15 août 2016 Rougequeue
noir femelle
Courvières (Haut-Doubs) dimanche 21 août 2016 Sur le bord d'une mangeoire...
Courvières
(Haut-Doubs)Courvières (Haut-Doubs) dimanche 21 août 2016 dimanche 21 août 2016 <image recadrée>
Mâle en
clair-obscurCourvières (Haut-Doubs) dimanche 28 août 2016 <image recadrée> Courvières (Haut-Doubs) dimanche 28 août 2016 dimanche 28 août 2016 dimanche 28 août 2016 Courvières
(Haut-Doubs)
<image recadrée>
samedi 3 septembre 2016
Courvières
(Haut-Doubs)
samedi 3 septembre 2016
Rougequeue
noir femelle
Courvières (Haut-Doubs) samedi 3 septembre 2016 Pour regarder, ou cliquez [ici] <pas de son !> Courvières
(Haut-Doubs)
<image recadrée>
samedi 3 septembre 2016 Dans la falaise...
<image recadrée>
Mont d'Or (Haut-Doubs) samedi 3 septembre 2016 <image recadrée> <image recadrée>
Mont
d'Or (Haut-Doubs)
Mont
d'Or (Haut-Doubs)samedi 3 septembre 2016 samedi 3 septembre 2016
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mardi 16
août 2016 |
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mardi 9 avril 2013
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"Vassili et Vitaly étaient très fiers de leur installation : ils avaient pavoisé leurs engins de drapeaux impériaux russes. L'aigle à deux têtes claquait au-dessus de leurs panières. « Il faut savoir qui est qui ! » dit Vitaly. Ô, nous aimions ces Russes. Chez nous, l'opinion commune les méprisait. La presse les tenait, au mieux, pour des brutes à cheveux plats, incapables d'apprécier les moeurs aimables des peuplades du Caucase ou les subtilités de la social-démocratie et, au pire, pour un ramassis de semi-Asiates aux yeux bleus méritant amplement la brutalité des satrapes sous le joug desquels ils s'alcoolisaient au cognac arménien pendant que leurs femmes rêvaient de tapiner à Nice. Ils sortaient de soixante dix ans de joug soviétique. Ils avaient subi dix années d'anarchie eltsinienne. Aujourd'hui, ils se revanchaient du siècle rouge, revenaient à grands pas sur l'échiquier mondial. Ils disaient des choses que nous jugions affreuses : ils étaient fiers de leur histoire, ils se sentaient pousser des idées patriotiques, ils plébiscitaient leur président, souhaitaient résister à l'hégémonie de l'OTAN et opposaient l'idée de l'eurasisme aux effets très sensibles de l'euro-atlantisme. En outre ils ne pensaient pas que la Russie avait vocation à s'impatroniser dans les marches de l'ex-URSS. Pouah ! Ils étaient devenus infréquentables. Je côtoyais les Russes depuis le putsch avorté de Guennadi Ianaïev en août 1991. Ils ne m’avaient jamais semblé rongés par l’inquiétude, le calcul, la rancune, ni le doute: vertus de la modernité. Ils me paraissaient des cousins proches, peuplant un ventre géographique bordé à l’est par la Tartarie affreusement ventée et à l’ouest par notre péninsule en crise. Je nourrissais une tendresse pour ces Slaves des plaines et des forêts dont la poignée de main vous broyait à jamais l’envie de leur redire bonjour. Me plaisait leur fatalisme, cette manière de siffler le thé par un après-midi de soleil, leur goût du tragique, leur sens du sacré, leur inaptitude à l’organisation, cette capacité à jeter toutes leurs forces par la fenêtre de l’instant, leur impulsivité épuisante, leur mépris pour l’avenir et pour tout ce qui ressemblait à une programmatique personnelle. Les Russes furent les champions des plans quinquennaux parce qu’ils étaient incapables de prévoir ce qu’ils allaient faire eux-mêmes dans les cinq prochaines minutes. Quand bien même l’auraient-ils su, « ils n’atteignaient jamais leur but parce qu’ils le dépassaient toujours », précisait Mme de Staël. Et puis il y avait leur rugosité de premier abord. Un Russe ne faisait jamais l’effort de vous séduire. « On n’est pas des portiers de Sheraton tout de même », semblaient-ils penser en vous claquant la porte au visage. Au préalable, ils faisaient la gueule, mais il m’était arrivé de les voir m’offrir leur aide comme si j’avais été leur fils et je préférais ces imprévisibilités-là à celles des êtres qui décampaient au moindre nuage après vous avoir caressé le dos avec des familiarités de chatte. Est-ce parce que l'histoire s'était déchaînée sur eux avec la hargne de la houle sur un récif tropical qu'ils avaient développé une vision tragique de la vie, un goût pour la formulation permanente du malheur, une capacité à proclamer sans cesse l'inconvénient d'être né ? Nous autres, latins, nourris de stoïcisme, abreuvés par Montaigne, inspirés par Proust, nous tentions de jouir de ce qui nous advenait, de saisir le bonheur partout où il chatoyait, de le reconnaître quand il surgissait, de le nommer quand l'occasion s'en présentait. Dès que le vent se levait, en somme, nous tentions de vivre. Les Russes, eux, étaient convaincus qu'il fallait avoir préalablement souffert pour apprécier les choses. Le bonheur n'était qu'un interlude dans le jeu tragique de l'existence. Ce que me confiait un mineur du Donbass, dans l'ascenseur qui nous remontait d'un filon de charbon, constituait une parfaite formulation de la "difficulté d'être" chez les Slaves : "Que sais-tu du soleil si tu n'as pas été à la mine ?" Milan Kundera avait souvent déploré l'absence de rationalité dans la pensée russe. Il répugnait à ce penchant des compatriotes de Dostoïevski à toujours sentimentaliser les choses, à éclabousser la vie de pathos alors même qu'ils se rendaient coupables d'exactions. Et si c'était là la clé du mystère russe ? Une capacité à laisser partout des ruines, puis à les arroser par des torrents de larmes. Ce voyage était certes une façon de rendre les honneurs aux mânes du sergent Bourgogne et du prince Eugène, mais aussi une occasion de se jeter de nids-de-poule en bistros avec deux de nos frères de l'Est pour sceller l'amour de la Russie, des routes défoncées et des matins glacés lavant les nuits d'ivresse..."
Sylvain
Tesson - Bérézina
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