Le Trochiscanthe nodiflore
[TN]
n°538 (2016-38)
mardi 4 octobre 2016
"Lettre hebdomadaire" du site "Rencontres
Sauvages"
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Château de Joux
La Cluse et Mijoux (Haut-Doubs) vendredi 11 mars 2016 Portrait de Figaro, Chamois mâle La Cluse et Mijoux (Haut-Doubs) vendredi 11 mars 2016 Chamois en flou-filé La Cluse et Mijoux (Haut-Doubs) samedi 13 août 2016 La Cluse et Mijoux (Haut-Doubs) samedi 13 août 2016
Entre ombre
et lumière...
Eterle mangeant
les fleurs
(Scabieuse...)
Eterle rejoignant
la harde...
Pose
Eterlous broutant
Chamois dans l'ombre : devant le Château de JouxLa Cluse et Mijoux (Haut-Doubs) samedi 13 août 2016 Portrait d'un Chamois femelle, à travers les herbes... La Cluse et Mijoux (Haut-Doubs) samedi 13 août 2016 Chamois femelle
au bord de la falaise
Mont d'Or (Haut-Doubs) dimanche 11 septembre 2016 Pour regarder, ou cliquez [ici] <pas de son !> Portrait d'Esmeralda,
Chamois femelle Mont d'Or (Haut-Doubs) dimanche 11 septembre 2016 " Dans un vaste espace laissé libre entre la foule et le feu, une jeune fille dansait. Si cette jeune fille était un être humain, ou une fée, ou un ange, c'est ce que Gringoire, tout philosophe sceptique, tout poète ironique qu'il était, ne put décider dans le premier moment, tant il fut fasciné par cette éblouissante vision. Elle n'était pas grande, mais elle le semblait, tant sa fine taille s'élançait hardiment. Elle était brune, mais on devinait que le jour sa peau devait avoir ce beau reflet des Andalouses et des Romaines. Son petit pied aussi était andalou, car il était tout ensemble à l'étroit et à l'aise dans sa gracieuse chaussure. Elle dansait, elle tournait, elle tourbillonnait sur un vieux tapis de Perse, jeté négligemment sous ses pieds ; et chaque fois qu'en tournoyant la rayonnante figure passait devant vous, ses grands yeux noirs vous jetaient un éclair. Autour d'elle tous les regards étaient fixes, toutes les bouches ouvertes ; et en effet, tandis qu'elle dansait ainsi, au bourdonnement du tambour de basque que ses deux bras ronds et purs élevaient au-dessus de sa tête, mince, frêle et vive comme une guêpe, avec son corsage d'or sans pli, sa robe bariolée qui se gonflait, avec ses épaules nues, ses jambes fines que sa jupe découvrait par moments, ses cheveux noirs, ses yeux de flamme, c'était une surnaturelle créature... " Victor
HUGO - Notre Dame de Paris La langue
noire...
Mont d'Or (Haut-Doubs) dimanche 11 septembre 2016 Pour regarder, ou cliquez [ici] <pas de son !>
Elle rumine devant le lever du soleil ! Mont d'Or (Haut-Doubs) dimanche 11 septembre 2016 Portrait
Mont d'Or (Haut-Doubs) dimanche 11 septembre 2016 <image recadrée> <image recadrée>
<image recadrée> Pipi sur la pelouse...Mont d'Or (Haut-Doubs) dimanche 11 septembre 2016 <image recadrée>
Portrait II, dans l'herbe doréeMont d'Or (Haut-Doubs) dimanche 11 septembre 2016 La harde
Mont d'Or (Haut-Doubs) samedi 24 septembre 2016 Pour regarder et écouter, ou cliquez [ici] Chamois femelle
Mont d'Or (Haut-Doubs) samedi 24 septembre 2016 Pour regarder et écouter, ou cliquez [ici] Chamois femelle broutant au soleil
Mont d'Or (Haut-Doubs) samedi 24 septembre 2016 Eterlou dans
l'ombre
Mont d'Or (Haut-Doubs) samedi 24 septembre 2016
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mardi 1er
mars 2016 |
"A l'hôtel Zum Storchen, avec cet homme qui
m'a dit qu'il s'appelait Assem, quelque chose était
différent. Au milieu de la nuit, je me suis
réveillée. J'étais bien. J'ai laissé la douceur de
la chambre m'entourer. Je croyais qu'il dormait à
mes côtés. Je me trompais. Il a dû sentir au
mouvement de mon corps que je m'étais éveillée. Sans
bouger avec une voix douce, il m'a demandé de lui
parler de mon métier, de lui raconter une histoire
d'archéologue. J'ai pensé à Mariette Pacha. A cause
de la statue de Bès, sûrement. Est-ce que j'avais
déjà décidé, à ce moment, de ce que j'en ferais ? Je
ne crois pas. Mais Mariette pacha est entré dans la
chambre et j'ai senti qu'Assem écoutait avec
avidité. J'ai raconté ce jour, à Abydos, où
l'archéologue français désigna à ses ouvriers un
endroit où creuser. J'ai raconté comment les hommes
creusèrent et furent sidérés de trouver des
vestiges. Et j'ai raconté, dans cette nuit calme,
heureuse comme un répit dans nos vie, qu'un ouvrier
a demandé à Mariette comment il avait su que c'était
là. Et Mariette Pacha de répondre : « J'ai
su
parce que j'ai trois mille ans... »
Assem a écouté. Il n'a pas ri. D'habitude, lorsque
je raconte cette anecdote, les gens rient, prenant
cela pour un bon mot. Lui, non. Il n'a pas ri parce
qu'il est comme moi : il sait que c'est vrai. Et il
a demandé qui était Mariette Pacha. Alors j'ai
raconté un peu l'histoire de ce pionnier, inventeur
de l'archéologie moderne. J'ai raconté la découverte
du Sérapéum. « C'est
quoi le Sérapéum ? » J'ai expliqué que
c'était un tombeau pour les taureaux Apis. Cela l'a
intrigué. « Les
taureaux Apis... ? » Alors j'ai
détaillé : les prêtres qui désignent un taureau
sacré, à la robe noire, avec un triangle inversé
blanc sur le front. J'ai raconté la longue
procession de la bête sur le Nil et partout, sur les
berges, les hommes qui se prosternent. J'ai raconté,
à la mort de chaque taureau Apis, les soixante-dix
jours de deuil, l'embaumement de la bête, sa
sépulture dans ce temple où tous les taureaux se
succèdent, génération après génération, et les
prêtres, déjà, qui repartent à la recherche de la
réincarnation de celui qui vient de mourir. « Tout cela pour un
taureau ? » a-t-il dit, avec
admiration. Oui. Et Mariette Pacha qui découvre le
lieu. Le premier. Sans savoir encore qu'après cela,
sa vie ne sera plus jamais la même et qu'il sera lié
pour toujours à l'Egypte, lui, le petit Boulonnais
qui finira pacha, enterré dans le musée de Boulaq.
La difficulté des fouilles. L'attente de l'obtention
du fameux firman qui permet de creuser et le jour,
enfin, où ils peuvent ouvrir la porte qu'ils ont
réussi à dégager du sable. J'ai raconté la colonne
de vapeur bleue qui sort de la porte ouverte,
« comme de la
bouche d'un volcan », dit Mariette
dans ses écrits. Pendant quatre heures, la tombe se
vide de cet air prisonnier depuis des siècles. Je
vois Assem fermer les yeux, imaginer ce spectacle.
Plus loin, dans la chambre mortuaire, Mariette
découvre non seulement les sarcophages des taureaux,
mais là, sur le sol, la forme d'un pied dans la
poussière. Le dernier prêtre qui s'est retiré avant
de fermer la porte. La forme de son pied, figée dans
la poussière, immobile pour trente siècles. Et ce
qui était fragile, ce qui aurait du être effacé au
premier coup de vent a survécu à tout, aux guerres,
aux famines, aux déclins des civilisations, aux
convulsions du monde. Je lui raconte cela. Et je
sais à l'intensité de son silence qu'il pense comme
moi, que c'est à la fois extraordinaire et qu'il y a
là, dans le fait d'ouvrir cette porte, de laisser
cet air s'échapper et la trace disparaître, une
forme de violation qui donne envie de pleurer. A la
fin, lorsque je me suis tue, j'ai cru qu'il allait
garder le silence, un peu gêné, parce que j'avais
peut-être trop parlé, parce que c'était étrange de
convoquer ainsi Mariette Pacha et les taureaux
sacrés d'Egypte alors que nous étions nus, côte à
côte, mais il n'y a pas eu de gêne. Il s'est tu
quelques temps, comme pour laisser vivre encore un
peu les images du lointain, les berges du Nil, la
foule qui se prosterne, la bête choisie qui entre
dans le temple – puis il a pris la parole à son
tour. Il a juste prononcé quelques vers. Je me
souviens. C'est là, je crois, que j'ai su ce que
j'allais faire. Il a dit : « Corps,
souviens-toi, non seulement de l'ardeur avec
laquelle tu fus aimé, non seulement des lits sur
lesquels tu t'es étendu, mais de ces désirs qui
brillaient pour toi dans les yeux et tremblaient
sur les lèvres... » C'était sa façon à
lui de répondre aux taureaux Apis, de m'offrir
quelque chose à son tour. Il a ajouté le nom du
poète : Cavafy. J'ai pleuré, doucement. C'était
comme s'il savait pour la maladie qui est en moi et
la fatigue, parfois, de cette vie de combat. Alors,
j'ai pleuré, oui, et il n'a pas essayé de me
réconforter, il savait que c'était mieux ainsi, que
pleurer me lavait de quelque chose dont je ne
pouvais parler. « Corps,
souviens-toi, non seulement de l'ardeur avec
laquelle tu fus aimé... » J'ai su
alors que j'allais aimer cet homme, j'ai su que les
mots de Cavafy, il me les donnait, pressentant – par
je ne sais quelle clairvoyance – qu'ils me faisaient
du bien, alors j'ai su que c'était à lui que je
donnerais la statue de Bès que j'ai depuis
longtemps, sans le dire à personne, car à cet
instant j'avais rencontré quelqu'un qui, comme moi,
avait trois mille ans..."
Laurent
GAUDE - Ecoutez nos défaites
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