Le Trochiscanthe nodiflore
[TN]
n°524 (2016-24)
mardi 14 juin 2016
"Lettre hebdomadaire" du site "Rencontres
Sauvages"
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"Je comprends les reproches que se fait Tamina. Je m'en suis fait, moi aussi, quand papa est mort. Je ne pouvais pas me pardonner de lui avoir si peu de questions, de savoir si peu de chose sur lui, de m'être permis de le manquer. Et ce sont justement ces remords qui m'ont fait brusquement comprendre ce qu'il voulait sans doute me dire devant la partition ouverte de la sonate opus 111. Je vais essayer de m'expliquer par une comparaison. La symphonie est une épopée musicale. On pourrait dire qu'elle ressemble à un voyage qui conduit, à travers l'infini du monde extérieur, d'une chose à une autre chose, de plus en plus loin. Les variations aussi sont un voyage. Mais ce voyage-là ne conduit pas à travers l'infini du monde extérieur. Vous connaissez certainement la pensée où Pascal dit que l'homme vit entre l'abîme de l'infiniment grand et l'abîme de l'infiniment petit. Le voyage des variations conduit au-dedans de cet autre infini, au-dedans de l'infinie diversité du monde intérieur qui se dissimule en toute chose. Dans les variations, Beethoven a donc découvert un autre espace à explorer. Ses variations sont une nouvelle invitation au voyage. La forme des variations est la forme où la concentration est portée à son maximum ; elle permet au compositeur de ne parler que de l'essentiel, d'aller droit au coeur des choses. La matière des variations est un thème qui n'a souvent pas plus de seize mesures. Beethoven va au-dedans de ces seize mesures comme s'il descendait dans un puits à l'intérieur de la terre. Le voyage dans l'autre infini n'est pas moins aventureux que le voyage de l'épopée. C'est ainsi que le physicien pénètre dans les entrailles miraculeuses de l'atome. A chaque variation Beethoven s'éloigne de plus en plus du thème initial qui ne ressemble pas plus à la dernière variation que la fleur à son image sous le microscope. L'homme sait qu'il ne peut embrasser l'univers avec ses soleils et ses étoiles. Bien plus insupportable est pour lui d'être condamné à manquer l'autre infini, cet infini tout proche et à sa portée. Tamina a manqué l'infini de son amour, moi j'ai manqué papa et chacun manque son oeuvre parce qu'à la poursuite de la perfection on va à l'intérieur de la chose, et là on ne peut jamais aller jusqu'au bout. Que l'infini du monde extérieur nous ait échappé, nous l'acceptons comme une condition naturelle. Mais d'avoir manqué l'autre infini, nous nous le reprocherons jusqu'à la mort. Nous pensions à l'infini des étoiles, mais l'infini que le papa portait en lui, nous ne nous en souciions pas. Il n'est pas surprenant qu'à l'âge de sa maturité les variations soient devenues la forme préférée de Beethoven qui savait fort bien (comme le sait Tamina et comme je le sais) qu'il n'est rien de plus intolérable que de manquer l'être que nous avons aimé, ces seize mesures et l'univers intérieur de leurs possibilités infinies..." M
Kundera - Le livre du rire et de
l'oubli |
Grive litorne La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs) samedi 26 mars 2016 La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs) samedi 26 mars 2016 La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs) samedi 26 mars 2016 La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs) dimanche 10 avril 2016
Grive litorne La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs) samedi 30 avril 2016 Mésange
boréale (?)
Grive litorneBouverans (Haut-Doubs) samedi 30 avril 2016 <image recadrée> Bouverans (Haut-Doubs) samedi 30 avril 2016 Mésange à
longue queue
Mésange à
longue queue (allant nourrir ses petits...)Bouverans (Haut-Doubs) samedi 30 avril 2016 Bouverans (Haut-Doubs) samedi 30 avril 2016 Mésange
boréale (?)
Bouverans (Haut-Doubs) samedi 30 avril 2016 Mésange
boréale (?) Bouverans (Haut-Doubs) samedi 30 avril 2016 Chardonneret
élégant
La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs) jeudi 5 mai 2016 Grive
litorne
La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs) jeudi 5 mai 2016 Chardonneret
élégant
La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs) jeudi 5 mai 2016 <image recadrée>
Grive
litorne
La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs) jeudi 5 mai 2016
Grive
litorne, dans les Pissenlits
La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs) jeudi 5 mai 2016 Grive
litorne
La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs) jeudi 5 mai 2016 <image recadrée>
Mésange
nonette
Bouverans (Haut-Doubs) jeudi 5 mai 2016 Mésange
noire
La Cluse et Mijoux (Haut-Doubs) vendredi 6 mai 2016 Mésange
noire
Lac de Saint-Point (Haut-Doubs) samedi 7 mai 2016 Mésange
noire,
avec des matériaux pour son nid (un trou dans le sol) Lac de Saint-Point (Haut-Doubs) samedi 7 mai 2016 Mésange
noire, dans un
Saule
Lac de Saint-Point (Haut-Doubs) samedi 7 mai 2016 Mésange
nonette
Lac de Saint-Point (Haut-Doubs) samedi 7 mai 2016 Grive
litorne
Lac de Saint-Point (Haut-Doubs) samedi 7 mai 2016 Chardonneret
élégant
Lac de Saint-Point (Haut-Doubs) samedi 7 mai 2016 Bergeronnette
grise
Lac de Saint-Point (Haut-Doubs) samedi 7 mai 2016 Bergeronnette
grise
Lac de Saint-Point (Haut-Doubs) samedi 7 mai 2016 Grive
litorne, jeune
La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs) dimanche 15 mai 2016 Chardonneret
élégant
La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs) dimanche 15 mai 2016 Grive
litorne, adulte
(amenant des vers de terre à ses jeunes) La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs) dimanche 15 mai 2016 Mésange
noire
Bouverans (Haut-Doubs) lundi 16 mai 2016 Grive
litorne,
au sommet d'un Epicéa Bouverans (Haut-Doubs) samedi 21 mai 2016 <image recadrée> Pouillot sp.,
au sommet d'un Epicéa Bouverans (Haut-Doubs) samedi 21 mai 2016 <image recadrée> Merle noir femelle
La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs) dimanche 29 mai 2016 <image recadrée>
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"Chapitre VII Il faut parcourir mille trois cents kilomètres pour se rendre de Canberra à Adélaïde, en grande partie sur cette route perdue et à demi oubliée qu'est la Sturt Highway, baptisée ainsi en l'honneur du capitaine Charles Sturt, qui sillona la région au cours de plusieurs expéditions entre 1828 et 1845. Outre la paternité du relevé topographique du cours paresseux du Murray et de ses affluents, il revient à Sturt le mérite d'avoir été le premier explorateur de l'Australie naissante à montrer un certain professionalisme. Par exemple, il savait comment attacher ses chevaux la nuit. Cela pourra sembler une compétence minimale chez quiconque est amené à loger au milieu d'espaces vides et désolés, mais cette technique semblait fâcheusement faire défaut à certains de ses prédécesseurs. John Oxley, chef d'une expédition légèrement antérieure, avait négligé d'entraver ses chevaux et, en se réveillant un beau matin, il avait découvert que toutes ses montures avaient disparu. Il avait fallu cinq jours à lui et à ses hommes pour les récupérer. Peu de temps après, ses bêtes prenaient derechef la clef des champs. Il n'empêche qu'Oxley eut droit lui aussi à sa route, dans le nord de la Nouvelle-Galles du Sud. Les Australiens sont très généreux sur ce plan-là. La Sturt Highway débute près de Wagga Wagga, à cent cinquante kilomètres environ à l'ouest de Canberra, et traverse une région d'élevage de moutons du nom de Riverina, large plaine à la terre brune et poussièreuse, coupée par les méandres capricieux de la rivière Murrumbidgee. L'endroit offre une parfaite illustration de la rapidité avec laquelle, en Australie, on peut se retrouver au milieu de nulle-part. La minute précédente j'étais au coeur d'un paysage souriant d'enclos à bétail, de prairies et de collines vert pâle, ponctué de petites bourgades confortablement espacées. La minute suivante j'étais tout seul, dans un no man's land d'une monotonie interminable, sur un disque de terre brunâtre où se découpait parfois la silhouette d'un gommier sous un dôme d'azur. Les localités traversées n'étaient même pas des villages, tout juste des hameaux de deux ou trois maisons avec un poste à essence et un pub. Au bout d'un moment il n'y avait même plus rien du tout. Entre Narrandera, le dernier bastion de la civilisation, et Balnarald, le suivant, se déroulent trois cent cinquante kilomètres de route sans la moindre agglomération. Toutes les heures environ, je dépassais une roadhouse, un établissement solitaire planté au bord de la route, mi-pompe à essence mi-café, ce que la langue vernaculaire appelle joliment un chew and spew (« tu mâches, tu craches »). Parfois, mais très rarement, je voyais une piste de terre défoncée qui partait à l'horizon vers un élevage de moutons, une exploitation lointaine et invisible. Mais autrement rien. Comme pour bien souligner cette désolation, les stations de radio se sont mises à me lâcher l'une après l'autre. Leurs ondes faiblissaient et bientôt toutes ces voix riches et veloutées, omniprésentes sur les ondes australiennes – Vic Damone, Mel Torme, Frank Sinatra au sommet de leur période dou-bi-dou-ba – se sont estompées et ont disparu, comme aspirées par une mystérieuse force électromagnétique vers le néant d'où elles s'étaient échappées. Bientôt ma radio ne m'a plus offert qu'une sorte de long chuintement ininterrompu d'électricité statique, à l'exception d'un point clair et muet tout au bout de la bande des ondes. Au début, j'ai pensé qu'il ne s'agissait que de cela : une station ayant fait voeu de silence, et puis j'ai distingué un très léger bruit, un bruit de chaises et de gens qui s'installent, et, quelques secondes plus tard, une voix calme et pondérée s'est élevée :
Je venais de tomber par hasard au milieu de cet univers surréaliste et passionnant qu'est le cricket à la radio. Après des années d'études patientes et laborieuses (avec le cricket il ne peut en être autrement), j'en suis arrivé à la conclusion que ce jeu gagnerait beaucoup à l'introduction de quelques chariots de golf. Ceux qui prétendent que les Anglais ont inventé le cricket uniquement pour rendre intéressante et palpitante toute autre forme d'activité humaine ont tort. Loin de moi l'idée de dénigrer un sport qui fait le bonheur de millions de gens – dont certains arrivent même à rester éveillés et à garder les yeux ouverts pendant les matchs – mais, franchement, c'est un jeu bizarre. C'est le seul sport qui inclut une pause pour le thé. C'est le seul sport qui porte le même nom qu'un insecte. C'est le seul sport où les spectateurs brûlent autant de calories que les joueurs (et même plus, s'ils sont un brin enthousiastes). C'est la seule activité de type compétitif – mis à part les concours de boulangers – où les acteurs s'habillent tout en blanc le matin et se retrouvent aussi immaculés en fin de journée. Imaginez le cricket comme une sorte de base-ball dans lequel le pitcher, après chaque lancer, reprend la balle du catcher et s'en va au milieu du terrain. Une fois arrivé là, après une minute de pause pour reprendre ses esprits, il se retourne et fonce pleins gaz en direction de la butte du pitcher pour lancer la balle en visant les chevilles du mec en face, coiffé d'une bombe d'équitation, arborant cette sorte de gants qu'on utilise pour manipuler des isotopes radioactifs et portant un matelas ficelé autour de chaque jambe. Imaginez, en plus, qu'au cas où son malheureux adversaire ne réussirait pas à renvoyer la balle avec une énergie qui lui donne suffisamment de temps pour tenter un sprint de vingt mètres avec un Dunlopillo autour des mollets, le lanceur a parfaitement le droit de rester là où il est, sans rien faire. En fait, le règlement lui donne la permission de rester planté là toute la journée si ça lui chante, ce qu'il fait d'ailleurs, en général. Si par miracle il rate bêtement son coup, il est éliminé ; alors tous les gens qui l'entourent lèvent les bras en signe de triomphe et se donnent l'accolade. Cela coïncide le plus souvent avec l'heure du thé, et tous les joueurs se retirent joyeusement dans un pavillon voisin pour se requinquer un peu avant une nouvelle attaque. Maintenant, imaginez que tout cela dure si longtemps qu'au moment où le match se termine vous vous apercevez que l'automne s'annonce et que vous avez largement dépassé la date limite de restitution de vos livres à la bibliothèque. Eh bien, voilà qui vous donne une petite idée de ce qu'est le cricket. Cependant, je dois reconnaître qu'il y a quelque chose d'incroyablement lénifiant dans la diffusion d'un match de cricket à la radio. A peu près les mêmes vertus, d'ailleurs, qu'un match de base-ball commenté sur les ondes : cette même façon de prendre son temps, cet amour incompréhensible pour les statistiques les plus obscures ou les considérations historiques pontifiantes, ces infimes moments d'action accueillis avec un débordement d'enthousiasme. Mais dans le cas du cricket tout cela dure des heures et s'accompagne d'une richesse sémantique et d'une élégance d'expression que le base-ball lui-même est loin d'égaler. Suivre deux journalistes sportifs commentant une rencontre de cricket à la radio, c'est un peu comme écouter deux pêcheurs assis dans une barque sur un lac tranquille un jour où le poisson ne mord pas. C'est faire une petite sieste sans perdre conscience. En fait, il vaut mieux ne pas comprendre tout à fait ce qui se passe. Car dans cet univers, si rare, de petites satisfactions paisibles et subtiles, tout comprendre gâcherait le plaisir.
Je ne vous garantis pas l'exactitude des termes mais je pense vous avoir parfaitement restitué l'esprit du commentaire. En résumé, il apparaissait que l'Angletterre était en train de se faire battre à plate couture par l'Australie, ce qui est généralement le cas. D'ailleurs, ce beau pays bat pratiquement tout le monde dans n'importe quelle discipline. A la réflexion, je ne connais pas de nation plus sportive. En 1996, aux jeux Olympique d'Atlanta – exemple pris au hasard mais illustrant bien mon propos – l'Australie, cinquante-deuxième pays du monde en termes de population, a remporté plus de médailles que toutes les autres nations sauf quatre. De plus, la gamme des sports où avait brillé l'Australie était très large (quatorze disciplines), autant que les Etats-Unis. Il existe peu de domaines sportifs où elle n'excelle. Et saviez-vous qu'il y a même quarante Australiens engagés comme professionnels dans les équipes de base-ball américaines, dont cinq de première division ? Et dire que les Australiens ne jouent même pas au base-ball ! Du moins pas de manière assidue, car chez eux ils se livrent à cette espèce de foire d'empoigne vaguement codifiée qu'est le football australien. Pour ce qui est du cricket, le mystère n'est pas tant que les Australiens y excellent, c'est d'abord qu'ils y jouent. Le cricket m'a toujours semblé un jeu bien trop guindé pour le tempérament un peu gros bras bagarreur de ce peuple. Les Australiens préfèrent en général les sports où des malabars sommairement vêtus essaient mutuellement de s'exploser le nez. Supposons un instant que le reste de l'humanité disparaisse de la surface de la terre et que l'avenir du cricket tombe entre les mains de l'Australie, je vous garantis qu'en moins de deux générations les joueurs porteraient des shorts et utiliseraient les battes pour se taper dessus. Et, à dire vrai, le cricket y gagnerait beaucoup..."
Bill
Bryson - Nos voisins du dessous
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